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17/07/2014 | FRANCE | N°13NT02048

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juillet 2014, 13NT02048


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 12-1190, 12-1395 du 31 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant d'une part, à la condamnation de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à indemniser le préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de la création de la seconde ligne du tramway à Orléans et, d'autre part, à lui verser la somme de 20 000 euros

à titre provisionnel ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération O...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 12-1190, 12-1395 du 31 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant d'une part, à la condamnation de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à indemniser le préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de la création de la seconde ligne du tramway à Orléans et, d'autre part, à lui verser la somme de 20 000 euros à titre provisionnel ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à lui verser la somme globale de 83 169 euros au titre de son préjudice commercial et de la perte de la valeur de son fonds de commerce, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2011, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire les frais d'expertise s'élevant à 4 904, 42 euros ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération, au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sous réserve de la renonciation de celui-ci à la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient :

- que les travaux de construction de la 2ème ligne de tramway réalisés rue Jeanne d'Arc à Orléans ont gêné l'accès à son cabinet de vétérinaire et qu'il en est résulté une importante baisse de son chiffre d'affaires, lui causant un préjudice anormal et spécial excédant les inconvénients normaux du voisinage de la voie publique ;

- que le lien de causalité entre les travaux qui se sont déroulés du 1er septembre 2009 au 30 avril 2011 et la baisse de son chiffre d'affaire est établi ; que cette baisse est de l'ordre de deux tiers ; qu'aucune autre cause que les travaux en litige ne peut expliquer une telle diminution des recettes de son cabinet ; que d'ailleurs la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire n'a pas contesté ce lien de causalité puisqu'elle lui a versé une indemnisation de 9 768 euros le 22 juin 2011 et lui a fait deux propositions d'indemnisation complémentaires ;

- que le parking qu'elle réserve à la clientèle n'était plus accessible à compter du mois de septembre 2009 ; que la spécificité de sa clientèle qui doit parfois porter un animal malade lui crée un préjudice spécial ; que le bruit et la poussière des travaux ont engendré un stress pour les animaux qu'elle soigne ;

- que l'anormalité de son préjudice est attestée par l'ampleur de la réduction de son chiffre d'affaire ; qu'elle a subi un préjudice spécial vis-à-vis de ses concurrents installés dans des zones de l'agglomération qui n'ont pas été touchées par les travaux ;

- que la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire ne conteste pas le principe du préjudice dont elle demande réparation mais seulement son montant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2013, présenté pour la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, par Me Casadei-Jung, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir :

- que la proposition d'indemnisation qu'elle a faite à Mme A...ne constitue pas une reconnaissance de sa responsabilité ;

- qu'aucun lien de causalité entre l'exécution des travaux de construction de la ligne de tramway et la diminution de recettes dont se plaint la requérante ne saurait être établi, dès lors que l'accès au cabinet vétérinaire est demeuré possible durant toute la durée des travaux ;

- que les attestations et les photographies produites sont insuffisantes à établir que la gêne occasionnée par les travaux excéderait le désagrément que doivent supporter, sans indemnisation, les riverains d'un ouvrage public eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de tels travaux ; que MmeA..., en s'installant en centre-ville d'Orléans, ne pouvait sérieusement espérer conserver sa clientèle résidant à Vendôme ; que la limitation de l'accès à son parking ne constitue qu'une restriction, et non une suppression, de cet accès ;

- que MmeA..., en s'installant en 2007 soit peu de temps avant le démarrage des travaux en 2009, ne pouvait ignorer la réalisation prochaine des aménagements en litige et les avantages qu'elle pouvait en escompter de nature à compenser le préjudice subi ; que la perte de marge commerciale n'est pas établie de façon certaine ; que la perte de valeur du fonds de commerce n'est qu'éventuelle en l'absence de toute démarche de cession ; que dés lors la requérante n'a pas subi un préjudice anormal et spécial lui ouvrant droit à indemnisation ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2014, présenté pour Mme A... qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre :

- que le président de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire n'établit avoir été mandaté par cette communauté pour la représenter ; que le tribunal administratif d'Orléans aurait dû relever l'irrecevabilité des écritures déposées en première instance ; que pour les mêmes motifs, les mémoires de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire déposés devant la cour ne sont pas recevables ;

- que la proposition d'indemnisation de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire constitue une reconnaissance de sa responsabilité ;

- que l'inaccessibilité de son parking en raison du poids des animaux ou des sacs d'aliments lui a causé un préjudice anormal et spécial ;

