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27/06/2014 | FRANCE | N°12NT02190

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 juin 2014, 12NT02190


Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée pour l'Association Nonant Environnement, dont le siège est 11, route de Sées à Nonant-le-Pin (61240), représentée par son président en exercice, par Me Cassin, avocat au barreau de Paris ; l'Association Nonant Environnement demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102136 du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen rejetant la tierce opposition qu'elle a formée contre le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 par lequel ce tribunal a annulé, à la demande de la so

ciété Guy Dauphin Environnement, l'arrêté du 13 février 2010 du préfet de ...

Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée pour l'Association Nonant Environnement, dont le siège est 11, route de Sées à Nonant-le-Pin (61240), représentée par son président en exercice, par Me Cassin, avocat au barreau de Paris ; l'Association Nonant Environnement demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102136 du 5 juin 2012 du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen rejetant la tierce opposition qu'elle a formée contre le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 par lequel ce tribunal a annulé, à la demande de la société Guy Dauphin Environnement, l'arrêté du 13 février 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser cette société à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes, un centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements électroniques et électriques sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin (Orne), a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation autorisée ;

2°) de déclarer non avenu le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen et de rejeter la demande présentée par la société Guy Dauphin Environnement devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de la société Guy Dauphin Environnement et de l'Etat, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

elle soutient que :

- le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen préjudicie à ses droits au sens de l'article R. 832-1 du code de justice administrative de sorte qu'elle était recevable à former tierce opposition contre ce jugement ;

- l'ordonnance attaquée méconnaît les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ainsi que les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 et des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2013, présenté pour la société Guy Dauphin Environnement, dont le siège est situé route de Lorguichon à Rocquancourt (14540), représentée par son président en exercice, par Me Gorand, avocat au barreau de Coutances ; la société Guy Dauphin Environnement conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Association Nonant Environnement à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la présidente de l'association ne justifie pas avoir été régulièrement habilitée pour former tierce opposition au nom de l'association, ni pour former appel de l'ordonnance attaquée ;

- cette association n'était pas recevable à former tierce opposition contre le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen ;

- les moyens qu'elle invoque ne sont pas fondés ;

Vu la mise en demeure adressée le 26 août 2013 au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 septembre 2013, présenté pour l'Association Nonant Environnement, par Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut aux mêmes fins que la requête et à ce que la cour sursoit à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se prononce sur le pourvoi qu'elle a introduit contre l'ordonnance du 14 février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande de suspension de l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet de l'Orne fixant les prescriptions initiales applicables à l'installation classée autorisée par le jugement du 18 février 2011 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 8 janvier 2014, présenté pour l'Association Nonant Environnement qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et à ce que le montant de la somme qu'elle demande au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative soit portée à 9 000 euros ;

elle soutient en outre que :

- le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi qu'elle avait introduit contre l'ordonnance du 14 février 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Caen ;

- il résulte de la décision rendue que les tiers lésés par le jugement du 18 février 2011 du tribunal administratif de Caen disposent d'une unique voie de recours, celle de la tierce opposition et elle entend reprendre les moyens qu'elle a invoqués dans son mémoire d'observations complémentaires, enregistré le 24 janvier 2013, au greffe du tribunal administratif de Caen, auquel elle renvoie, à l'exclusion des moyens dirigés spécifiquement contre l'arrêté du 12 juillet 2011 fixant les prescriptions initiales applicables à l'installation classée autorisée par le jugement du 18 février ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 février 2014, présenté pour l'Association Nonant Environnement qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens que ceux exposés précédemment ;

Vu l'ordonnance du 20 mars 2014 fixant la clôture d'instruction au 3 avril 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 3 avril 2014, présenté pour la société Guy Dauphin Environnement qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire en défense par les mêmes motifs qu'elle développe et, en outre, par le motif que les moyens que la requérante invoque en se bornant à faire référence à un mémoire produit dans une autre instance sont irrecevables ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 mai 2014, présenté pour la société Guy Dauphin Environnement qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire en défense et, en outre, à ce que, dans le cas où la tierce opposition serait déclarée recevable, la cour sursoit à statuer dans l'attente du jugement rendu par le tribunal administratif de Caen sur la demande de l'Association Nonant Environnement dirigée contre l'arrêté du 12 juillet 2011 fixant les prescriptions initiales applicables à l'installation classée autorisée par le jugement du 18 février 2011 ; elle fait valoir que les moyens invoqués par l'Association Nonant Environnement dans son dernier mémoire ne sont pas fondés ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2014, présentée pour la société Guy Dauphin ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2014 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- les observations de Me Garreau, avocat de l'Association Nonant Environnement ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Gorand, avocat de la société Guy Dauphin Environnement ;

