Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2013, présentée pour M. D... A..., demeurant réservéset pour M. C... A..., demeurant..., par Me Depasse, avocat au barreau de Rennes ; les consorts A...demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 10-2929 du 5 avril 2013 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État à leur verser les sommes respectives de 48 788,52 euros et 48 991 euros en réparation des préjudices résultant pour eux de leur non rétablissement dans leurs droits aux aides aux jeunes agriculteurs à la suite de l'annulation des décisions de déchéance prises à leur encontre le 16 septembre 2005 par le préfet du Morbihan ;
2°) de condamner l'État à leur verser ces sommes ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la présente requête le 6 juin 2013, les intérêts étant eux- mêmes capitalisés à compter de leur demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent :
- que l'illégalité des décisions du préfet du Morbihan du 16 septembre 2005 annulant les arrêtés de cette même autorité du 10 juillet 2002 les admettant au bénéfice des aides aux jeunes agriculteurs, constatée par un jugement du 30 septembre 2009 du tribunal administratif de Rennes, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à leur égard ;
- que ces décisions de déchéance, annulées pour vice de forme, sont également entachées d'une erreur manifeste d'appréciation pour deux motifs : qu'en ce qui concerne la non-conformité de l'exploitation au regard de la législation relative aux installations classées, c'est le préfet du Morbihan qui est à l'origine de cette situation puisque ce n'est que le 21 mars 2005 que l'arrêté d'autorisation à été pris par cette autorité ; qu'en ce qui concerne le non-respect de l'étude prévisionnelle d'installation (EPI), l'administration s'est prononcée trop tôt alors que l'objet de cette étude est de contrôler les conditions de viabilité de l'exploitation à l'issue de 3 années, et que l'effectif du cheptel, seul retenu par le préfet du Morbihan pour prononcer la déchéance de leur droit aux aides, n'est pas le seul élément qui doit être pris en compte pour apprécier leurs revenus et la pérennité de l'exploitation ; que contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Morbihan, ils ont atteints l'objectif de viabilité de leur exploitation ; qu'il ne saurait leur être reproché d'avoir augmenté leur cheptel dès lors que cette augmentation a été autorisée par le préfet du Morbihan au titre de la législation sur les installations classées et par la législation sur le contrôle des structures agricoles ;
- que leur préjudice a été exactement évalué par le CER, organisme comptable ; que ce préjudice est constitué de la perte du bénéfice de la dotation jeune agriculteur, d'une prime versée par le Crédit Mutuel de Bretagne, du bénéfice d'un taux d'enregistrement réduit pour l'acquisition de terrains, de la perte de prêts bonifiés et de la nécessité de contracter des emprunts à court terme, de frais d'expertise comptable, et de l'impact fiscal et social de leur préjudice ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 août 2014, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir :
- que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rennes, les décisions du 16 septembre 2005 ne constituent pas des décisions de déchéance des droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs mais avaient pour objet de constater que la condition posée par l'article 1 des décisions de recevabilité des projets d'installation du 10 juillet 2002 n'avait pas été remplie et que, par voie de conséquence, les décisions du 10 juillet 2002 devaient être retirées ; qu'ainsi, les décisions contestées ne sont pas entachées d'illégalité ;
- qu'il ressort des dispositions de l'article R. 343-5 du code rural, dans sa rédaction issue du décret n° 2004-1308 du 26 novembre 2004 et de l'ensemble des autres dispositions, que pour pouvoir bénéficier du versement de la dotation au titre des aides à l'installation, il appartient au jeune agriculteur d'apporter la preuve qu'il s'est bien installé dans le délai d'un an suivant la notification de la décision de recevabilité de son projet d'installation ; que les requérants n'ont pas informé l'administration de leur installation dans le délai d'un an, ce qui n'a pas permis de délivrer le certificat de conformité ; qu'ils n'ont pas plus informé l'administration de la modification de leur projet en raison de la reprise de l'exploitation de M. B..., qui a augmenté leurs capacités de production, ni déposé d'avenant à l'étude prévisionnelle d'installation qu'ils avaient présentée ; que le préfet du Morbihan n'a donc pas commis d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'État ;
