Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013, présentée pour la société Rava France, dont le siège est 9, rue Ferdinand Buisson à Saint-Contest (14280), par Me Le Terrier, avocat au barreau de Caen ; la société Rava France demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201935 du 10 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados déclarant cessible, au profit de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), une partie de la parcelle cadastrée LZ n° 27 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique ;
elle soutient que :
- l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité au regard des dispositions des articles L 11-8 et R 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'arrêté préfectoral du 29 juin 2011 déclarant d'utilité publique les travaux et les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation du nouveau palais de justice devait être publié au recueil des actes administratifs de la préfecture en application des dispositions des articles R 123-24 et R 123-25 du code de l'urbanisme dès lors le projet n'est pas compatible avec le titre III du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Caen; à défaut de l'accomplissement de cette mesure de publicité, l'arrêté de cessibilité est privé de base légale ;
- la composition du dossier préalable à l'enquête parcellaire est irrégulière au regard des prescriptions de l'article R 11-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'arrêté de cessibilité litigieux est entaché d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 29 juin 2011 portant déclaration d'utilité publique ; ce dernier arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions du I de l'article R 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique est entaché d'irrégularité ; les deux projets déclarés d'utilité publique, l'un au profit de l'Etat, l'autre au profit de la ville de Caen, sont indivisibles ; ils auraient dû faire l'objet d'une procédure d'enquête commune ; le préfet ne pouvait donner la qualité d'expropriant à deux personnes publiques pour les mêmes terrains cadastrés LZ n°s 28, 30, 31 et 32 ; le périmètre de la déclaration d'utilité publique est présenté comme unique dans les deux dossiers d'enquête préalable, ce qui a été de nature à tromper le public ; la déclaration d'utilité publique n'est pas compatible avec le titre III du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Caen ; les dispositions des articles L 123-16 et L 123-17 du code de l'urbanisme ont été méconnues ; le projet de création d'un palais de justice est dépourvu d'utilité publique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2013, présenté pour l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), représentée par son directeur général, ayant son siège 13, avenue du Château des Rentiers à Paris (75013), par Me Gras, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Rava France à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les moyens invoqués par la société Rava France ne sont pas fondés ;
Vu la mise en demeure adressée le 13 janvier 2014 à la Garde des Sceaux, ministre de la justice, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu la lettre du 13 mars 2014 de la Garde des Sceaux, ministre de la justice ;
Vu l'ordonnance du 10 juin 2014 fixant la clôture d'instruction au 1er juillet 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 juin 2014, présenté pour la société Rava France qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle développe ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., substituant Me Gras, avocat de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice.
1. Considérant que la société Rava France relève appel du jugement du 10 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados déclarant cessible, au profit de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), une partie de la parcelle cadastrée LZ n° 27 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur les moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté du 29 juin 2011 du préfet du Calvados portant déclaration d'utilité publique :
2. Considérant qu'à l'appui de sa requête, la société Rava France invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 29 juin 2011 déclarant d'utilité publique les travaux et acquisitions foncières nécessaires à la réalisation du nouveau palais de justice sur le site de la " presqu'île de Caen " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter les moyens que la société requérante réitère en appel sans apporter de précision nouvelle, tirés de ce que le dossier soumis à enquête publique ne répondrait pas aux exigences de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en ce que l'appréciation sommaire des dépenses jointe au dossier mis à l'enquête serait entachée d'une sous-évaluation manifeste et en ce qu'il mentionnerait, à tort, que les parcelles cadastrées LZ n°s 28 à 32 sont comprises dans le périmètre de l'opération déclarée d'utilité publique, de ce que l'arrêté du 29 juin 2011 ne serait pas compatible avec le titre III du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Caen et de ce que cet arrêté aurait dû faire l'objet des mesures de publicité prescrites par les articles R 123-24 et R 123-25 du code de l'urbanisme ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que par un arrêté du 3 avril 2012 le préfet du Calvados a déclaré d'utilité publique les travaux et les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement de la " pointe presqu'île de Caen" ; que si le nouveau palais de justice est implanté sur le site de la presqu'île de Caen, la réalisation de ce nouveau bâtiment destiné à regrouper, en un même lieu, le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance de Caen, d'une part, et l'aménagement du secteur considéré, d'autre part, constituent deux opérations distinctes qui ne se conditionnent pas l'une l'autre, et dont l'utilité publique n'avait pas, dès lors, à faire l'objet d'un examen commun, ni d'une enquête commune ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que " le préfet ne pouvait donner la qualité d'expropriant à deux personnes publiques sur les mêmes terrains " et qu'aurait été faussée l'information du public au cours de l'enquête préalable, en raison de ce que le dossier d'enquête ne reflétait pas la réalité du projet ;
