La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2014 | FRANCE | N°12NT00484

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 mai 2014, 12NT00484


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour la commune de Sannerville, par MeC... ; la commune de Sannerville demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. et Mme B..., la décision de son maire du 10 août 2010 mettant ces derniers en demeure de faire réaliser des mesures acoustiques ainsi que, le cas échéant, des travaux de mise en conformité dans la boulangerie qu'ils exploitent ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribu

nal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... le v...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour la commune de Sannerville, par MeC... ; la commune de Sannerville demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. et Mme B..., la décision de son maire du 10 août 2010 mettant ces derniers en demeure de faire réaliser des mesures acoustiques ainsi que, le cas échéant, des travaux de mise en conformité dans la boulangerie qu'ils exploitent ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des entiers dépens comprenant la contribution pour l'aide juridique et le droit de plaidoirie ;

elle soutient que :

- la décision du maire, qui est fondée sur l'article 12 de l'arrêté du préfet du Calvados du 21 novembre 2008, n'est pas entachée d'erreur de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée à M. et Mme B... le 6 avril 2012, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2012, présenté pour M. et Mme B...,

représentés par Me A... ; M. et Mme B... demandent à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune de Sannerville le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- l'existence d'un état de nécessité rendant applicable les articles 11 et 12 de l'arrêté du préfet du Calvados du 21 novembre 2008 n'est pas établie ; la valeur probante du contrôle acoustique sur lequel le maire se fonde et qui a été réalisé par un de ses anciens collègues est douteuse ; le rapport de contrôle ne leur a pas été notifié ;

- les moteurs de refroidissement situés à l'extérieur de la boulangerie ont fonctionné pendant plusieurs décennies sans provoquer de réactions de la part de riverains autres que l'un de leurs voisins ;

- compte tenu des relations personnelles existant entre ce voisin et le maire de la commune la décision est entachée de détournement de pouvoir ;

- la mise en demeure n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire alors qu'il s'agit d'une mesure de police et que l'article L. 571-17 du code de l'environnement le prévoit ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2014, présenté pour la commune de Sannerville qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu l'arrêté du préfet du Calvados du 21 novembre 2008 relatif à la lutte contre les nuisances sonores ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que la commune de Sannerville relève appel du jugement du 27 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. et Mme B..., la décision de son maire du 10 août 2010 mettant ces derniers en demeure de faire réaliser des mesures acoustiques ainsi que, le cas échéant, des travaux de mise en conformité dans la boulangerie qu'ils exploitent, afin de mettre un terme aux nuisances sonores résultant du fonctionnement des moteurs et des compresseurs situés à l'arrière du bâtiment ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'arrêté du préfet du Calvados du 21 novembre 2008 relatif à la lutte contre les nuisances sonores : " Dans les zones d'habitation ou à proximité de celles-ci, en fonction des risques de nuisances sonores encourus par la population avoisinante, les exploitants d'établissements industriels, commerciaux et artisanaux ne relevant pas de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et susceptibles de causer des nuisances sonores, devront prendre toute précaution afin de préserver la tranquillité des riverains. " ; qu'aux termes de l'article 12 du même arrêté : " Le maire, pourra, en cas de nécessité, demander la réalisation d'une étude acoustique, à la charge de l'exploitant, précisant les mesures à mettre en oeuvre (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport de mesurage réalisé par les services de l'agence régionale de santé de Basse-Normandie dans la nuit du 29 au 30 mai 2010, que les moteurs de refroidissement dont est dotée la boulangerie exploitée par M. et Mme B... génèrent un bruit qui dépasse de manière significative l'émergence sonore autorisée par la réglementation en vigueur ; qu'ayant estimé que ce rapport n'était pas opposable aux tiers, le maire a mis les intéressés en demeure de faire réaliser des mesures acoustiques par un organisme agréé et de lui communiquer les résultats de ces mesures dans un délai de trente jours afin de déterminer si des travaux de mise en conformité s'imposeraient ; que si M. et Mme B... soutiennent que la condition de nécessité prévue par les dispositions précitées n'était pas remplie, il ressort au contraire du dossier qu'à la date de la mise en demeure contestée ils n'avaient pas remédié, en dépit de plusieurs demandes du maire, aux nuisances sonores dont ils contestent l'existence en se prévalant sans l'établir du manque d'impartialité du contrôle acoustique effectué par l'agence régionale de santé en mai 2010 ; que, dans ces conditions, l'étude acoustique ordonnée par le maire entre dans le champ d'application des dispositions de l'article 12 de l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2008 précité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Sannerville est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé la mise en demeure du 10 août 2010 au motif que le maire avait méconnu l'étendue de ses pouvoirs de police tels qu'ils sont définis par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme B... tant en première instance qu'en appel ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - (...) constituent une mesure de police " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites " ; que ces dispositions, seules applicables au litige, impliquent que la personne intéressée soit informée de la mesure que l'administration envisage de prendre et qu'elle bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations écrites ; qu'en revanche elles n'imposent pas à l'administration d'informer la personne concernée de sa faculté de présenter des observations écrites ou orales, de se faire assister par un conseil et, le cas échéant, de solliciter la communication des documents administratifs qui la concernent ;

7. Considérant qu'en fixant à trente jours le délai dans lequel les résultats des mesures acoustiques dont la réalisation est exigée par la mise en demeure du 10 août 2010 devaient lui être communiqués, le maire de Sannerville a mis M. et Mme B... à même de présenter des observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait par l'intermédiaire de leur conseil le 31 août 2010 ; que la mise en demeure n'avait pas à être elle-même précédée d'une procédure contradictoire et de la communication du rapport relatif au contrôle acoustique effectué par l'administration dont elle mentionne l'existence et les résultats ; qu'en outre, ce rapport leur a été spontanément communiqué par le maire de la commune le 3 septembre 2010 ; que le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire doit, dès lors, être écarté ;

8. Considérant que l'existence des nuisances sonores provoquées par le fonctionnement des moteurs de refroidissement dont la boulangerie est équipée résulte suffisamment des pièces du dossier pour fonder la décision du maire de faire procéder à leur évaluation ;

9. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi tant en ce qui concerne les relations personnelles que le maire de la commune entretiendrait avec les voisins des demandeurs s'étant plaints des nuisances sonores à l'origine du litige, que l'existence d'anciennes relations professionnelles du maire avec les auteurs du contrôle acoustique diligenté par l'agence régionale de santé de Basse-Normandie, de nature, selon eux, à en expliquer le résultat défavorable ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sannerville est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé la mise en demeure adressée à M. et Mme B... le 10 août 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sannerville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. et Mme B... sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement à la commune de Sannerville de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de la contribution pour l'aide juridique ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 27 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Caen et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme B... verseront à la commune de Sannerville la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la contribution pour l'aide juridique.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sannerville et à M. et Mme D... B....

Délibéré après l'audience du 18 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERTLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

1

N° 12NT00484 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00484
Date de la décision : 09/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CHANUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-05-09;12nt00484 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award