Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2012, présentée pour M. G... D..., domicilié ... et pour Me A... E..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société " Net Peinture ", domicilié..., représentés par Me B... ; M. D... et Me E...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Port-Bail à verser des indemnités de 29 184 euros à M. D... et de 457 768,96 euros à Me E... en réparation des préjudices causés par la liquidation judiciaire de la société " Net Peinture " dont M. D... était le gérant ;
2°) de condamner la commune de Port-Bail à verser à M. D... une indemnité de 29 184 euros et à Me E... une indemnité de 508 837,57 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Port-Bail le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens dont le montant de la contribution pour l'aide juridique ;
ils soutiennent que :
- la commune a commis une faute en fixant la date de démarrage des travaux au
8 novembre 2010 avant le dépôt du rapport relatif à la présence d'amiante le 18 novembre 2010 ; la venue d'un inspecteur du travail est postérieure au début du chantier ;
- tous les salariés de l'entreprise étant mobilisés sur ce chantier, le préjudice résultant de la liquidation judiciaire de l'entreprise trouve sa cause directe et certaine dans la faute ainsi commise ; le planning de chantiers était ensuite complet jusqu'en décembre 2011 ; les factures d'un montant total de 20 177,54 euros ont seulement permis de payer une faible part des frais engagés pour l'exécution du marché ;
- le préjudice indemnisable correspond au passif de l'entreprise qui s'élève à 508 837,57 euros ; la perte d'une chance de redresser la situation de l'entreprise devra, pour le moins, être indemnisée ; le coût du chômage technique des salariés s'est élevé à 13 184 euros ; les troubles dans les conditions d'existence subis par M. D... peuvent être évalués à 8 000 euros de même que son préjudice moral ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2013, présenté pour M. D... et Me E..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et demandent en outre à la cour d'ordonner, avant-dire droit, une mesure d'expertise comptable ;
ils ajoutent que :
- le bénéfice attendu du marché était de 36 720 euros alors que la capacité de remboursement de l'entreprise devait être de 35 200 euros par an environ pendant dix ans ; la trésorerie de l'entreprise ne lui permettait pas de poursuivre son activité jusqu'à la reprise du chantier en mars 2011 ;
Vu les mises en demeure adressées à Me I... et à la SELARL Auger Vielpeau Le Coustumer le 5 décembre 2013, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2013, présenté pour la commune de Port-Bail, par MeH... ; la commune de Port-Bail demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Saud, Sogedec, Bureau Véritas, Ouest coordination et Allianz à la garantir solidairement de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de M. D... et de Me E...le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- les obligations relatives à la détection et à la prévention des risques résultant de la présence d'amiante sur un chantier qui lui incombent ont été respectées ; la visite du chantier par un inspecteur du travail avant le début des travaux n'est pas imposée par l'article L. 4131-2 du code du travail ; l'ordre de service de commencer les travaux n'a pas été donné par le maître d'ouvrage mais par le maître d'oeuvre et par le coordonnateur SPS ; la coordination des travaux ayant été contractuellement confiée à ces derniers, ainsi qu'à un contrôleur technique, sa responsabilité ne peut être recherchée à ce titre ;
- le chantier a seulement été interrompu du 20 décembre 2010 au 1er mars 2011 ; le 15 février 2011, le passif de l'entreprise s'élevait à 336 666,71 euros et le résultat de la période d'observation présentait un déficit de 6890 euros alors qu'elle lui avait payé l'intégralité des sommes dues jusqu'au 2 février 2011, sans tenir compte de l'interruption du chantier qui n'est donc pas à l'origine du préjudice invoqué ;
- lors de la signature de l'acte d'engagement le 2 septembre 2010, elle n'avait pas été informée de la situation de redressement judiciaire de l'entreprise ; cette dernière, qui a été absente du chantier depuis son démarrage jusqu'à son interruption, n'était pas en mesure d'exécuter ses prestations, lesquelles ne sont payées qu'au fur et à mesure de leur exécution ;
- le montant du préjudice allégué n'est pas établi ;
- à titre subsidiaire, l'interruption du chantier trouve sa cause dans les fautes commises par la société Ouest coordination, titulaire du lot " Ordonnancement, coordination et pilotage du chantier ", qui a prévu la réalisation de travaux de démolition intérieurs avant l'enlèvement de colles de plinthes amiantées ; son assureur, la société Allianz, devra être condamnée à la garantir des condamnations laissées à sa charge ; les exclusions de garantie que lui a opposées cette dernière ne sont pas fondées, sa responsabilité n'étant pas recherchée sur le fondement de ses obligations contractuelles mais sur celui de ses obligations légales, en raison d'une décision prise par son maire ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 décembre 2013, présenté pour la société Bureau Véritas par MeI... ; la société Bureau Véritas demande la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par la commune de Port-Bail ou, à défaut, de limiter le montant de sa condamnation à 15 900 euros et de condamner solidairement les sociétés Saud et Sogédec à la garantir de la condamnation mise à sa charge ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. D..., de MeE..., de la commune de Port-Bail, de la société Saud et de la société Sogedec le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la réception des travaux ayant mis fin aux rapports contractuels, l'appel en garantie formé à son encontre par la commune n'est pas recevable ;
- elle a correctement exécuté le diagnostic de l'amiante contractuellement prévu et n'a pas été chargée d'une mission de diagnostic complémentaire ; le plan de retrait de l'amiante établi par la société Sogédec ne lui a été transmis que le 6 décembre 2010 ; elle avait prévenu le maître d'ouvrage de l'impossibilité de commencer les travaux avant le désamiantage du site ;
- le lien de causalité entre le préjudice résultant de la liquidation judiciaire de l'entreprise et l'interruption des travaux n'est pas établi ;
- il n'appartient pas à un expert de se prononcer sur l'existence de ce lien de causalité ni de déterminer le préjudice subi par M. D... ;
