La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2014 | FRANCE | N°13NT02204

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 septembre 2014, 13NT02204


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Le Bihan, avocat au barreau de Rennes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-919 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2013 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler ce

t arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titr...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Le Bihan, avocat au barreau de Rennes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-919 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2013 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titre de séjour provisoire l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient :

- que la pathologie dont elle souffre, et qui avait justifié son admission au séjour en janvier 2012, nécessite la poursuite des soins engagés ainsi qu'en atteste, en contradiction avec l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, le certificat établi le 8 janvier 2013 par un psychiatre agréé ; que, par ailleurs, sa grossesse, portée à la connaissance du médecin de l'agence régionale de santé par le certificat précité, ne lui permettait pas de voyager à la date d'édiction de l'arrêté contesté, ainsi qu'il ressort du certificat médical établi par la sage femme chargée de son suivi ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a respectivement méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- que, compte tenu de sa bonne intégration, attestée par les emplois qu'elle a occupés, et de sa relation maritale avec le père de son enfant, lequel est en attente d'une carte de séjour et déjà père d'un enfant français né en 2010 et à l'entretien et l'éducation duquel il contribue, la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que, pour les mêmes motifs, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- que, pour ces motifs et compte tenu de son état de santé tel qu'il ressort du certificat précité du 8 janvier 2013, la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- que, compte tenu du péril auquel elle serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine, la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2013, présenté par le préfet des Côtes-d'Armor, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient :

- que l'avis du 11 janvier 2013 du médecin de l'agence régionale de santé mentionne que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquence d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, par suite, elle ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que la requérante n'établit pas que son état de santé ferait obstacle à son éloignement ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

- que la relation maritale et l'entrée en France de la requérante présentent un caractère récent ; que la demande d'asile de Mme B... a par ailleurs été rejetée ; que dans ces conditions, et malgré sa grossesse, l'intéressée ne peut se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'intéressée n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, est inopérant ;

- que l'intéressée dispose d'une vie privée et familiale dans son pays d'origine et a la possibilité d'y reconstituer sa cellule familiale ; qu'en conséquence, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Vu la décision du 30 septembre 2013 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Le Bihan pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;

1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2013 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: (...) - 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police" peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État." ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : "Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) - 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. (...)" ;

3. Considérant, d'une part, que si Mme B... soutient que la pathologie dont elle souffre et qui avait justifié son admission au séjour en janvier 2012 nécessite la poursuite de ses soins en France, le certificat médical qu'elle produit, établi le 8 janvier 2013 par le psychiatre-psychothérapeute qui l'a examinée, n'est pas de nature à remettre en cause l'avis émis le 11 janvier 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé de Bretagne et indiquant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale de longue durée et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine mais que le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, le préfet des Côtes-d'Armor n'a en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'autre part, si Mme B... invoque son état de grossesse, le certificat établi par une sage femme le 28 février 2013, soit postérieurement à l'arrêté contesté et faisant état de consignes tendant seulement à "limiter les trajets longs" ne permet pas d'établir qu'à la date de l'arrêté contesté, la requérante aurait été dans l'incapacité totale de voyager ; que, dans ces conditions, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas davantage méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B..., qui n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet aurait méconnu ces dispositions en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

5. Considérant, en troisième lieu, que Mme B... soutient qu'elle justifie de son intégration par l'exercice d'une activité professionnelle et que, à la date de l'arrêté contesté, elle attendait un enfant issu de sa relation maritale avec un compatriote lui-même titulaire d'un récépissé dans l'attente de la délivrance d'une carte de séjour et père d'un enfant français né en 2010 et à l'entretien et à l'éducation duquel il participe ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, qui est entrée irrégulièrement en France le 24 février 2010, ne justifie pas de la réalité de la vie commune qu'elle invoque et ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs ainsi que pour ceux exposés au point 3, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'enfant de Mme B... étant né le 24 mai 2013, soit après l'intervention de l'arrêté contesté, l'intéressée ne peut utilement soutenir que celui-ci a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

7. Considérant, en dernier lieu, que si Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 24 mai 2011 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soutient que son intégrité sera mise en péril en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucune précision ni aucun justificatif susceptible d'établir qu'elle y courrait personnellement des risques pour sa vie ou sa liberté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressée ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de Mme B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHT Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

N° 13NT022042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02204
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-18;13nt02204 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award