5. Considérant, enfin, qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
6. Considérant que l'opération déclarée d'utilité publique a pour objet, ainsi qu'il a été dit plus haut, de permettre le regroupement sur un seul site, du tribunal de grande instance de Caen, installé dans le palais Fontette, dont la vétusté n'est pas contestée, et le tribunal d'instance dont les services sont actuellement installés dans trois bâtiments distincts ; que la société requérante n'établit pas que l'expropriant était en mesure de réaliser cette opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors que la société requérante se borne à soutenir que " le coût du projet dépasse l'utilité publique qui pourrait être attribué à celui-ci ", que le coût financier de cette opération serait excessif au regard de l'intérêt général qui s'attache à sa réalisation et serait de ce fait de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
7. Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que la société Rava France n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de cessibilité litigieux, de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 29 juin 2011 portant déclaration d'utilité publique ;
Sur les vices propres dont serait affecté l'arrêté de cessibilité du 2 août 2012 du préfet du Calvados :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 11-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le préfet détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier si cette liste ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 11-28 de ce code: " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. (...) " ;
9. Considérant que, par l'arrêté de cessibilité du 2 août 2012, le préfet du Calvados a déclaré cessible une partie de la parcelle cadastrée LZ n° 27 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 13 décembre 2011, soit antérieurement à l'arrêté contesté, la parcelle cadastrée LZ n° 29 a été acquise par l'Etat, par voie amiable ; qu'ainsi, la circonstance que l'arrêté litigieux ne déclare pas cessible cette parcelle dont l'acquisition n'a plus été poursuivie par la voie de l'expropriation n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité au regard des dispositions précitées ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à enquête dans chacune des communes où sont situés les immeubles à exproprier : 1° Un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments ; 2° La liste des propriétaires. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le plan parcellaire joint au dossier d'enquête parcellaire fait apparaître la situation, la contenance ainsi que la désignation cadastrale de la partie de parcelle cadastrée LZ n° 27 à exproprier en vue de la réalisation du nouveau palais de justice, laquelle est distincte de la partie de cette même parcelle à exproprier en vue de la réalisation de l'opération d'aménagement de la " pointe presqu'île de Caen" ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ce plan ne mentionne pas comme devant être expropriés, les terrains concernés par le projet d'aménagement de la pointe de la presqu'île de Caen objet de la déclaration d'utilité publique du 3 avril 2012 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la composition du dossier d'enquête parcellaire ne respecterait pas les prescriptions de l'article R. 11-19 et ne reflèterait pas la réalité du projet doit être écarté ;
11. Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la déclaration d'utilité publique du 29 juin 2011 n'est pas incompatible avec le titre III du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Caen ; que, dès lors, et en tout état de cause, la procédure de mise en compatibilité prévue par les dispositions des articles L. 123-16 et L. 123-17, dans leur rédaction alors applicable, du code de l'urbanisme n'avait pas à être mise en oeuvre de sorte que la société requérante ne peut soutenir que l'arrêté de cessibilité litigieux serait " dépourvu de base légale " ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Rava France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;
14. Considérant qu'il y a lieu de laisser à la société Rava France, qui est la partie perdante dans la présente instance, la charge de la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée lors de l'introduction de sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Rava France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Rava France, le versement de la somme de 1 500 euros que l'APIJ demande au titre des frais exposés de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Rava France est rejetée.
Article 2 : La société Rava France versera à l'APIJ une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rava France, à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, au ministre de l'intérieur et à la Garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2014 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 septembre 2014.
Le rapporteur,
C. BUFFETLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la Garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01977 2
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