- le contrat qu'elle a conclu avec la commune comporte une clause exclusive de responsabilité et une clause limitative de responsabilité dont elle entend se prévaloir ;
- les sociétés Saud et Sogédec ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle à son égard dans le cadre des appels en garantie qu'elle forme à leur encontre ;
Vu l'ordonnance du 16 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 17 février 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2014, présenté pour M. D... et Me E..., qui concluent aux mêmes fins que précédemment ; ils ajoutent que l'absence d'exécution des prestations de novembre 2010 à février 2011 a interrompu le paiement des acomptes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2014 :
- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
1. Considérant que la société " Net Peinture " a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Coutances du 15 février 2011, après avoir été placée en redressement judiciaire à compter du 31 août 2010 ; qu'estimant que la cause de l'état de cessation de paiement dans lequel elle s'est trouvée réside dans l'interruption du chantier portant sur la rénovation d'un village de vacances situé sur le territoire de la commune de Port-Bail, auquel elle a participé dans le cadre d'un marché passé le 21 septembre 2010 pour le lot " Peinture, ravalement, façades ", MeE..., agissant en qualité de mandataire-liquidateur et M. D..., agissant à titre personnel en qualité d'ancien gérant, ont recherché la responsabilité de la commune ; que leurs conclusions à fin d'indemnisation ont été rejetées par le jugement du tribunal administratif de Caen du 14 septembre 2012 dont ils relèvent appel ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Port-Bail appelle en garantie son assureur, la société Allianz, ainsi que la société Saud, maître d'oeuvre, la société Ouest Coordination, co-maître d'oeuvre, la société Bureau Véritas, en charge de la réalisation du diagnostic de l'amiante avant la réalisation des travaux et coordonateur en matière de sécurité et protection de la santé, ainsi que la société Sogédec, titulaire du lot " désamiantage " ; que la société Bureau Véritas appelle en garantie la société Saud et la société Sogédec ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant qu'après avoir reçu l'ordre de démarrer les travaux le 8 novembre 2010,
la société " Net Peinture " a reçu l'ordre de les interrompre à compter du 20 décembre suivant ; que cette interruption, qui a duré jusqu'au 1er mars 2011, trouve sa cause dans l'insuffisance, lors de la préparation du chantier, des opérations de repérage de l'amiante dans les constructions constituant le village de vacances, constatée lors d'un contrôle sur place effectué par le service de l'inspection du travail le 20 décembre 2010 et exposant les travailleurs au contact de l'amiante ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des courriers adressés par le contrôleur du travail au maire de la commune les 13 et 29 décembre 2010, à la société Bureau Véritas, à la société Saud et à la société Sogédec le 21 décembre 2010, que l'insuffisance des opérations de repérage de l'amiante est imputable tant au maître d'ouvrage, auquel il appartenait de s'assurer que le maître d'oeuvre respecte les règles de prévention dans le cadre de l'organisation des opérations de chantier, qu'aux trois sociétés, en raison des graves défaillances dans le diagnostic de la présence d'amiante ;
3. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'à la date du 31 août 2010 à laquelle la procédure de redressement judiciaire a été ouverte, avant la signature du marché avec la commune de Port-Bail le 21 septembre 2010, la société requérante était confrontée à des difficultés financière importantes, ayant conduit son mandataire liquidateur à proposer l'apurement du passif par des remboursements de l'ordre de 35 200 euros par an pendant dix ans ; que si les requérants font valoir que le marché passé avec la commune constituait le seul chantier en cours de l'entreprise pendant l'hiver 2010/2011 et qu'il lui aurait permis de réaliser un bénéfice de 36 720 euros, suffisant pour respecter en 2011 le plan d'apurement du passif ainsi envisagé, la commune soutient sans être utilement contredite avoir payé, à la date du 2 février 2011, la somme totale de 20 177,54 euros due au titre du paiement échelonné des prestations, en dépit de leur inexécution du fait de l'interruption des travaux ; que, dans ces conditions, l'état de cessation de paiement dans laquelle l'entreprise s'est trouvée en février 2011 ne peut être regardé comme ayant sa cause dans l'interruption du chantier ; qu'en l'absence de lien de causalité entre les fautes commises lors du diagnostic de la présence d'amiante dans les constructions et la liquidation judiciaire de la société, Me E... et M. D... ne peuvent obtenir la condamnation de la commune de Port-Bail au versement d'une indemnité en réparation des préjudices financier et moral qu'ils invoquent respectivement ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire procéder avant-dire droit à une expertise comptable, que Me E...et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes ;
Sur les appels en garantie :
5. Considérant qu'en l'absence de condamnation prononcée à l'encontre de la commune, les appels en garantie qu'elle a formés à l'encontre des sociétés Allianz, Saud, Sogédec, Bureau Véritas et Ouest Coordination doivent être rejetés ; que, par voie de conséquence, les appels en garantie formés par le Bureau Véritas à l'encontre des sociétés Saud et Sogédec, en raison de l'appel en garantie dont il fait lui-même l'objet, doivent être également rejetés ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Port-Bail le versement des sommes que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de la contribution pour l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Port-Bail et de la société Bureau Véritas tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et de Me E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'appel en garantie et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la commune de Port-Bail et de la société Bureau Véritas sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à Me A... E..., à la commune de Port-Bail et à la société Bureau Véritas.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. F..., faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2014.
Le rapporteur,
S. AUBERT
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02977 2
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