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18/09/2014 | FRANCE | N°13NT01964

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 septembre 2014, 13NT01964


Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2013, présentée pour M. D... B... et Mme A... B..., domiciliés ...), par Me Le Strat, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 12-3847, 12-3848 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 31 mai 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la Géorgie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de ...

Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2013, présentée pour M. D... B... et Mme A... B..., domiciliés ...), par Me Le Strat, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme B... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 12-3847, 12-3848 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 31 mai 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la Géorgie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de leur accorder un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

ils soutiennent que :

- l'autorité préfectorale n'a pas répondu à la demande de régularisation fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, adressée par courrier le 19 avril 2012, et présentée aux guichets de la préfecture le 2 mai 2012, et a par suite entaché ses décisions d'un défaut de motivation ; les autorisations provisoires de séjour qui leur ont été remises démontrent qu'ils se sont bien présentés au guichet de la préfecture afin d'effectuer une demande de régularisation ;

- les arrêtés contestés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'ensemble de la famille de M. B..., avec laquelle ils sont très liés, a été autorisée à séjourner en France, et qu'ils n'ont plus de liens familiaux dans leur pays d'origine ; si Mme B... n'établit pas que les liens entretenus avec la famille de son époux sont exclusifs de tout autre la liant à sa propre famille, cette circonstance est cependant insuffisante à fonder le refus de séjour contesté ; elle est, en outre, fille unique et sans nouvelles de sa mère et de sa grand-mère depuis août 2009 ; les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en estimant que la cellule familiale pourrait se reconstituer en Géorgie alors que deux de leurs enfants sont nés en France et que leur autre fils y est scolarisé ;

- les arrêtés contestés méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant, car leur fils aîné, E...C..., est scolarisé en collège, que l'enfant F... est âgée de plus de trois ans et a toujours vécu sur le territoire français auprès de ses parents, de sa grand-mère et de sa tante ;

- les décisions fixant le pays de destination sont contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car le préfet s'est cru en situation de compétence liée, qu'ils craignent des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine en raison des soupçons d'intelligence avec l'ennemi qui pèsent sur eux, M. B... ayant été convoqué par la police en vue d'une audition devant le juge d'instruction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 août 2014, présenté pour M. et Mme B..., qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

ils soutiennent en outre que les éléments personnels et familiaux invoqués dans le cadre d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour constituent des éléments d'ordre exceptionnel ou humanitaire susceptibles d'ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les décisions du 22 mai 2013 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant M. et Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance, et désignant Me Le Strat pour les représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les observations de Me Le Strat, avocat des requérants ;

1. Considérant que M. et Mme B..., ressortissants géorgiens, relèvent appel du jugement du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des arrêtés du 31 mai 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant la Géorgie comme pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que les arrêtés contestés comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et font état, notamment, des conditions d'entrée et de séjour en France des requérants, du rejet de leur demande d'asile et de leur situation administrative et familiale ; que, dans ces conditions, et alors que les intéressés n'établissent pas, en se prévalant d'une demande de régularisation faite à la suite d'un précédent jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 23 février 2012 qui a annulé deux arrêtés pris par l'autorité préfectorale le 25 mai 2011 à leur encontre, avoir formellement et personnellement déposé au guichet de la préfecture une demande de titre de séjour sur un fondement distinct de ceux sur lesquels le préfet s'est prononcé, les arrêtés contestés sont suffisamment motivés ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle des intéressés ;

3. Considérant que M. et Mme B... sont entrés irrégulièrement sur le territoire national le 28 juillet 2009 respectivement à l'âge de 32 et 30 ans, accompagnés de leur fils ; qu'ils se prévalent de la présence régulière en France de la mère et de la soeur de M. B..., et de la circonstance que Mme B... serait sans nouvelles de sa mère et de sa grand-mère depuis le 8 août 2008, date de leur départ en Ossétie ; qu'ils font valoir que la famille a fait des efforts d'intégration, Mme B... s'étant investie dans l'apprentissage de la langue française, l'enfant G... étant scolarisé au collège et les deux plus jeunes enfants étant nés en France en 2009 et 2012 ; que toutefois, eu égard à la durée et aux conditions du séjour des épouxB..., qui font tous deux l'objet d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement, et qui n'établissent pas l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale hors de France, ces circonstances ne permettent pas d'estimer que les décisions contestées ont porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'il suit de là que les décisions litigieuses n'ont méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les requérants, qui ne sont en tout état de cause pas fondés à invoquer la méconnaissance par le préfet des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui n'ont pas un caractère impératif, n'établissent pas davantage que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elles emportent sur leur situation personnelle et familiale ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que si les requérants font valoir que leur fils aîné est scolarisé au collège depuis la classe de 5ème, était en classe de 4ème à la date des décisions contestées, et que ses bulletins scolaires démontrent de sérieux efforts d'intégration et des progrès dans son travail, il n'est pas établi que celui-ci ne pourrait être scolarisé en Géorgie, où il a vécu jusqu'à l'âge de onze ans ; qu'en outre, si les requérants font valoir que l'enfant F... a toujours vécu auprès de ses parents, de sa grand-mère et de sa tante, rien ne fait obstacle à ce que ces dernières lui rendent visite en Géorgie ; que le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être dès lors écarté ;

5. Considérant que M. et Mme B..., dont les demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 29 octobre 2009 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 24 janvier 2011 par la Cour nationale du droit d'asile, soutiennent qu'ils craignent de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine, en raison de soupçons d'intelligence avec l'ennemi pesant sur M. B... et du non-respect d'une assignation à résidence qu'il avait signée en octobre 2008 ; que, toutefois, les requérants ne versent aux débats aucun élément nouveau permettant de remettre en cause l'appréciation faite le 24 janvier 2011 par la Cour nationale du droit d'asile, qui avait estimé que " ni les pièces du dossier ni les déclarations faites en séance publique devant la Cour ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées ", et ne produisent, à l'appui de leurs allégations, aucune précision ni aucun justificatif susceptible d'établir qu'ils encourent personnellement des risques en cas de retour dans leur pays ; qu'en outre, s'ils se prévalent, à l'appui de leurs allégations, d'une convocation de la police destinée à M. B..., datée du 15 août 2011, en vue d'une audition devant un juge d'instruction, ils ne produisent aucun élément de nature à en établir l'authenticité ; qu'ainsi, en fixant la Géorgie comme pays à destination, le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui, en l'espèce, ne s'est pas cru lié par les décisions précitées des instances d'asile, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de leur délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil des requérants, bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01964
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-18;13nt01964 ?
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