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30/04/2014 | FRANCE | N°12NT02263

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 avril 2014, 12NT02263


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. D... A..., demeurant..., par Me Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003659 du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du Vouvrillon à lui payer la somme de 345 815 euros, majorée des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des conséquences dommageables d'une décision de préemption illégale ;

2°) de condamner la commun

auté de communes du Vouvrillon à lui payer en réparation la somme de 324 000 euros...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. D... A..., demeurant..., par Me Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003659 du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du Vouvrillon à lui payer la somme de 345 815 euros, majorée des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des conséquences dommageables d'une décision de préemption illégale ;

2°) de condamner la communauté de communes du Vouvrillon à lui payer en réparation la somme de 324 000 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 16 juin 2010 et de leur capitalisation à compter du 2 mai 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Vouvrillon le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- il dispose bien d'un intérêt à agir en réparation du préjudice subi, dès lors qu'il justifie de la qualité d'acquéreur évincé par une décision de préemption illégale ;

- l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant au jugement du 5 juin 2007 fait obstacle à toute contestation de l'illégalité de la décision de préemption annulée par ce jugement et par suite de la faute commise par l'auteur de cette décision ;

- le préjudice dont il est droit d'obtenir réparation est constitué par la perte de chiffre d'affaires occasionné par la décision de préemption qui, entre la date à laquelle elle a été prise et celle à laquelle son annulation est devenue irrévocable, dans des conditions permettant la réalisation de la vente du bien immobilier en cause, M. A... n'a pas été en mesure d'exploiter un fonds de commerce de vente de vins dans l'immeuble en question ;

- ce préjudice présente un caractère direct et certain ;

- M. A... est le collaborateur de son fils, ce dernier président du vignoble du Château Moncontour, dont la société mère est la société Roi Albert et dont la SCI Ferdouin est l'une des sociétés productrices de vins ; M. A... est un producteur de vins connu ;

- si la collectivité n'avait pas illégalement préempté en 2006, il aurait pu réaliser ses projets dans la maison C...et exploiter son commerce de vins dans l'immeuble dit " maisonC... " ;

- la circonstance que la vente du bien initialement préempté a finalement été réalisée le 16 mars 2010 entre les consorts C...et la SCI Ferdouin ne prive pas M. A... de sa qualité à demander réparation du préjudice subi ; M. A... a apporté à cette société le droit qu'il détenait d'acquérir l'immeuble mais, du fait de la préemption, n'a pu procéder à cet apport dès la date à laquelle l'acte de vente aurait dû être signé à son profit ; les statuts de cette société stipulent d'ailleurs que le droit de préférence transmis par M. B... à M. A... pouvait être transmis à une autre personne, ainsi la SCI Ferdouin ;

- la circonstance que M. A... ait entendu exercer son activité, sur la base des droits qu'il tenait des actes sous seing privé qu'il avait conclus, sous la forme d'une société, ne saurait avoir pour effet de le priver de son droit à obtenir indemnisation du préjudice subi ;

- il n'a pas demandé l'indemnisation du préjudice subi par la SCI Ferdouin ou par la société d'exploitation du fonds de commerce " le Caveau du Gourmandeur " ;

- il a fourni des éléments comptables précis relatif à l'exploitation du fonds de commerce dans les locaux en cause, sans pour autant et bien évidemment revendiquer de quelque façon l'indemnisation du préjudice subi par les actuels exploitants et propriétaire des murs ; son projet d'acquisition et d'exploitation d'un fonds de commerce était parfaitement réalisable et devait lui procurer un bénéfice important ;

- la solution retenue par le tribunal conduit à imposer à la victime d'une illégalité fautive de réaliser, après une annulation contentieuse, entièrement l'opération telle qu'elle l'avait été initialement envisagée, sans aucune marge d'adaptation, ce qui ne correspond pas à la jurisprudence en la matière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2013, présenté pour la communauté de communes du Vouvrillon, par Me Ribaut, avocat au barreau de Tours, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que :

- M. A... est dépourvu d'intérêt à agir ; le préjudice dont il demande réparation ne lui est pas personnel ;

- la décision de préemption du 20 septembre 2006 n'est pas illégale ;

- il n'est pas justifié d'un préjudice directement causé par cette décision ;

- subsidiairement, il y aurait lieu d'ordonner une expertise ;

Vu le mémoire complémentaire et en réplique, enregistré le 28 mars 2014, présenté pour M. A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens, ainsi qu'au rejet des conclusions présentées par la communauté de communes du Vouvrillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient, en outre, que :

- son intérêt à agir, en qualité d'acquéreur évincé, est certain ;

- la perte de chance de réaliser sans délai le projet de l'acquéreur évincé est avérée ;

- ce projet a été personnellement mis en oeuvre par M. A... par le biais de structures commerciales qu'il dirige ou dont il détient le contrôle ;

