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20/06/2014 | FRANCE | N°12NT02494

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 juin 2014, 12NT02494


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée pour Mme C...A..., domiciliée..., par Me Morin-Mouchenotte, avocat au barreau de Caen ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 juillet 2012 en tant qu'il a, d'une part, limité à son effet rétroactif l'annulation de la décision du maire de Saint-Martin-des-Entrées du 3 octobre 2011 prononçant à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix mois assortie d'un sursis de deux mois et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation

de l'avis du conseil de discipline de recours du 4 octobre 2011 se pro...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée pour Mme C...A..., domiciliée..., par Me Morin-Mouchenotte, avocat au barreau de Caen ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 juillet 2012 en tant qu'il a, d'une part, limité à son effet rétroactif l'annulation de la décision du maire de Saint-Martin-des-Entrées du 3 octobre 2011 prononçant à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix mois assortie d'un sursis de deux mois et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours du 4 octobre 2011 se prononçant en faveur de cette sanction ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-des-Entrées le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'avis du conseil de discipline de recours est entaché de contrariété de motifs et de contrariété entre les motifs et le dispositif ; ses motifs ne caractérisent pas l'existence d'une faute disciplinaire ou d'une intention dolosive de sa part ;

- le conseil de discipline de recours a considéré à tort que les erreurs de paie ne concernent qu'elle ;

- les erreurs qu'elle a commises en rectifiant les feuilles de paie révèlent tout au plus une insuffisance professionnelle relevant de la procédure de licenciement mais ne constituent pas une faute justifiant l'engagement d'une procédure disciplinaire ; elle n'est pas responsable de l'irrégularité de l'arrêté du 18 janvier 2008, abrogé le 23 juin 2008 seulement, sur la base duquel elle a procédé à ces rectifications ;

- l'arrêté, qui ne précise pas le caractère fautif du manquement qui lui est reproché, n'est pas suffisamment motivé ;

- le tribunal a commis une erreur matérielle en mentionnant la période de janvier à juin 2009 alors qu'est en cause la période de janvier à juin 2008 ;

- le jugement ne mentionne pas la nature du manquement à la probité sur lequel repose l'affirmation du bien-fondé de la sanction ;

- le trop-perçu ayant été reversé, ce seul manquement ne justifie pas la sanction prononcée ;

- la mesure, qui a pour but de sanctionner la plainte déposée contre le maire, est entachée de détournement de procédure ainsi que l'attestent le visa de cette plainte par la décision de suspension prononcée le 1er octobre 2010 et la motivation de cette décision ; le détournement de procédure a également eu pour but d'éviter les conséquences financières d'une mesure de licenciement ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur le vice de procédure que constitue le caractère disproportionné de la sanction ;

- la procédure disciplinaire a été engagée plus de deux ans après les faits sur lesquels elle est fondée, dans le prolongement de l'arrêté du 1er octobre 2010 portant suspension provisoire de fonctions ;

- de nouveaux griefs ont été invoqués par la commune après l'engagement de la procédure disciplinaire ;

- la sanction est disproportionnée eu égard à la nature des manquements qui lui sont reprochés et à leur ancienneté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2013, présenté pour la commune de Saint-Martin-des-Entrées, par MeB... ; la commune de Saint-Martin-des-Entrées demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 juillet 2012 en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté de son maire du 3 octobre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'avis rendu par le conseil de discipline de recours est une mesure préparatoire insusceptible de recours ;

- la décision du 3 octobre 2011 n'étant pas fondée sur cet avis, l'illégalité de ce dernier serait sans incidence sur la légalité de la décision ; le conseil de discipline de recours a reconnu à juste titre le caractère intentionnel des faits reprochés à la requérante ;

- compte tenu de leur caractère intentionnel, les faits reprochés à la requérante caractérisent l'existence d'une faute et non pas seulement d'une insuffisance professionnelle ;

- ayant pour finalité la sanction de ces faits et non de la plainte déposée par la requérante contre le maire, la décision n'est pas entachée de détournement de procédure ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

- la requérante a rédigé un arrêté lui attribuant un indice et un échelon auxquels elle n'avait pas droit et a modifié ses bulletins de paye ; ces manquements ont été constatés à plusieurs reprises au cours de l'année 2008 ; elle a également établi un faux document mentionnant un avis favorable de la commission administrative paritaire à un avancement d'échelon qui n'a pas été émis ;

- compte tenu de la gravité des faits, susceptibles d'une sanction pénale, la mesure d'exclusion temporaire de fonctions n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;

- l'arrêté n'est pas illégalement rétroactif ;

- la requérante est sans intérêt à contester le caractère rétroactif de la sanction lequel lui est favorable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., pour la commune de Saint-Martin-des-Entrées ;

