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24/10/2014 | FRANCE | N°13NT01527

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 octobre 2014, 13NT01527


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Eude, avocat au barreau de l'Eure ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201299 du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos", le permis de construire tacite que lui avait délivré le 10 décembre 2011 le maire de Bénerville-sur-Mer ;

2°) de rejeter la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" devant le t

ribunal administratif de Caen ;

3°) subsidiairement, de surseoir à statuer ...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Eude, avocat au barreau de l'Eure ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201299 du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos", le permis de construire tacite que lui avait délivré le 10 décembre 2011 le maire de Bénerville-sur-Mer ;

2°) de rejeter la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure engagée par lui-même et son épouse devant le tribunal de grande instance de Lisieux ;

4°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la demande de 1ère instance était irrecevable ; en effet la délibération du 19 juin 2012 de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires susmentionné a autorisé le syndic à agir en justice, non pour obtenir l'annulation du permis de construire litigieux, mais pour exercer un recours indemnitaire consécutivement à la délivrance de ce permis ; en outre cette délibération, en tant qu'elle porte sur " un permis de construire délivré sur la base d'une parcelle inexistante " est dépourvue d'objet, le permis concerné ayant été délivré pour une parcelle existante, l'architecte du requérant ayant rectifié sur ce point l'indication erronée figurant dans la demande de permis ; en tout état de cause, la cour doit surseoir à statuer jusqu'au prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Lisieux, saisi de la validité de cette délibération ;

- le volet paysager du dossier de permis de construire est suffisant ;

- aucune autorisation de la copropriété n'était requise pour la construction envisagée qui n'affecte pas les parties communes de cette copropriété, formée de maisons séparées les unes des autres ;

- le terrain d'assiette du projet est situé en continuité de l'urbanisation existante au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

- les articles 1NA 2 et 1NA 11 du règlement du plan d'occupation des sols applicable ne sont pas méconnus ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2013, présenté pour la commune de Bénerville-sur-Mer, représentée par son maire, par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; la commune de Bénerville-sur-Mer conclut à l'annulation du jugement attaqué et à ce que soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la demande de 1ère instance était irrecevable ; en effet, les copropriétaires ont entendu autoriser le syndic à engager une action indemnitaire à l'encontre du permis de construire délivré à M. C... et non une action visant à l'annulation de ce permis ; en tout état de cause, leur autorisation était fondée " sur le seul motif tiré de l'inexistence de la parcelle objet du permis " alors que la numérotation de la parcelle a été rectifiée en cours d'instruction ;

- le projet litigieux, situé au sein d'une copropriété d'une densité significative implantée dans le prolongement du bourg de Blonville-sur-Mer dont le sépare une seule parcelle, constitue une extension de l'urbanisation réalisée en continuité d'une agglomération au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

- la parcelle d'assiette est un " terrain isolé " et un " dernier îlot de propriété non bâtie " constructible au regard des dérogations prévues par l'article 1 NA du règlement du plan d'occupation des sols ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 septembre et 19 novembre 2013, présentés pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos", dont le siège est 99-101 rue Bernardin-de-Saint-Pierre au Havre (76600) représenté par son syndic, par Me Salmon, avocat au barreau de Caen ; le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge, d'une part, de M. C..., d'autre part, de la commune de Bénerville-sur-Mer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- sa demande de 1ère instance était recevable en ce qu'elle porte sur un recours pour excès de pouvoir contre le permis contesté ; par ailleurs, il n'a pas été informé en temps utile de l'erreur de numérotation de la parcelle ;

- la demande de sursis à statuer doit être rejetée dès lors qu'une résolution rétroactive autorisant le syndic à contester le permis a été rétroactivement adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 8 août 2013 ;

- l'architecte des bâtiments de France n'a pas été consulté, ainsi qu'en témoigne l'absence de mention en ce sens dans le certificat de permis de construire tacite ;

- le dossier de permis est insuffisant sur l'insertion du projet dans son environnement proche et lointain ;

- le projet est situé à 200 mètres de la première construction de Blonville-sur-Mer dans un secteur naturel caractérisé par une urbanisation diffuse et au sein d'un lotissement comprenant une vingtaine de maisons seulement et non d'un village ; aussi, il méconnaît les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

- le terrain est inconstructible au regard du plan d'occupation des sols ; en effet il ne constitue pas un " terrain isolé " ou un " dernier îlot de propriété non bâtie " au sens de ce dernier et ne rentre pas dans le champ des dérogations prévues à l'article 1 NA1 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2013, présenté pour la commune de Bénerville-sur-Mer qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens qu'elle développe ;

elle ajoute que :

