La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2014 | FRANCE | N°13NT02181

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 novembre 2014, 13NT02181


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour M. B... A... demeurant..., par Me Prigent, avocat ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200669 en date du 4 juin 2013 en tant que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au tit

re de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- i...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour M. B... A... demeurant..., par Me Prigent, avocat ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200669 en date du 4 juin 2013 en tant que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- il a été privé d'un débat oral et contradictoire, le vérificateur ne lui ayant pas fait part, avant la proposition de rectification, de ce qu'il n'entrait pas dans les dispositions du 14° du II de l'article 262 du code général des impôts ;

- les sommes qu'il a perçues de la société de droit israélien Alliance Tire Company Ltd à titre de commissions étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dispositions ;

- il peut utilement se prévaloir, sur le terrain de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration sur une situation analogue à la sienne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- un dialogue oral et contradictoire s'est tenu ;

- les documents produits ne démontrent pas que les rémunérations versées au requérant, qui comportaient une base fixe, étaient incluses dans la base d'imposition des marchandises importées ;

- c'est à un autre contribuable qu'était adressée la prise de position invoquée ; il n'est pas établi que le requérant exerce son activité dans des conditions identiques à cet autre contribuable ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il ne pouvait être statué par un même jugement sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée, impôts dont les redevables étaient distincts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2014 :

- le rapport de M. Jouno, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que M. A..., qui exerce une activité d'agent commercial, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 ; que M. A... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant, d'une part, à la décharge de ces rappels, et d'autre part, à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de son foyer fiscal au titre de l'année 2008 ;

2. Considérant que, par jugement du 4 juin 2013, cette juridiction a, d'une part, fait droit aux conclusions présentées en matière d'impôt sur le revenu et, d'autre part, rejeté le surplus de la demande qui lui avait été soumise ; qu'elle a ainsi statué, par un même jugement, non seulement sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à M. A... mais aussi sur celles tendant à la réduction d'une cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge non pas de M. A..., mais de M. et MmeA... ;

3. Considérant que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels qu'aient été en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux jugements séparés à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme A...d'une part, M. A... en tant que seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a statué par un même jugement à leur égard ; que le jugement du 4 juin 2013, qui n'est déféré à la cour qu'en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. A..., doit, par suite, être annulé dans cette mesure ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, pour la cour, d'évoquer la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A... en tant qu'elle portait sur la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

5. Considérant que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

6. Considérant que M. A... a informé l'administration, par courrier du 3 novembre 2008, de ce qu'il souhaitait que la vérification de comptabilité se déroulât dans les locaux de son expert-comptable ; qu'il est constant qu'il a été fait droit à sa demande ;

7. Considérant que le vérificateur n'était pas tenu de donner à M. A..., avant de lui adresser la proposition de rectification, une information sur les rehaussements d'impôt qu'il pouvait envisager ; que, dès lors, si M. A... prétend qu'il ne pouvait pas anticiper, à l'issue de la réunion de synthèse du 6 février 2009, que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui seraient notifiés, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Quant à l'application de la loi fiscale :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article 262 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont (...) exonéré(e)s de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 14° Les prestations de services se rapportant à l'importation de biens en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et dont la valeur est comprise dans la base d'imposition de l'importation. " ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 du I de l'article 291 du code général des impôts : " Les importations de biens sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. " ; qu'aux termes de l'article 292 du même code : " La base d'imposition est constituée par la valeur définie par la législation douanière conformément aux règlements communautaires en vigueur. (...) " ; que, sous les réserves qu'il énonce, le 1 de l'article 29 du règlement n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 dispose que : " La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c'est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu'elles sont vendues pour l'exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 " ; qu'aux termes du 1 de l'article 32 de ce règlement : " Pour déterminer la valeur en douane par application de l'article 29, on ajoute au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées : / a) les éléments suivants, dans la mesure où ils sont supportés par l'acheteur mais n'ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises : / i) commission et frais de courtage, à l'exception des commissions d'achat (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, le montant des commissions à la vente versées à raison de l'importation de marchandises sur le territoire douanier de l'Union est compris dans la valeur en douane de ces marchandises, et par suite, dans leur base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ;

10. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 5 du contrat conclu le 4 août 2004 entre la société de droit israélien Alliance Tire Company Ltd et M. A... qu'en sa qualité d'agent commercial, ce dernier devait, en particulier, effectuer des prestations d'entremise, assurer des missions de conseil, se tenir informé du contexte réglementaire et des actions entreprises par les concurrents et participer à des salons professionnels ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'article 11 de ce même contrat qu'il percevait pour seule rétribution de ces diverses prestations, mensuellement, une somme fixe de 5 000 euros dénommée " mensualité ", à laquelle s'ajoutaient des " primes " dont le montant dépendait de celui des ventes dans lesquelles il était intervenu et qui n'étaient définitivement acquises que lors du paiement, par l'acheteur, des marchandises ;

11. Considérant que M. A... fait valoir que les sommes perçues par lui en application de ce contrat présentaient la nature de commissions sur la vente de marchandises importées en France ; qu'il soutient par ailleurs que de telles commissions étaient comprises dans la base d'imposition des marchandises importées et étaient, ainsi, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées du 14° du II de l'article 262 du code général des impôts ; qu'à l'appui de ce moyen, il se prévaut d'une attestation de la société dont il s'agit datée du 19 juillet 2012 à laquelle sont annexés des tableaux mentionnant, en particulier, la référence et le montant des factures de vente établies au nom de clients français au titre de la période de janvier 2006 à décembre 2008 ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les " primes " décrites au point 10 avaient le caractère de commissions à la vente ; qu'au demeurant, il ressort de l'attestation précitée qu'elles étaient " incluses dans le prix de vente des marchandises " importées ; que, dès lors, elles étaient comprises dans la base d'imposition de ces marchandises et étaient, à ce titre, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, conformément aux dispositions du 14° du II de l'article 262 du code général des impôts ;

13. Considérant, en revanche, que les mensualités de 5 000 euros versées par la société de droit israélien Alliance Tire Company Ltd à M. A... au titre de la période litigieuse n'étaient pas corrélées aux ventes pour lesquelles celui-ci avait réalisé des prestations d'entremise ; qu'en outre, s'il ressort de l'attestation dont il s'agit qu'au même titre que le surplus des rémunérations versées à M. A..., ces mensualités étaient prises en considération lors de la détermination des prix de vente, cette circonstance ne suffit pas à les qualifier de commissions ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles aient été comprises dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des marchandises importées ; qu'il suit de là qu'elles n'étaient pas exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 14° du II de l'article 262 du code général des impôts ;

Quant à l'invocation de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales :

14. Considérant que M. A... soutient que, dans un courrier du 27 septembre 1999, adressé au gérant d'une société ayant effectué, avant lui-même, des prestations d'entremise pour le compte de la société de droit israélien Alliance Tire Company Ltd, l'administration a admis que l'ensemble de ces prestations devait être exonéré de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il ajoute qu'elle a ainsi pris position sur une situation de fait identique à la sienne ;

15. Mais considérant que, par le courrier invoqué, l'administration s'est bornée à indiquer que les factures relatives à des prestations d'entremise répondant aux conditions posées par l'article 263 du code général des impôts étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, sans prendre formellement position sur une situation de fait, elle s'est contentée de rappeler les termes de la loi fiscale ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de M. A... au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 doivent être réduites du montant des primes décrites au point 10 ; que M. A... doit ainsi être déchargé des rappels de taxe et des pénalités mis à sa charge pour cette période à concurrence de cette réduction de ses bases d'imposition ; que le surplus de ses conclusions à fin de décharge doit, en revanche, être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200669 du tribunal administratif de Caen en date du 4 juin 2013 est annulé en tant qu'il statue sur la taxe sur la valeur ajoutée.

Article 2 : Les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de M. A... au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 sont réduites du montant des primes décrites au point 10 du présent arrêt.

Article 3 : M. A... est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 à concurrence de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2014.

Le rapporteur,

T. JOUNO Le président,

F. BATAILLE

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

13NT02181

7

N° 13NT02181 - -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02181
Date de la décision : 27/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : PRIGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-27;13nt02181 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award