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28/11/2014 | FRANCE | N°14NT00113

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 novembre 2014, 14NT00113


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant à..., par Me Crosnier, avocat ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301690 du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 août 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de l

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Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant à..., par Me Crosnier, avocat ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301690 du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 2013 du préfet du Calvados refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté du 13 août 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à défaut, un titre portant la mention " salarié ", dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur la fraude qu'il aurait commise pour lui refuser un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, cette fraude alléguée n'est pas établie ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, mineur à la date de son placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle menuiserie grâce à sa persévérance ; sa volonté d'intégration en France est incontestable ; il n'a plus de contact avec sa famille restée au Mali ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où, pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, il s'investit dans une formation qualifiante et témoigne de son incontestable volonté d'intégration, alors qu'il serait totalement isolé en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet, en ne prenant pas en compte sa situation particulière de mineur isolé, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour entraîne, par la voie de l'exception d'illégalité, celle de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées, dès lors qu'elles ne comportent pas d'examen des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle et sa vie privée et familiale ;

- le préfet, qui s'est senti lié par la décision portant refus de titre de séjour, s'est abstenu d'apprécier s'il y avait lieu d'assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2014, présenté par le préfet du Calvados, qui conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance ; il fait valoir en outre que, contrairement à ce qu'estime le requérant, les premiers juges ont bien constaté qu'il n'était pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 octobre 2014, présenté, pour M. B..., par Me Peiffer-Devonec, avocat ; M. B... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

- et les observations de MeC... présentées pour M. A... B... ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant malien, relève appel du jugement du 18 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 2013 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 28 juin 2010 à l'âge de 16 ans et un mois et a été placé le même jour auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de Seine-Saint-Denis en qualité de mineur isolé ; que si le consulat général de France à Bamako, saisi par le préfet, a estimé que l'acte de naissance n° 255 produit par l'intéressé concernait une tierce personne, M. B... a produit postérieurement une autre copie intégrale de cet acte délivré par l'officier d'état civil de Nioro du Sahel et certifié conforme par le consulat général du Mali à Paris le 14 octobre 2013 ; que ce nouvel acte établit qu'il était mineur à la date du 15 octobre 2010, date de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance de Seine Saint-Denis, ce que ne conteste d'ailleurs pas le préfet ; que par ailleurs, alors que le caractère sérieux du cursus de formation de M. B... n'est pas contesté, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations et bilans éducatifs établies par les éducateurs de sa structure d'accueil, que M. B... n'a pas eu de contacts avec les membres de sa famille restés dans son pays d'origine ; qu'ainsi, au regard de la nature des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et du caractère réel et sérieux de la formation suivie, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 août 2013 du préfet du Calvados en tant qu'il lui a refusé un titre de séjour : que la décision portant obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'il résulte nécessairement du présent arrêt, eu égard à ses motifs, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301690 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du préfet du Calvados du 13 août 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2014.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00113
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CABINET CROSNIER DETTON TAMET GUIBLAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-28;14nt00113 ?
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