Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée pour la SAS Transports Lambert, dont le siège social est sis zone artisanale "Les Gauthiers" à Necy (61160), représentée par son président directeur général en exercice, par MeA... ; la SAS transports Lambert demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201050 du 14 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a, sur la demande du Syndicat National du Contrôle Technique Automobile (SNCTA), annulé la décision du préfet de l'Orne du 22 mars 2012 portant renouvellement de l'agrément de l'installation auxiliaire de contrôle technique de poids lourds exploitée dans ses locaux par la société Auto Bilan France (réseau Dekra) ;
2°) de mettre à la charge du syndicat national du contrôle technique automobile (SNCTA) le paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner le SNCTA aux entiers dépens, dont la contribution prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu pour seul motif l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 323-13 II du code de la route au vu de l'arrêt du conseil d'Etat du 21 octobre 2011 dès lors que cette illégalité ne concerne pas le principe d'une implantation d'un centre de contrôle ;
- le Conseil d'Etat a considéré comme illégal les seules dispositions relatives au régime dérogatoires des réseaux de contrôle agréés ;
- les décisions de renouvellement d'agrément portant sur des locaux d'accueil non visés par le dispositif dérogatoire pouvaient légalement être prises par le préfet ;
- son activité de transport de marchandises et locations de véhicules n'est pas en lien avec les activités de réparation, ainsi le dispositif dérogatoire n'avait pas vocation à s'appliquer ;
- comme l'a considéré le juge des référés dans son ordonnance du 6 juin 2012 la décision en litige n'a pas été prise au vu du système dérogatoire ;
- le décret n° 2012-1145 du 10 octobre 2012 confirme son interprétation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2013, présenté pour le syndicat national du contrôle technique automobile, représenté par son président, par Me B..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir que :
- par arrêt du 11 octobre 2011 le Conseil d'Etat a conclu à l'illégalité des dispositions de l'article R. 323-13 II du code de la route aux motifs que seuls les réseaux étaient habilités à solliciter un agrément et que ces dispositions instauraient une différence de traitement non justifiée ; cette annulation a donc une portée générale quelque soit l'activité principale ;
- c'est à tort que la société requérante soutient qu'il n'existerait aucune prohibition pour une activité de contrôle technique implantée dans le local d'une entreprise de transport routier dès lors que cette fonction ne peut être confiée au propriétaire d'une flotte de véhicules ;
- la SAS Transports Lambert qui héberge la société Dekra ne présente pas de garanties d'indépendance et objectivité s'agissant de sécurité routière ;
Vu le courrier en date du 6 février 2014 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2014 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 2009/40/CE du parlement européen et du conseil du 6 mai 2009, relative au contrôle technique des véhicules à moteur et de leurs remorques ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2014 :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
1. Considérant que, par une décision du 22 mars 2012, le préfet de l'Orne a accordé à la société Auto Bilan France, exploitant le réseau Dekra, le renouvellement de son agrément pour l'exploitation d'une installation auxiliaire de contrôle technique de véhicules lourds située à Necy dans les locaux de la SAS Transports Lambert, entreprise de transport routier, sur le fondement des dispositions dérogatoires de l'article R. 323-13 II du code de la route ; que la SAS Transports Lambert relève appel du jugement n° 1201050 du 14 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision précitée du préfet de l'Orne ;
Sur la légalité de la décision du préfet de l'Orne du 22 mars 2012 :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 323-1 du code de la route : " Lorsqu'en application du présent code, des véhicules sont astreints à un contrôle technique, celui-ci est effectué par les services de l'Etat ou par des contrôleurs agréés par l'Etat. / Cet agrément peut être délivré soit à des contrôleurs indépendants, soit à des contrôleurs organisés en réseaux d'importance nationale (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement du système de contrôle et en particulier les conditions d'agrément des contrôleurs, des installations nécessaires au contrôle et des réseaux visés au deuxième alinéa " ; que, selon l'article R. 323-8 du même code : " Les réseaux de contrôle sont les personnes morales de droit privé soumises à l'agrément du ministre chargé des transports. / Pour être agréé, un réseau doit comporter des centres de contrôle