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26/09/2014 | FRANCE | N°12NT03054

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 septembre 2014, 12NT03054


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2012, présentée pour la société Eole Brocéliande, dont le siège est 341 rue des sables de Sary à Saran (45770), par Me Gelas, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001375 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2010 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes sur le territoire de la commune de Gaël ;

2°) d'annuler

, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 janvier 2010 ;

3°) d'ordonner au préfet d...

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2012, présentée pour la société Eole Brocéliande, dont le siège est 341 rue des sables de Sary à Saran (45770), par Me Gelas, avocat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001375 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2010 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de quatre éoliennes sur le territoire de la commune de Gaël ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 janvier 2010 ;

3°) d'ordonner au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer le permis de construire sollicité ou de réexaminer la demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le préfet et les premiers juges se sont livrés à une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; toute visibilité avec un édifice faisant l'objet d'une protection au titre des monuments historiques ne saurait justifier un refus du permis de construire une éolienne ;

- l'église de Saint-Lery fait seulement l'objet d'une inscription partielle au titre des monuments historiques ; la visibilité ou la covisibilité avec les éoliennes ne permet pas de qualifier une atteinte excessive qui serait portée à cet édifice ; il n'y a pas d'effet d'écrasement de cet édifice ; les éoliennes seront invisibles depuis l'intérieur de l'église et le transept, comme depuis le parvis et la porte sud de l'église ; au surplus, cette covisibilité est limitée ;

- l'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement la délivrance du permis sollicité ou, à tout le moins, un nouvel examen de la demande ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 22 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 20 février 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2014, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- le projet méconnaît les exigences de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- en effet, les lieux d'implantation du projet sont caractérisés par des paysages ruraux préservés, par la présence dans un périmètre restreint de nombreux châteaux ou églises inscrits ou classés et par une perspective sur la forêt de Paimpont qui est un secteur naturel préservé ; l'église de Saint-Léry présente dans son intégralité un intérêt architectural ;

Vu l'ordonnance du 20 février 2014 décidant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2014, présenté pour la société Eole Brocéliande, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gelas, avocat de la société Eole Brocéliande ;

1. Considérant que, le 26 février 2009, la société Eole Brocéliande a sollicité du préfet d'Ille-et-Vilaine la délivrance d'un permis de construire en vue d'implanter quatre éoliennes d'une hauteur totale de 150 mètres ainsi qu'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Gaël ; qu'elle relève appel du jugement du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2010 de ce préfet refusant de lui délivrer ce permis de construire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

3. Considérant que, pour refuser le permis de construire sollicité par la société Eole Brocéliande, le préfet d'Ille-et-Vilaine, outre un motif tiré de l'application des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme et dont devant la cour le ministre ne conteste pas qu'à bon droit les premiers juges l'ont estimé erroné, a, sur le fondement de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, estimé que " le projet se situe dans un bassin visuel majeur du département mettant en valeur un paysage emblématique identifié pour ses dimensions culturelles (historique et mythologique) et patrimoniale à travers la forêt de Brocéliande et sa perception depuis l'église Saint-Léry (monument historique inscrit) et la chapelle du Bran " et que, dès lors, ce projet " est de nature à porter atteinte à cet ensemble patrimonial majeur, particulièrement exposé " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation envisagée pour les quatre éoliennes est situé au sud-ouest du territoire de la commune de Gaël ; que les éoliennes sont implantées, à une altitude d'environ 75 mètres, selon une ligne allant du nord-ouest au sud-est, la distance entre chacune d'elle étant d'environ 250 mètres ; que, dans un périmètre d'un rayon d'environ 2 kilomètres autour du site d'implantation, l'environnement est constitué pour l'essentiel par un paysage rural ouvert, faiblement boisé, sans relief accusé et dont l'altitude varie entre 70 et 110 mètres ; que cet environnement se caractérise également par la présence de constructions isolées, de quelques hameaux, ainsi que, à quelques 750 mètres du nord-ouest, du village de Saint-Léry, au centre duquel se trouve une église édifiée aux XIVème et XVème siècles et dont le portail sud ainsi que le transept sont inscrits depuis 1925 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que, dans un périmètre plus large, l'environnement du site prévu par l'implantation se caractérise en particulier, environ à 2,5 kilomètres au sud et à 3 kilomètres à l'est, par le massif forestier de Paimpont, dont l'altitude varie entre 71 et 258 mètres et qui couvre en particulier la forêt traditionnellement mentionnée comme étant celle de Brocéliande, ainsi que, environ à 3 kilomètres à l'ouest, par le bourg de la commune de Mauron, dont une église du XVIème siècle fait également l'objet depuis 1925 d'une inscription partielle au titre des monuments historiques ;

