Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2013, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me Boulafrah, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis ; M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 11-11026 du 20 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2010 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant irrecevable sa demande de naturalisation et de la décision du 6 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant cette même demande;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre à l'autorité compétente, à titre principal, de faire droit à sa demande de naturalisation, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la décision préfectorale initiale était insuffisamment motivée ;
- bien que ses enfants vivent au Mali, lui-même réside en France depuis 1980 et bénéficie de deux emplois stables lui procurant un revenu mensuel total de 2 163 euros ;
- divorcé en 2004 il n'a jamais exercé le droit de garde sur ses enfants dont il bénéficiait ; ce droit a été transféré à son épouse par jugement du 29 septembre 2013 ;
- la relation extraconjugale entretenue depuis 1999 ne peut être regardée comme un cas de bigamie, alors même que deux enfants en sont issus ;
- le retard de paiement de ses taxes d'habitation ne saurait être considéré comme un manque de loyalisme ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la décision contestée a été notifiée à l'intéressé le 27 août 2011 ; il était par suite forclos le 18 novembre suivant quand il a saisi le tribunal administratif de Nantes ;
- les conclusions de la requête dirigées contre la décision préfectorale, à laquelle s'est substituée la décision ministérielle, sont dépourvues d'objet ;
- la décision litigieuse est suffisamment motivée ;
- la circonstance que la garde des enfants du requérant a été transférée à son épouse est postérieure à la décision contestée, et, par suite, inopérante ;
- la permanence de relations avec l'épouse et avec une autre femme, et la naissance alternée d'enfants des deux unions, est assimilable à une situation de polygamie ;
- M. B..., bien que divorcé en 2004, a continué à se déclarer marié dans ses déclarations fiscales jusqu'en 2011 ; en outre, il ne conteste pas avoir payé ses impôts avec retard ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
1. Considérant que M. B..., ressortissant malien, interjette appel du jugement du 20 août 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2010 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant irrecevable sa demande de naturalisation et de la décision du 6 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant cette même demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le jugement attaqué, qui comporte l'énoncé détaillé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, n'est pas entaché de l'insuffisance de motivation alléguée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 décembre 2010 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. " ; que ces dispositions instituant un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, la décision du 6 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration s'est substituée à celle du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 décembre 2010 ; que, dès lors, les conclusions de la requête de M. B... ne sont pas recevables en tant qu'elles tendent à l'annulation de cette dernière décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 juillet 2011 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte l'intensité des liens conservés par le postulant avec son pays d'origine ainsi que les renseignements défavorables recueillis sur son comportement ;
5. Considérant que la décision de rejet contestée est fondée sur la triple circonstance que M. B... déclare fiscalement à sa charge ses deux enfants majeurs et ses cinq enfants mineurs, qui résident à l'étranger, qu'il a contracté une première union le 30 janvier 1987 avec Mme E... D... avec laquelle il a eu cinq enfants nés entre 1990 et 2002 et a également été marié avec Mme A... D...avec laquelle il a eu deux enfants nés en 1999 et 2002, s'étant ainsi trouvé en situation de bigamie entre 1999 et 2002, et que son loyalisme fiscal est sujet à critiques puisqu'il a réglé ses taxes d'habitation des années 2007 et 2008 après majoration ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... entré en France en 1980, à l'âge de 19 ans, est père de cinq enfants mineurs et de deux enfants majeurs résidant au Mali ; qu'il les déclare à charge à l'administration fiscale et leur rend visite tous les deux ou trois ans ; que la garde des cinq enfants nés de son union avec Mme E... D...lui a été confiée par un jugement du tribunal civil de Yelimane du 9 décembre 2004 ; qu'il n'a pas déposé de demande de regroupement familial pour ses enfants encore mineurs et ne saurait utilement se prévaloir d'un jugement du 29 septembre 2013 postérieur à la décision contesté qui lui en a retiré la garde ; que, par ailleurs, le requérant ne conteste pas avoir réglé ses taxes d'habitation des années 2007 et 2008 après majoration, méconnaissant ainsi ses obligations fiscales durant deux années consécutives ; qu'ainsi, nonobstant la présence en France de M. B... depuis 1980 et son insertion professionnelle, le ministre, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, et qui aurait pris la même décision en se fondant sur ces deux seuls motifs pour rejeter la demande de l'intéressé, n'a pas entaché cette décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par M. B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2014.
Le rapporteur,
E. FRANÇOIS Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 13NT02994