de véhicules légers répartis dans au moins quatre-vingt-dix départements. Pour être agréé pour le contrôle technique des véhicules lourds, un réseau doit comporter au moins trente centres de contrôle répartis dans au moins vingt régions et exploiter lui-même les centres de contrôle qui lui sont rattachés (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 323-13 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision du préfet de l'Orne : " I. - Les installations de contrôle doivent comporter les moyens matériels nécessaires aux catégories de contrôles techniques réalisés et les moyens techniques permettant de recueillir les données relatives à ces contrôles et de transmettre ces données dans le délai fixé par arrêté du ministre chargé des transports soit à la direction du réseau de contrôle auquel elles sont rattachées, soit à l'organisme technique central, selon qu'il s'agit d'installations rattachées ou non à un réseau. L'ensemble de ces équipements est défini par arrêté du ministre chargé des transports. / II. - L'activité d'un centre de contrôle doit s'exercer dans des locaux n'abritant aucune activité de réparation ou de commerce automobile et ne communiquant avec aucun local abritant une telle activité. / Toutefois, afin d'assurer une meilleure couverture géographique, de répondre aux besoins des usagers ou, s'agissant des véhicules lourds, de réduire les déplacements, un réseau de contrôle agréé peut utiliser des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile. Il doit pour cela obtenir un agrément particulier. ... " ; qu'enfin, les dispositions de l'article R. 323-14 du code précité précisent les conditions dans lesquelles l'agrément des installations d'un centre de contrôle est délivré par le préfet du département, l'exploitant devant en particulier fournir un document par lequel il s'engage à respecter les prescriptions d'un cahier des charges en décrivant notamment l'organisation et les moyens techniques mis en oeuvre pour assurer la qualité et l'objectivité des contrôles techniques effectués et éviter que les installations soient utilisées par des personnes ayant une activité dans la réparation ou le commerce automobile ; que le IV de ce même article prévoit que l'agrément peut être suspendu ou retiré si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées ne sont plus respectées ;
3. Considérant que la SAS Transports Lambert soutient que la décision de renouvellement d'agrément n'a pas été prise sur le fondement du dispositif dérogatoire issu de l'article R. 323-13 du code précité dès lors qu'elle loue des véhicules industriels et n'exerce pas une activité de réparation ou de commerce automobile ; qu'à supposer même établi que l'agrément litigieux n'aurait été sollicité que pour le seul contrôle de véhicules lourds afférents à une activité de transport et location, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette demande a été expressément introduite et instruite, sur le fondement du II de l'article R. 323-13 susmentionné, en tant qu'elle portait sur une installation auxiliaire et répertoriée à ce titre au registre national des installations ; que, par suite, la décision litigieuse constitue bien un agrément particulier délivré dans le cadre de la procédure dérogatoire prévue par les dispositions du II de l'article R. 323-13, lesquelles sont illégales en ce qu'elles instituent une différence de traitement manifestement disproportionnée entre les centres de contrôle technique organisés en réseaux et les centres de contrôle indépendants et méconnaissent dès lors le principe d'égalité ; que le préfet de l'Orne a ainsi donné une base légale erronée à sa décision de renouvellement d'agrément du 22 mars 2012 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Transports Lambert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du préfet de l'Orne du 22 mars 2012 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat national du contrôle technique automobile, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SAS Transports Lambert au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en outre, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de cette dernière tendant au remboursement de la contribution pour l'aide juridique ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Transports Lambert une somme de 1 500 euros à verser au syndicat national du contrôle technique automobile au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Transports Lambert est rejetée.
Article 2 : La SAS Transports Lambert versera au syndicat national du contrôle technique automobile une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Transports Lambert, au ministre de l'intérieur et au syndicat national du contrôle technique automobile.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2014.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
N. CORRAZE
La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT00902