5. Considérant que le paysage visible depuis le site d'implantation projeté pour les quatre éoliennes, ou depuis d'autre points situés dans un rayon de 2 kilomètres autour de ce site, en particulier depuis le village et l'église de Saint-Léry ou depuis la chapelle du Bran située à 1 kilomètre au sud, ne présente pas, en dépit de la qualité de son caractère naturel, un aspect remarquable ; que la circonstance que la forêt de Paimpont présente un intérêt naturel et patrimonial, notamment du fait de sa dimension culturelle, n'est pas, en elle-même, de nature à faire obstacle à l'implantation d'éoliennes à quelques kilomètres hors de ce massif forestier ; que si l'éolienne EB1, la plus proche de l'église de Saint-Léry, en est distante de 925 mètres, la présence des quatre éoliennes ne porte aucune atteinte aux parties inscrites de cet édifice ; qu'en outre, si cet édifice présente dans son ensemble un intérêt architectural, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, compte tenu de ses dimensions modestes, notamment en hauteur, la présence, à une distance comprise entre 925 et 1 650 mètres, des quatre éoliennes, serait de nature à remettre en cause des perspectives éloignées sur cet édifice et depuis lesquelles ce dernier ne serait plus visible qu'en même temps qu'une ou plusieurs de ces éoliennes, qui ne seront pas non plus visibles en même temps que le portail sud de cette église ; qu'en dépit de leur relative proximité du village de Saint-Léry, ces éoliennes, compte tenu de leur alignement du nord-ouest vers le sud-est et de la finesse de leurs mats rapportée à leur hauteur, ne peuvent être regardés comme écrasant, par cette hauteur ou leur masse, les constructions existantes, dont l'église, de cette commune ; qu'enfin, eu égard à la distance entre le site d'implantation et le massif forestier de Paimpont, le projet n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt de ce massif boisé, en conduisant à sa dénaturation ou à la transformation de ses caractéristiques essentielles ; qu'il en va d'autant plus ainsi qu'ainsi qu'il ressort du complément au volet paysager de l'étude d'impact réalisé à la demande du commissaire enquêteur, l'impact visuel de la présence des quatre éoliennes sur le paysage lointain constitué par ce massif boisé demeure limité ; que, dès lors, en refusant, par le motif rappelé au point 3 ci-dessus, le permis de construire demandé par la société Eole Brocéliande, le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est livré à une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

6. Considérant qu'ainsi qu'indiqué au point 3 ci-dessus, le ministre ne conteste pas que, comme l'ont estimé les premiers juges, le préfet d'Ille-et-Vilaine a commis une erreur de droit en fondant l'arrêté en litige sur les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ; que, pour le surplus et pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par la société Eole Brocéliande n'est, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation de cet arrêté ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de l'ensemble de ce qui précède que la société Eole Brocéliande est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine n'implique pas nécessairement la délivrance du permis de construire demandé par la société Eole Brocéliande ; qu'elle impose, en revanche, que cette autorité procède à une nouvelle instruction de la demande dont elle demeure, ainsi, saisie et ce, dans les conditions, fixées par les dispositions du code de l'urbanisme ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à cette nouvelle instruction dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros que la société Eole Brocéliande demande à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 octobre 2012 et l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 janvier 2010 sont annulés.

Article 2 : Il est ordonné au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire présenté par la société Eole Brocéliande dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Eole Brocéliande la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eole Brocéliande et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 septembre 2014.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINE Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03054
Date de la décision : 26/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : GELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-26;12nt03054 ?
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