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13/06/2014 | FRANCE | N°13NT02752

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 juin 2014, 13NT02752


Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Guenin, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-200 du 22 juillet 2013 par lequel le vice-président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision référencée 48SI par laquelle le ministre de l'intérieur l'a informé de la perte de validité de son permis de conduire et lui a enjoint de restituer son titre de conduite au préfet de son département de résidence ;

2°) d'annu

ler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer...

Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Guenin, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-200 du 22 juillet 2013 par lequel le vice-président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision référencée 48SI par laquelle le ministre de l'intérieur l'a informé de la perte de validité de son permis de conduire et lui a enjoint de restituer son titre de conduite au préfet de son département de résidence ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer son capital de points et de lui restituer son permis de conduire, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable ; il justifie qu'il ne résidait plus à l'adresse reportée sur le pli envoyé en recommandé lorsque celui-ci lui a été envoyé ; rien ne l'obligeait à signaler ce changement d'adresse ;

- les retraits de points litigieux ne lui ont jamais été notifiés ; il n'a pas davantage reçu la notification globale des retraits de points effectués sur son permis de conduire ;

- il n'a pas bénéficié de l'information préalable exigée par les articles L. 223-1 et L. 223-3 du code de la route à l'occasion des infractions litigieuses ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

il soutient que :

- le requérant n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport au litige porté devant le premier juge ;

- M. B... ne précise pas la nature des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

- il a exposé des frais, dès lors que douze agents sont employés dans le cadre du traitement du contentieux des permis de conduire et que chaque requête induit des coûts de reproduction et d'envoi des courriers nécessaires à l'instruction des demandes ; les allégations du requérant l'ont obligé à exposer des frais directs et spécifiques ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :

- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;

1. Considérant que M. B... relève appel du jugement du 22 juillet 2013 par lequel le vice-président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision référencée 48SI par laquelle le ministre de l'intérieur l'a informé de la perte de validité de son permis de conduire et lui a enjoint de restituer son titre de conduite au préfet de son département de résidence ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative :

" Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

3. Considérant qu'aucun principe général, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ne fait obligation au titulaire d'un permis de conduire de déclarer à l'autorité administrative sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile ; qu'il en résulte qu'alors même qu'il n'aurait pas signalé ce changement aux services compétents, la présentation à une adresse où il ne réside plus du pli notifiant une décision relative à son permis de conduire et prise à l'initiative de l'administration n'est pas de nature à faire courir à son encontre le délai de recours contentieux ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B... établit, par la production d'une facture renseignée par le gestionnaire de l'aire d'accueil destinée aux gens du voyage itinérants de la commune de Périers, que le requérant a séjourné sur le terrain de l'aire d'accueil entre le 19 juin 2012 et le 4 juillet 2012 ; qu'il ne pouvait par conséquent être en possession de l'avis de passage du courrier recommandé présenté le 21 juin 2012 " route de Monsurvent La Lande à Périers " dès lors qu'il ne résidait plus, depuis le 19 juin 2012, à cette adresse où avait été expédiée par le service national du permis de conduire la décision référencée 48SI lui notifiant les décisions de retrait de points litigieux ; que dans ces conditions, la notification de cette décision ne peut être regardée comme régulièrement intervenue ; que par suite c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est entaché d'irrégularité, le vice-président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme irrecevable ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

5. Considérant, en premier lieu, que le relevé d'information intégral relatif à la situation de M. B... mentionne, à deux reprises, la reconstitution du nombre de points initial affecté à son permis de conduire, par décisions des 20 février 2004 et 11 août 2009 ; qu'il ressort en outre des mentions du relevé d'information intégral que le point retiré à la suite de l'infraction commise le 25 février 2011 a été restitué par décision en date du 15 décembre 2011 ; qu'enfin, les infractions commises par le requérant les 2 janvier, 10 janvier, 12 janvier et 12 janvier 2012 n'ont donné lieu à aucun retrait de point ; qu'ainsi les décisions précitées dont M. B... excipe de l'illégalité sont sans incidence sur la décision 48SI attaquée portant défaut de validité du permis de conduire de l'intéressé ; que, par suite, M. B... n'est pas recevable à exciper de l'illégalité des retraits de points consécutifs aux infractions commises par lui les 23 juin 1998, 3 mars 2006, 25 février 2011, 2 janvier 2012, 10 janvier 2012, 12 janvier 2012 et 12 janvier 2012 ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de notification des retraits de points :

6. Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévues par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ; que cette notification a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que l'administration ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que la décision procédant au retrait des derniers points récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur ; que M. B... ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ce que divers retraits de points ne lui auraient pas été notifiés avant l'intervention de la décision constatant la perte de validité de son permis de conduire ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'information préalable :