1. Considérant que, par ordonnance du 5 juin 2012, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté, comme manifestement irrecevable, la tierce opposition présentée par l'Association Nonant Environnement tendant à ce que soit déclaré non avenu le jugement n° 1000405 du 18 février 2011 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du 13 février 2010 du préfet de l'Orne refusant d'autoriser la société Guy Dauphin Environnement à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultimes, un centre de tri de déchets industriels banals, de métaux ferreux et non ferreux et de déchets d'équipements électroniques et électriques sur le territoire de la commune de Nonant-le-Pin, a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et l'a renvoyée devant le préfet de l'Orne pour que soient fixées les conditions de l'exploitation autorisée ; que l'Association Nonant Environnement relève appel de cette ordonnance ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Guy Dauphin Environnement :

2. Considérant qu'il est justifié par les pièces versées aux débats que la présidente de l'association requérante a été régulièrement habilitée pour former tierce opposition du jugement au nom de l'association et pour relever appel de l'ordonnance attaquée ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Guy Dauphin Environnement doit être rejetée ;

Au fond :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 832-1 du même code: " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 514-6 de ce code: " I.-Les décisions prises en application des articles (...) L. 512-1(...) sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. (...) " ;

6. Considérant que l'Association Nonant Environnement soutient qu'en rejetant pour irrecevabilité sa tierce opposition, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Caen a non seulement méconnu les dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative mais encore porté atteinte à son droit au recours contre la délivrance d'une autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; qu'elle fait valoir qu'elle aurait eu intérêt à agir si l'autorisation avait été délivrée par le préfet de l'Orne et qu'elle doit se voir se reconnaître un droit à former tierce opposition contre le jugement par lequel, après avoir annulé le refus opposé par cette autorité administrative, le tribunal administratif, statuant en plein contentieux a délivré, par cette décision juridictionnelle, cette autorisation ;

7. Considérant que le litige soumis à la cour présente à juger les questions suivantes :

a) Lorsque le juge de plein contentieux annule le refus opposé par l'autorité administrative à une demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement et, statuant dans le cadre des pouvoirs qui lui sont dévolus par l'article L.514-6 du code de l'environnement, autorise, par une décision juridictionnelle, une telle installation en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 de ce code, la recevabilité d'un tiers, telle une association locale de défense de l'environnement, à former tierce opposition contre ce jugement, est-elle subordonnée, eu égard à la particularité de la situation ainsi créée, à l'impératif de sécurité juridique et au droit au recours, à des conditions spécifiques pour l'application de l'article R. 832-1 du code de justice administrative en ce qu'il exige que la décision juridictionnelle préjudicie à ses droits '

b) En cas de réponse positive à la première question, la réponse est-elle différente dans le cas où le juge de plein contentieux se borne à délivrer l'autorisation et renvoie à l'autorité administrative le soin de prendre les prescriptions spéciales que cette autorisation commande alors que, dans cette hypothèse, si une telle autorisation ne devient effective qu'avec l'édiction de ces prescriptions, la contestation éventuelle par ce tiers de la décision prise par l'autorité administrative ne peut porter que sur les prescriptions ainsi édictées et non sur le principe de l'autorisation '

c) Alors que la tierce opposition n'est pas soumise à une condition de délai en l'absence de notification au tiers du jugement contre lequel il exerce cette voie de recours, doit-il en aller de même lorsqu'il est justifié devant le juge, saisi de la tierce opposition, que l'autorisation délivrée par cette décision juridictionnelle a fait l'objet de l'accomplissement de mesures de publicité appropriées et regardées comme suffisantes pour faire courir vis-à-vis des tiers un délai de recours, que ces mesures de publicité aient été ou non prescrites par le jugement '

d) Au cas où le recours de ce tiers serait regardé comme recevable, y a-t-il lieu d'admettre que tout moyen peut être invoqué ou d'estimer que les moyens pouvant utilement être soulevés doivent être en rapport direct avec les droits dont il se prévaut et auxquels la décision juridictionnelle préjudicie '

8. Considérant que ces questions sont des questions de droit nouvelles, présentant des difficultés sérieuses et sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; que, dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de l'Association Nonant Environnement et de transmettre pour avis sur ces questions le dossier de cette affaire au Conseil d'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête de l'Association Nonant Environnement est transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit définies au point 7 du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'Association Nonant Environnement jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Nonant Environnement, à la société Guy Dauphin Environnement et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Sudron, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2014.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

S BOYÈRE

La République mande et ordonne à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02190
Date de la décision : 27/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : CASSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-27;12nt02190 ?
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