- il défend les intérêts du groupe dont la SAS du Roi Albert est la société mère, dont il est le président ; ces sociétés sont regroupées commercialement dans le GIE Moncontour ;

- il existe un lien direct et certain entre M. A... et l'exploitation de la maison C...par ce GIE ; il est responsable et comptable des pertes ou préjudices subis par les sociétés filles de la SAS du Roi Albert ;

- la discussion menée en défense sur le terrain de la légalité est radicalement dépourvue d'objet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un acte notarié du 5 juin 2003, MM. C... ont consenti à M. B... un droit de préférence à l'occasion de la vente, à réaliser ultérieurement, d'un immeuble appartenant alors à leur mère, situé sur le territoire de la commune de Vouvray (Indre-et-Loire) et constitué d'une maison d'habitation et du terrain d'une superficie de 2 400 m2 y attenant ; que, par acte sous seing privé du 17 juin 2006, M. B... et M. A... se sont engagés réciproquement, le premier à acheter à MM. C... par usage de son droit de préférence et à rétrocéder au second, et ce dernier à racheter au premier, à un prix fixé, cet immeuble ; qu'à la suite du compromis de vente intervenu le 21 juin 2006 entre MM. C... et le syndicat des vignerons de l'aire d'appellation Vouvray, M. B... a exercé son droit de préférence par lettre du 19 juillet 2006 ; que, par une délibération du 20 septembre 2006, la communauté de communes du Vouvrillon a exercé son droit de préemption sur l'immeuble ; que, par un jugement du 5 juin 2007, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette délibération, pour des motifs tant de légalité externe que de légalité interne ; que, par une ordonnance du 16 octobre 2009, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a donné acte à la communauté de communes du Vouvrillon du désistement de son appel de ce jugement, laquelle communauté a, par une délibération du 27 janvier 2010, renoncé à la préemption ; que M. A... relève appel du jugement du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cette communauté de communes à lui payer une indemnité de 345 815 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision de préemption ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que l'illégalité de la décision de préemption du 20 septembre 2006 constitue une faute engageant la responsabilité de la communauté de communes du Vouvrillon envers toute personne à laquelle cette faute aurait directement causé un préjudice certain ; que cette personne peut être le propriétaire initial du bien préempté, l'acquéreur évincé ou, le cas échéant, toute autre personne ;

3. Considérant que M. A..., qui constitue l'acquéreur finalement évincé par la décision du 20 septembre 2006, soutient que cette préemption illégale l'a empêché d'acheter sans délai l'immeuble situé à Vouvray et d'y exploiter un fonds de commerce de vente de vins ; que le préjudice dont il demande réparation correspond à la perte des bénéfices que, selon lui, il aurait retirés de l'exploitation d'un telle activité pendant une période de trente-huit mois et dont, en appel, il évalue le montant à 324 000 euros ;

4. Considérant que, si le requérant soutient qu'il avait l'intention d'exploiter personnellement un fonds de commerce de vente de vins dans l'immeuble illégalement préempté par la communauté de communes du Vouvrillon, il n'apporte, toutefois, pas la moindre précision sur les dispositions, de toute nature, qu'il aurait prises, avant l'intervention de la décision de préemption ou à l'époque de cette décision, en vue d'être à même d'exploiter lui-même un tel fonds de commerce, dont l'activité n'aurait pas présenté un caractère immobilier, ni même n'allègue avoir pris des dispositions quelconques en ce sens ; qu'en outre il ne résulte de l'instruction, ni que l'immeuble aurait, avant cette préemption, été affecté à une activité commerciale, ni que le requérant était déjà lui-même exploitant d'un fonds de commerce de cette nature ; que M. A... ne fait pas davantage état de quelconques mesures qu'il aurait prises en vue d'exploiter dans l'immeuble l'activité commerciale dont il fait état après la suspension de l'exécution de la décision de préemption du 20 septembre 2006 par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 21 décembre 2006 ; qu'enfin, le requérant, s'il soutient qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'exploiter un fonds de commerce de vente de vins par l'effet de cette mesure de préemption, n'apporte cependant aucun élément propre à établir qu'il aurait été dans l'impossibilité de créer un tel fonds de commerce dans d'autres locaux que l'immeuble préempté, une telle impossibilité ne résultant pas non plus de l'instruction ; que, compte tenu de ces éléments, le préjudice dont le requérant demande réparation, seulement constitué par la perte des bénéfices qu'il aurait selon lui personnellement retirés de l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de vins, ni ne présente un caractère certain, ni n'a pour cause directe la faute commise par la communauté de communes du Vouvrillon ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes du Vouvrillon, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 2 000 euros que cette communauté de communes demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la communauté de communes du Vouvrillon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la communauté de communes du Vouvrillon.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2014.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02263 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02263
Date de la décision : 30/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-30;12nt02263 ?
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