- la délibération du 19 juin 2012 n'était plus régularisable après la clôture de l'instruction en 1ère instance ;

- le projet litigieux n'est pas constitutif d'une extension de l'urbanisation mais d'une simple opération de construction ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2014, présenté pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos", qui persiste dans ses conclusions et précise que la régularisation de l'habilitation donnée par l'assemblée générale des copropriétaires au syndic pour engager l'instance doit emporter son plein effet ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2014, présenté pour la commune de Bénerville-sur-Mer qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu l'ordonnance du 26 août 2014 fixant la clôture d'instruction au 11 septembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 8 septembre 2014, présenté pour M. C... ;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2014 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Vu le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., substituant Me Gorand, avocat de la commune de Bénerville-sur-Mer ;

1. Considérant que M. C... relève appel du jugement du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos", le permis de construire tacite que lui avait délivré le 10 décembre 2011 le maire de Bénerville-sur-Mer (Calvados) ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de 1ère instance :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale " ; qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier de la résolution n° 4 du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" du 19 juin 2012, que cette assemblée générale a autorisé le syndic à " contester le permis de construire délivré à M. et Mme C...par l'engagement d'une procédure judiciaire ", précisant " qu'elle autorise le syndic à agir en justice, par toutes voies de droit et devant toutes les juridictions compétentes, y compris les juridictions d'appel, à l'encontre de M. et Mme C...pour que le syndicat puisse obtenir réparation du litige suivant : permis de construire délivré sur la base d'une parcelle inexistante. " ; que cette résolution doit être regardée comme donnant pouvoir au syndic d'engager au nom du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif à l'encontre du permis de construire accordé à M. C... ; que l'insertion de la mention " sur la base d'une parcelle inexistante " qui renvoie à l'erreur de numérotation parcellaire figurant dans la demande de permis, est sans incidence sur la finalité du contentieux engagé ; que, par suite, et alors même que M. C... a saisi le tribunal de grande instance de Lisieux en vue d'obtenir l'annulation de cette résolution, la fin de non-recevoir opposée par M. C... et la commune de Bénerville-sur-Mer à la demande de 1ère instance doit être écartée ;

Sur la légalité du permis de construire du 10 décembre 2011 :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des photos aériennes et des plans joints, que la parcelle de 7 600 m² cadastrée sous le n° AB 26 P, appelée à devenir le terrain d'assiette du projet litigieux, est située dans un espace demeuré naturel et rural à environ 75 mètres au sud du lotissement " le Haras des Enclos ", lequel, composé d'une vingtaine de constructions formant une urbanisation diffuse au sud du Mont Canisy, ne peut être regardé comme un village au sens des dispositions précitées ; que, par ailleurs, les habitations agglomérées les plus proches formant à l'ouest l'extrémité de la commune limitrophe de Blonville-sur-Mer sont respectivement éloignées de 210 et 300 mètres de ce terrain dont elles sont séparées par des espaces demeurés vierges ; que, dans ces conditions, ce projet, alors même qu'il ne porte que sur une seule habitation et qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'il présenterait le caractère d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, constitue une extension de l'urbanisation qui ne s'inscrit pas en continuité avec une agglomération ou un village existant ; qu'il suit de là que le maire de Bénerville-sur-Mer a fait une inexacte application des dispositions du I de l'article L. 146-4 précité du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire sollicité ;

5. Considérant,d'autre part que la propriété de M. C... est située en secteur 1NA du plan d'occupation des sols du district de Trouville Deauville et du canton, applicable à la date de la décision contestée, dont le règlement permettait " pour les terrains isolés ou constituant un dernier îlot de propriété non bâtie " de déroger à la règle assujettissant la constructibilité d'une parcelle à une surface minimale de deux hectares ; que le terrain d'assiette du projet a une superficie d'environ 7 600 m², inférieure à celle exigée par ces dispositions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il constituerait "un terrain isolé" ou un "dernier îlot de propriété non bâti" au sens du règlement du plan d'occupation des sols ; que, par suite, le permis de construire litigieux est également entaché d'illégalité pour ce second motif ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. C... et à la commune de Bénerville-sur-Mer de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge, d'une part, de M. C..., d'autre part, de la commune de Bénerville-sur-Mer une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Haras des Enclos " ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... et la commune de Bénerville-sur-Mer verseront chacun au syndicat des copropriétaires de l'immeuble "le Haras des Enclos" une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au syndicat des copropriétaires de l'immeuble " le Haras des Enclos " et à la commune de Bénerville-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2014, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. François, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01527
Date de la décision : 24/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP DOUCERAIN EUDE SEBIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-10-24;13nt01527 ?
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