- que l'expertise comptable ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans démontre le lien de causalité entre les travaux en cause et la baisse de son chiffre d'affaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2014, présenté pour la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

elle fait valoir en outre que le moyen tiré du défaut de qualité pour agir du président de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire manque en fait puisqu'elle produit la délibération du conseil de communauté autorisant son président à la représenter en justice ; qu'en outre, le mandat de l'avocat chargé de la défense de ses intérêts est légalement présumé ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes, en date du 22 mai 2013, accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A...et désignant Me Duplantier pour la représenter dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2014 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...A...exerce l'activité de vétérinaire rue Jeanne d'Arc à Orléans, où d'importants travaux en vue de la construction de la ligne n°2 du tramway ont été menés entre 2009 et 2011 sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire ; qu'estimant que ces travaux sont à l'origine d'un préjudice commercial pour la période comprise entre septembre 2009 et mars 2011 et d'une perte de valeur de son fonds de commerce, Mme A...a saisi le tribunal administratif d'Orléans afin que soit ordonnée une expertise en vue de déterminer le montant des préjudices dont elle demande réparation ; que le tribunal administratif d'Orléans a ordonné cette expertise dont le rapport a été déposé le 23 septembre 2011 ; que, par la présente requête, Mme A...relève appel du jugement du 31 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire à réparer les préjudices subis par elle ; que la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, régulièrement représentée par son président, conclut au rejet de la requête ;

Sur la responsabilité de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire :

2. Considérant qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, et, d'autre part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

3. Considérant que ni l'indemnité d'un montant de 16 813 euros versée le 22 juin 2011 par la commission d'indemnisation amiable constituée à cet effet ni les propositions d'indemnisation adressées à la requérante dans un but de prévention du contentieux ne constituent, par elles-mêmes, une reconnaissance de la responsabilité de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire de nature à dispenser la bénéficiaire d'établir l'existence d'un préjudice indemnisable et la réalité d'un lien de causalité entre les travaux incriminés et ce préjudice ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire a reconnu sa responsabilité pour les dommages qu'elle a subis et ne conteste pas le lien de causalité entre les travaux publics réalisés pour son compte et le dommage dont il lui est demandé réparation ;

4. Considérant, d'une part, qu'il est constant que les travaux de construction de la seconde ligne de tramway d'Orléans, qui ont débuté en septembre 2009 dans la rue Jeanne d'Arc où est situé le cabinet vétérinaire de MmeA..., ont été à l'origine d'une gêne importante à la circulation automobile dans cette rue, rendant impossible l'accès au parking réservé à la clientèle du cabinet et difficile le transport des animaux ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'accès de la clientèle n'a à aucun moment été interrompu pour les piétons, que le stationnement automobile sur le parking public " Cathédrale " situé à quelques dizaines de mètres du cabinet a été maintenu durant toute la période d'exécution des travaux, et que le cabinet, qui a toujours été visible, est resté ouvert pendant toute cette période ; que si la requérante invoque également l'existence de nuisances sonores et de poussières provoquées par le chantier ayant gêné sa clientèle, les attestations peu circonstanciées qu'elle produit ne permettent pas de caractériser l'existence d'un dommage anormal ;

5. Considérant, d'autre part, que si le rapport établi par l'expert comptable désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans indique que la marge commerciale du cabinet vétérinaire a diminué de 84 966 euros pour la période de 20 mois allant de septembre 2009 à avril 2011 et que le préjudice financier net, compte tenu des indemnisations provisionnelles versées, serait de 67 142 euros, cette estimation repose sur une progression annuelle du chiffre d'affaire de 51,65 %, qui est nettement surévaluée ; qu'il résulte au contraire des données mentionnées dans ce même rapport d'expertise que l'activité de MmeA..., qui s'est installée en juillet 2007, c'est-à-dire à une date où elle ne pouvait ignorer l'existence des travaux litigieux, était déficitaire en 2007 et 2008, avant de devenir bénéficiaire en 2009, malgré le démarrage des travaux en septembre de cette année, puis à nouveau déficitaire en 2010, et que le chiffre d'affaire, qui s'était consolidé en 2009, a baissé de 22 % en 2010 ; qu'ainsi, et alors que d'autres facteurs, notamment saisonniers, de variation du chiffre d'affaires du cabinet vétérinaire peuvent être à l'origine de la baisse d'activité constatée, les éléments produits ne révèlent pas une baisse des recettes d'une ampleur suffisante pour caractériser un préjudice anormal et spécial qui ne serait pas compensé par l'avantage procuré ensuite par l'entrée en service du tramway, ni de tenir pour établi un lien de causalité direct et certain entre la baisse du chiffre d'affaires constatée sur l'année 2010 et la réalisation des travaux publics en cause ; que par ailleurs, le préjudice résultant de la perte de valeur du fonds de commerce de Mme A...ne présentant qu'un caractère éventuel, en l'absence de tout document de nature à établir une telle perte, la requérante n'est pas fondée à en demander la réparation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la gêne occasionnée par les travaux en cause n'a pas excédé les sujétions normales que doivent supporter sans indemnité, dans l'intérêt général, les riverains d'une voie publique ; que Mme A...n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge définitive de Mme A...les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en première instance, taxés et liquidés à la somme de 4 904,42 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif d'Orléans du 20 octobre 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise de première instance, taxés et liquidés à la somme de 4 904,42 euros, sont laissés à la charge définitive de MmeA....

Article 3 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...et à la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2014 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 17 juillet 2014.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT020482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02048
Date de la décision : 17/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-07-17;13nt02048 ?
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