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06/11/2014 | FRANCE | N°13NT01293

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 06 novembre 2014, 13NT01293


Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour M. et Mme C... A..., demeurant..., par MeB... ; M. et Mme A... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907349 du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- les travaux qui ont é...

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour M. et Mme C... A..., demeurant..., par MeB... ; M. et Mme A... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907349 du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- les travaux qui ont été réalisés dans l'immeuble sis à Nantes au 1, place Mellinet, dénommé Hôtel Allard, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, n'ont entraîné aucune augmentation de surface habitable au rez-de-jardin et au deuxième étage dès lors que cet immeuble était affecté effectivement à l'habitation avant les travaux et qu'ils ont porté sur une réorganisation de l'aménagement de ces deux niveaux, notamment par déplacement des cloisons ;

- en se fondant sur le métrage effectué pour la vente de l'immeuble, dont la consistance exacte n'est pas prouvée, l'administration n'apporte pas la preuve d'une augmentation de la surface habitable à l'issue des travaux d'autant qu'il ressort du permis de construire délivré pour la rénovation de cette immeuble que cette opération n'a pas pour effet d'entraîner une augmentation de la surface hors oeuvre nette de l'immeuble ;

- à titre subsidiaire, les travaux réalisés au rez-de jardin et au deuxième étage devraient être assimilés à des travaux d'amélioration réalisés sur des dépendances immédiates d'une habitation, lesquels sont déductibles selon la doctrine énoncée dans la documentation administrative de base 5 D-2-07 du 23 mars 2007 ;

- les travaux de rénovation effectués sur cet immeuble sont des travaux d'amélioration au sens des dispositions de l'article 31 du code général des impôts, déductibles des revenus fonciers ;

- à titre subsidiaire, les travaux réalisés sur leur lot sont dissociables des autres travaux réalisés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la SARL Ymo Développement a acheté l'Hôtel Allard le 16 décembre 2004, qui était composé de cinq appartements aux rez-de-chaussée, premier et second étages et a procédé à une restructuration d'immeuble en le divisant en neuf lots, correspondant à neuf futurs appartements, ceux-ci intégrant désormais la totalité des caves et greniers ;

- les travaux de création des nouveaux logements ont eu pour effet de modifier la structure du bâtiment, son organisation interne, et surtout d'intégrer aux nouveaux appartements les espaces antérieurement à usage de caves, remises ou greniers ;

- l'accroissement de la surface habitable lié à un changement d'affectation de certaines parties du bâtiment, en l'espèce les caves et greniers, qui ne présentaient pas un caractère habitable, est clairement établie ;

- les travaux pris dans leur globalité ayant eu pour effet d'accroître la surface habitable de l'immeuble, ces travaux ne sont pas des travaux d'amélioration, mais des travaux d'agrandissement non déductibles du revenu foncier ;

- le lot acheté correspondant à un appartement " à créer ", les travaux financés par les requérants sont indissociables de l'ensemble des travaux de restructuration de l'immeuble, qui constitue un bloc indivisible ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2014, présenté pour M. et Mme A... qui concluent par les mêmes moyens aux même fins que leur requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 septembre 2014, présenté pour M. et Mme A... qui concluent par les mêmes moyens aux même fins que leur requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2014, par lequel le ministre des finances et des comptes publics conclut par les mêmes moyens au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2014, pour M. et Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme A... ont acquis, par acte en date du 22 novembre 2005, auprès de la société Ymo Developpement, un lot de copropriété dans un immeuble dénommé " Hôtel Allard ", situé 1 place du Général Mellinet à Nantes, dont les façades, la toiture et le salon du rez-de-chaussée ont été inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que des travaux de restauration de l'Hôtel Allard ont été réalisés en 2006 et 2007 et financés par l'association syndicale libre " 1 place Mellinet ", au moyen d'appels de fonds ; que M. et Mme A...ont versé à ce titre les sommes de 82 500 euros en 2005 et 83 710 euros en 2006 ; que ces dépenses ont entraîné la constatation de déficits fonciers que M. et Mme A... ont imputés sur leur revenu global, en application des dispositions du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts ; que l'administration a remis en cause la déduction de ces dépenses des revenus de M. et Mme A... au motif qu'il s'agissait non de travaux d'amélioration mais de travaux d'agrandissement, à l'exception toutefois de la partie des travaux ayant eu pour objet la préservation des parties classées ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement en date du 8 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : / a. Les dépenses de réparation et d'entretien (...) effectivement supportées par le propriétaire ; / ... b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ;... " ; qu'aux termes de l'article 156 de ce code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel... sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; ... Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation :... 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire ou ayant fait l'objet d'un agrément ministériel ou ayant reçu le label délivré par la " Fondation du patrimoine " en application de l'article L. 143-2 du code du patrimoine si ce label a été accordé sur avis favorable du service départemental de l'architecture et du patrimoine... " ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que ne sont pas déductibles du revenu global, en tant que déficits fonciers, les dépenses exposées par le propriétaire d'un immeuble inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, lorsqu'il s'agit soit de travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement, soit de travaux qui en sont indissociables ; que doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens de ces dispositions, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans des locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux existants ; que doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ; qu'en revanche, des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros oeuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable ;