1. Considérant que Mme A..., agent administratif employée par la commune de Saint-Martin-des-Entrées en qualité de secrétaire de mairie, relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 6 juillet 2012 en tant qu'il a limité à son effet rétroactif l'annulation de l'arrêté du maire du 3 octobre 2011portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix mois assortie d'un sursis de deux mois, et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours du 4 octobre 2011 se prononçant en faveur de cette sanction ; que, par la voie de l'appel, incident, la commune de Saint-Martin-des-Entrées demande l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 3 octobre 2011 en ce qu'il comportait un effet rétroactif ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme A..., le tribunal a statué sur le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction ; qu'en retenant l'existence d'agissements contraires à la probité après avoir décrit les faits reprochés à la requérante, il a suffisamment motivé sa décision ; que la mention de faits commis au cours de la période de janvier à juin 2009 au lieu de la période de janvier à juin 2008 constitue une erreur purement matérielle sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur la recevabilité :

3. Considérant que l'avis du conseil de discipline de recours, qui oblige l'autorité disciplinaire à réduire ou à annuler la sanction initialement prononcée, ne présente pas, à l'égard de l'agent, le caractère d'une décision faisant grief ; que tel est le cas de l'avis du 4 octobre 2011 par lequel le conseil de discipline de recours s'est prononcé en faveur d'une exclusion temporaire de fonctions de dix mois dont deux mois avec sursis au lieu de l'exclusion temporaire de fonctions de dix mois sans sursis prononcée par le maire ; que, dès lors, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de cet avis ne sont pas recevables ;

Sur le surplus de l'appel principal :

4. Considérant que l'arrêté contesté, qui mentionne notamment que Mme A... a établi en connaissance de cause et à plusieurs reprises des fiches de paie mentionnant un indice auquel elle n'avait pas droit, est suffisamment motivé en fait ;

5. Considérant que si la requérante soutient que de nouveaux griefs auraient été invoqués par la commune après l'engagement de la procédure disciplinaire, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ; que la circonstance que la procédure disciplinaire a été engagée le 30 novembre 2010, soit plus de deux ans après les faits sur lesquels elle est fondée, est sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de la sanction ;

6. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

7. Considérant que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix mois dont deux mois avec sursis prononcée par l'arrêté du maire de Saint-Martin-des-Entrées du 3 octobre 2011 est fondée sur le fait que Mme A... a établi des fiches de paie mentionnant un indice auquel elle n'avait pas droit, qu'elle a agi en connaissance de cause et a persisté dans ses agissements en dépit des demandes de régularisation de sa situation qui lui ont été adressées ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est ainsi attribuée une rémunération majorée de janvier à juin 2008, comportant notamment une nouvelle bonification indiciaire à laquelle elle n'avait pas droit, alors qu'elle avait été informée à plusieurs reprises de ces erreurs par le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale et par la trésorerie générale ; qu'il en ressort en outre qu'elle a manuellement modifié le logiciel de traitement de la paie afin qu'il prenne en compte l'indice et l'échelon erronés ; que la double circonstance que ces données figurent sur des arrêtés que le maire de la commune a signés sans émettre aucune réserve et que les trop-perçus ont été reversés est sans incidence sur la gravité et le caractère intentionnel de ces manquements, qui ne relèvent pas de l'insuffisance professionnelle mais sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction ;

8. Considérant qu'eu égard à la gravité et au caractère volontaire et répété des faits ainsi reprochés à l'intéressée, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix mois dont deux mois avec sursis n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;

9. Considérant que la double circonstance que la procédure disciplinaire a été engagée après la plainte classée sans suite déposée par Mme A... à l'encontre du maire et les démarches engagées par la commune, au terme des congés de maladie et de la mise en disponibilité d'office dont l'intéressée avait bénéficié, en vue de son affectation sur un autre emploi, ne permet pas de considérer que la sanction est entachée de détournement de pouvoir ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2011 et de l'avis du conseil de discipline de recours du 4 octobre 2011 ;

Sur l'appel incident :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " (...) Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...) " ; qu'aux termes de l'article 91 de la même loi : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes, peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque le conseil de discipline de recours a émis l'avis qu'il y a lieu de prononcer une sanction moins élevée que celle qui a été infligée, l'autorité administrative est tenue de rapporter sa décision initiale et d'y substituer une sanction d'une gravité au plus égale à celle de la sanction proposée par le conseil de discipline de recours ; que l'arrêté du 3 octobre 2011 ramenant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions dont Mme A... a fait l'objet de dix mois sans sursis à dix mois dont deux mois avec sursis s'est ainsi substitué à la sanction initialement prononcée le 31 janvier 2011 et dont l'effet avait été fixé au 1er février 2011 ; que, dans ces conditions, cet arrêté qui régularise la situation de Mme A..., conformément à l'avis émis par le conseil de discipline de recours, n'est pas illégalement entaché de rétroactivité ; que, dès lors, la commune de Saint-Martin-des-Entrées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 3 octobre 2011 en tant qu'il fixe au 1er février 2011 l'effet de la sanction prononcée et à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Martin-des-Entrées, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la requérante sur ce fondement ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A... le versement à la commune de la somme de 500 euros sur le même fondement;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 juillet 2012 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 3 octobre 2011 en ce qu'il a fixé au 1er février 2011 l'effet de la sanction qu'il prononce.

Article 3 : Mme A... versera à la commune de Saint-Martin-des-Entrées la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Saint-Martin-des-Entrées.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERTLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02494
Date de la décision : 20/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MORIN-MOUCHENOTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-20;12nt02494 ?
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