- que le motif d'annulation des décisions du 16 septembre 2005 retenu par le tribunal a seulement eu pour effet de rétablir les décisions du 10 juillet 2002 ; que les requérants avaient alors la possibilité de demander le versement des aides en question sous réserve d'apporter les éléments justifiant qu'ils pouvaient y prétendre, ce qu'ils se sont abstenus de faire ; que, par suite, aucun lien de causalité ne peut être retenu entre le motif d'annulation et le préjudice dont les consorts A...demandent la réparation ; qu'au demeurant, ces préjudices ne présentent aucun caractère certain ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le décret n° 2004-1308 du 26 novembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;
- et les observations de Me Fouquaut, substituant Me Depasse, avocat des consortsA... ;
1. Considérant que M. D... A... et M. C... A..., associés au sein du GAEC de Roz Avel, ont été chacun admis au bénéfice des aides à l'installation des jeunes agriculteurs par deux décisions du 10 juillet 2002 du préfet du Morbihan ; que ces décisions, soumises à une condition relative à la mise en conformité avec la législation sur les installations classées, n'ont pas été suivies des versements et avantages correspondants et que, par deux décisions du 16 septembre 2005, le préfet du Morbihan a procédé à leur retrait, supprimant ainsi les droits des intéressés aux aides à l'installation ; que, par un jugement du 30 septembre 2009 devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes, saisi par les consortsA..., a annulé les deux décisions précitées du préfet du Morbihan du 16 septembre 2005 ; que les consorts A...ont alors saisi le 5 mars 2010 le préfet du Morbihan d'une demande indemnitaire destinée à réparer les préjudices résultant des deux décisions annulées ; qu'à la suite du rejet implicite de leur réclamation les consorts A...ont saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 5 avril 2013, dont ils relèvent appel, a rejeté leur demande indemnitaire ;
Sur la responsabilité de l'État :
2. Considérant, ainsi qu'il vient d'être exposé au point 1, que les décisions du 16 septembre 2005 du préfet du Morbihan retirant les décisions de recevabilité des demandes d'aides du 10 juillet 2002 ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2009 devenu définitif ; que cette annulation a eu pour effet de faire revivre les décisions du 10 juillet 2002 de la même autorité et, par voie de conséquence, de rétablir les consorts A...dans leurs droits aux aides, faute pour le préfet d'avoir à nouveau statué sur leurs droits ; qu'il suit de là que la faute résultant de l'illégalité des décisions du 16 septembre 2005 annulées par le tribunal administratif de Rennes est de nature à engager la responsabilité de l'administration ; que, toutefois, les consorts A...ne sont fondés à obtenir réparation que des préjudices qui présentent un lien de causalité direct et certain avec cette faute ;
Sur les préjudices indemnisables :
3. Considérant que si les consorts A...font valoir qu'ils sont en droit d'être indemnisés à hauteur de la dotation aux jeunes agriculteurs qu'ils n'ont pas perçue au titre de leur installation et à concurrence des avantages financiers et bancaires liés aux aides litigieuses dont ils n'ont pu bénéficier, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt soutient, pour sa part, qu'il appartenait aux requérants de lui fournir, après l'intervention du jugement d'annulation du 30 septembre 2009, les éléments justifiant qu'ils remplissaient désormais les conditions permettant le déblocage des aides demandées ; que les pièces produites et les arguments exposés par l'une et l'autre des parties ne permettent pas à la cour, en l'état de l'instruction, de déterminer de manière précise l'étendue des droits à aide et par voie de conséquence des droits à réparation des consortsA... ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins, pour les parties, de procéder, de manière concertée et contradictoire, et en tenant compte de l'ensemble des documents fournis et des décisions administratives et juridictionnelles prises au jour du présent arrêt, à un relevé précis des droits et avantages auxquels peuvent prétendre les requérants à raison de leur installation à compter du 1er juillet 2002 comme nouveaux exploitants agricoles ;
DÉCIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête des consortsA..., il sera procédé à un supplément d'instruction contradictoire aux fins décrites dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé aux consortsA... et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la cour les résultats du bilan concerté auquel ils auront procédé en exécution du supplément d'instruction ordonné à l'article 1er.
Article 3 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt demeurent.réservés
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à M. C... A... et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Specht, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 octobre 2014.
Le rapporteur,
F. LEMOINE Le président,
I. PERROT
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01671