3. Considérant qu'il est constant que l'Hôtel Allard, construit au XIXème siècle, était à l'origine un hôtel particulier composé d'un bâtiment principal et de deux pavillons symétriques encadrant le corps central ; que, postérieurement à la vente d'un des pavillons, cet immeuble a fait l'objet d'une première restructuration en 1968, à l'issue de laquelle il a été divisé en vingt lots, dont cinq appartements ; que l'état descriptif de division établi le 31 janvier 1968 mentionnait que l'immeuble était composé en premier lieu d'un sous-sol comportant deux pièces autrefois à usage de cuisine et salle de séjour, six caves, un caveau et des toilettes, en deuxième lieu d'un rez-de-chaussée comportant d'une part un appartement constitué d'une entrée, une cuisine, une salle de bains, des toilettes, un couloir et deux pièces, d'autre part un appartement constitué d'une entrée, quatre pièces, une cuisine, une salle de bains, des toilettes, en troisième lieu d'un premier étage comportant un appartement unique formé d'une entrée, six pièces, deux salles de bain, une cuisine, un débarras, des toilettes, et en quatrième et dernier lieu d'un second étage comportant, outre six greniers et des toilettes communes, d'une part un appartement regroupant une entrée, une cuisine, deux pièces, d'autre part un appartement regroupant une entrée, une cuisine et une pièce ; que, par acte notarié en date du 16 décembre 2004, la société Ymo Développement a acquis l'Hôtel Allard dans cette configuration avant de le diviser à nouveau en neuf nouveaux lots, correspondant à neuf appartements, dont deux sont situés au rez-de-jardin, deux au rez-de-chaussée, deux au premier étage, deux au second étage et le dernier dans le pavillon annexe ; que le lot n° 26 acquis par M. et Mme A... consiste en un appartement d'une superficie de 51,20 m² situé au 1er étage ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les travaux réalisés sur l'immeuble n'ont apporté que des modifications très limitées au gros-oeuvre, notamment dans un bâtiment annexe, au rez-de-jardin et au deuxième étage ; que si le cloisonnement a été modifié afin d'aménager neuf appartements sur les quatre niveaux, il n'y a eu ni démolition ni reconstruction des structures intérieures ; que ces travaux ont également eu pour objet de moderniser l'immeuble afin d'en assurer une meilleure utilisation ; qu'ils ne peuvent être qualifiés de reconstruction au sens des dispositions précitées ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si les travaux de restauration, dans leur globalité, ont eu pour effet en particulier au niveau du rez-de-jardin, auparavant dénommé sous-sol et composé principalement de locaux qualifiés de caves, et au second étage, comportant des locaux désignés comme étant des greniers, d'accroître la surface habitable de l'immeuble, au sens de la loi Carrez, c'est-à-dire en n'incluant ni les parties communes ni les surfaces présentant une hauteur sous plafond inférieure à 1,80 m, cette augmentation résulte d'une réorganisation de l'espace grâce à l'utilisation de surfaces qui constituaient auparavant soit des parties communes, soit des dépendances immédiates de l'habitation principale, au sens du code de l'habitation ; que ni le permis de construire délivré le 21 mars 2006 à l'association syndicale libre aux fins de réaliser des travaux de " restauration, de ravalement et d'aménagement intérieurs ", ni les plans d'architecte annexés à la demande de permis de construire ne font au demeurant état d'aucune surface hors oeuvre nette créée ; qu'il résulte également de l'instruction, en particulier des plans et photographies produits par les requérants, que le rez-de-jardin n'est pas un espace " semi-enterré ", inadapté à l'habitation, mais un espace situé légèrement en dessous du niveau du sol côté rue et entièrement de plain-pied côté jardin, où il était accessible par des portes-fenêtres ; qu'une partie de ce niveau, dont la hauteur sous plafond varie entre 2,35 et 2,50 mètres, était composée de locaux à usage de cuisine et d'un petit salon ; que l'existence de carrelages, faïences, éléments sanitaires de certaines pièces démontre bien un usage d'habitation, même si une partie du rez-de-jardin a été affectée pendant un temps à un usage de caves ; que, de même, le second étage, qui comporte de vraies fenêtres sous toit, est composé de pièces dont la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80 m sur presque toute sa surface, qui ont formé auparavant deux appartements, des espaces de rangements ou greniers ; que l'ensemble de ces éléments démontre le caractère habitable de ces deux niveaux ; qu'en l'absence d'augmentation de la surface habitable des locaux existants, les travaux réalisés ne peuvent être qualifiés d'agrandissement au sens des dispositions précitées ;

6. Considérant que, dans ces conditions, les travaux de restauration de l'Hôtel Allard réalisés par l'association syndicale libre " 1 place Mellinet " ont consisté globalement à aménager des appartements dans des espaces déjà affectés à l'habitation, y compris pour ce qui concerne la partie de l'immeuble, située au 1er étage, dans laquelle a été aménagé l'appartement acquis par M. et Mme A... ;

7. Considérant, enfin, que le montant des travaux de restauration a été défini de façon précise pour chaque copropriétaire ; que les travaux concernant le seul lot n° 26 acquis par M. et Mme A... peuvent être identifiés et individualisés par rapport aux travaux réalisés dans les autres parties de l'immeuble ; que M. et Mme A... produisent des devis détaillant précisément les travaux effectués s'agissant de la partie privative du lot n° 26 ; que s'agissant des parties communes, ils ont payé la part des travaux correspondant aux tantièmes de propriété ; que par suite, M. et Mme A... doivent être regardés comme établissant le montant exact des travaux concernant le lot n° 22, alors même que les dépenses correspondantes ont été réglées sur la base de devis, après appels de fonds de l'association syndicale libre, laquelle était le seul maître d'ouvrage de l'opération de réhabilitation de l'Hôtel Allard ; que, par suite, les sommes de 82 500 euros et 83 710 euros acquittées par M. et Mme A... respectivement au titre des années 2005 et 2006 doivent être regardées dans leur intégralité comme des charges déductibles en application des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 8 mars 2013 est annulé.

Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

F. BATAILLE

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01293
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-06;13nt01293 ?
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