7. Considérant qu'il résulte des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations qui y sont définies et qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ; que, toutefois, lorsque la réalité de l'infraction a été établie par une condamnation devenue définitive prononcée par le juge pénal qui a statué sur tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance et que l'auteur de l'infraction a ainsi pu la contester, l'omission de cette formalité est sans influence sur la régularité du retrait de points résultant de la condamnation ;

8. Considérant qu'il ressort du relevé intégral d'information relatif à la situation de M. B... que la réalité de l'infraction commise le 18 septembre 2007 a été établie par une condamnation pénale devenue définitive prononcée par le tribunal de grande instance de Coutances le 7 mai 2010 de sorte que le défaut de délivrance de l'information n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le retrait de points ; qu'ainsi, le moyen tiré du manquement à l'obligation d'information préalable prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué à l'encontre du retrait de points correspondant à cette infraction ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 537 du code de procédure pénale : " Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins (...) / Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire (...) font foi jusqu'à preuve contraire " ; que, si les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route font foi jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions, il appartient au juge d'apprécier, au vu des divers éléments du dossier et notamment des mentions du procès-verbal, si le contrevenant a reçu l'information prévue par l'article L. 223-3 du code de la route ;

10. Considérant que, s'agissant des infractions des 5 novembre 2010 et 12 avril 2011, il résulte de l'instruction qu'elles ont été relevées avec interception du véhicule et que des titres exécutoires ont été émis en vue du paiement des amendes forfaitaires majorées ; que, pour justifier de l'accomplissement de l'obligation d'information préalable prévue par les dispositions précitées du code de la route à l'occasion de ces infractions, le ministre produit les procès-verbaux de contravention établis le jour même, qui indiquent que l'infraction entraîne un retrait de points ; que, s'agissant de l'infraction du 5 novembre 2010, le procès-verbal de contravention correspondant est signé par M. B... sous la rubrique " Le conducteur reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention " ; que, sur le procès-verbal de l'infraction commise le 12 avril 2011, conforme aux dispositions des articles A. 37 à A. 37-4 du code de procédure pénale, il est expressément indiqué que M. B... a refusé de contresigner la mention : " Le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention ", sans qu'il y ait fait figurer de réserve sur les modalités de délivrance de l'information ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme établi que M. B... a pris connaissance, sans élever d'objection, du contenu de l'avis de contravention et que cet avis comportant les informations requises lui a été remis ;

11. Considérant, en revanche qu'il résulte des mentions du relevé d'information intégral concernant la situation de M. B... que l'infraction commise par l'intéressé le 19 novembre 2011 a été relevée à son encontre par radar automatique ainsi que cela ressort des mentions " CNT CSA " pour " centre national de traitement-contrôle des sanctions automatisées " portées sur le relevé d'information intégral ; qu'elle a donné lieu à l'émission d'un titre exécutoire d'amende forfaitaire majorée ; qu'en se bornant à produire la copie d'un avis de contravention, qui n'a pas été établi au nom de M. B..., que l'intéressé soutient ne pas avoir reçu, le ministre de l'intérieur ne peut pas être regardé comme ayant satisfait à son obligation d'information préalable par le seul paiement de l'amende forfaitaire majorée ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision de retrait d'un point consécutive à l'infraction susmentionnée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

12. Considérant que l'illégalité de la décision de retrait de points consécutive à l'infraction du 19 novembre 2011, constatée par voie d'exception, entraîne par voie de conséquence l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur référencée 48SI constatant la perte de validité du permis de conduire de M. B..., dont le capital, eu égard à l'illégalité du retrait d'un point, n'était pas nul à la date de la décision attaquée ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur référencée 48SI portant invalidation de son titre de conduite ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

15. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. B... son titre de conduite affecté d'un crédit d'un point ; que, par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de reconstituer le capital de points de son permis de conduire doivent être accueillies dans cette seule limite ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à cette restitution dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous réserve que l'intéressé n'ait pas commis de nouvelles infractions de nature à constituer un obstacle à ladite restitution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement à l'Etat de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du vice-président du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La décision portant invalidation du titre de conduite de M. B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. B... son titre de conduite, affecté d'un crédit d'un point, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que l'intéressé n'ait pas commis de nouvelles infractions de nature à constituer un obstacle à ladite restitution.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2014.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. SUDRON

Le président-rapporteur,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT027522

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02752
Date de la décision : 13/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain PEREZ
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : GUENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-13;13nt02752 ?
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