Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Leudet, avocat ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1302087 en date du 14 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2013 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leudet de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente pour ce faire ;
- le préfet ne pouvait pas lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour et en s'estimant ainsi en compétence liée ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles que mises en oeuvre par la circulaire du 28 novembre 2012, compte-tenu de la durée de son séjour, de sa situation familiale et professionnelle et de ses efforts d'intégration, ainsi que des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne nécessairement celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle et familiale compte-tenu notamment de la nécessité de sa présence auprès de sa mère malade avec laquelle il vit à l'hôtel contrairement à ce qu'a retenu le premier juge ;
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français entraîne nécessairement celle de la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2014, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité compétente ;
- M. B... ne pouvait pas obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne dispose pas d'un visa de long séjour ; la situation de l'intéressé ne justifiait pas une dérogation à cette obligation ;
- le requérant ne fait état d'aucune circonstance justifiant son admission exceptionnelle au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ;
- il n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale ;
- il n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour invoquée contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas fondée ;
- M. B... ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 19 août 2013 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Leudet pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2014 :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;
- et les observations de Me Leudet, avocat de M. B... ;
1. Considérant que M. B..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement en date du 14 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2013 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté que le requérant fait valoir, à nouveau, en appel sans apporter de précision supplémentaire, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) / 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent 2° " ;
4. Considérant qu'il est constant que M. B... n'était pas titulaire d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'ainsi, le préfet a pu, sans méconnaitre son pouvoir d'appréciation, lui refuser la délivrance de la carte de séjour temporaire prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur ce seul motif tenant à l'absence de visa de long séjour, sans être tenu d'examiner la viabilité économique de son projet commercial ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B... au motif qu'il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
6. Considérant qu'en se bornant à faire valoir la durée de son séjour en France, ses efforts d'intégration à la société française, la scolarité réussie de deux de ses enfants ainsi que les risques, au demeurant non établis, qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine, M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 relatifs à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
8. Considérant que M. B..., entré irrégulièrement en France le 18 octobre 2009, fait valoir qu'il y vit avec son épouse et ses trois enfants, respectivement nés en 2002 et 2004 en Arménie et en 2011 en France, que les deux aînés sont scolarisés, qu'il exerce, sous le statut d'auto-entrepreneur, une activité de vente de véhicules d'occasion, que sa famille et lui-même sont bien intégrés ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. B... réside sur le territoire français en situation irrégulière et fait également l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'est pas établi que la vie familiale de l'intéressé, de son épouse et de leurs enfants ne pourrait se poursuivre en Arménie ni que les deux enfants scolarisés ne pourraient pas y reprendre une scolarité normale ; qu'il n'est pas davantage établi qu'à la date de l'arrêté contesté l'état de santé de la mère du requérant, atteinte de troubles psychologiques, justifiait sa présence à ses côtés ; qu'ainsi, en dépit des efforts d'intégration en France de M. B..., l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, alors que l'intéressé n'établit ni que l'état de santé de sa mère requiert sa présence auprès d'elle, ni encourir des risques personnels en cas de retour en Arménie, la décision susvisée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision d'éloignement n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, en second lieu, que compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 8, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. B... ;
En ce qui concerne la fixation du pays de destination :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains et dégradants " ;
13. Considérant que M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 25 février 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 avril 2012, soutient qu'il craint d'être exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie en raison des critiques politiques qu'il a exprimées à l'encontre du pouvoir en place, ce qui lui a valu d'être violenté et persécuté ; que, toutefois, les documents produits, constitués d'un certificat médical en date du 2 septembre 2009, qui ne justifie pas d'un lien de causalité entre les troubles constatés et les violences qu'il soutient avoir subies, et des convocations de M. B... à un interrogatoire en sa " qualité de soupçonné " émises par la police arménienne, qui ne sont assorties d'aucune précision suffisante quant à leur objet, ne sont pas de nature à établir qu'il encourrait réellement et personnellement les risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, en prenant la décision fixant le pays de destination, le préfet de la Loire-Atlantique n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT026522