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18/04/2014 | FRANCE | N°13NT01025

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 avril 2014, 13NT01025


Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Moysan, avocat au barreau de Tours ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106977 du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 12 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;



2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoin...

Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Moysan, avocat au barreau de Tours ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106977 du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 12 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de lui délivrer un certificat de nationalité française, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le jugement n'est pas motivé ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle n'a pas pu obtenir un titre de séjour mention "étudiant" en arrivant en France car elle ne pouvait justifier d'une bourse pour faire ses études ;

- ses attaches familiales sont en France et l'absence de nationalité française fait obstacle à ce qu'elle trouve un emploi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- les allégations de Mme B... ne remettent pas en cause l'exactitude matérielle du motif des actes contestés ;

- la mesure d'ajournement n'est pas par nature susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles et aux droits personnels du postulant ;

Vu la décision du 15 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :

- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B..., de nationalité centrafricaine, interjette appel du jugement du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et de la décision du 12 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 dans sa rédaction alors applicable : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que, pour ajourner à deux ans, par sa décision du 10 novembre 2010 confirmée sur recours gracieux, la demande de naturalisation de Mme B..., le ministre s'est exclusivement fondé sur la circonstance que l'intéressée a séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2000 à 2002 en méconnaissant ainsi la législation relative au séjour des étrangers en France ;

4. Considérant que si le ministre peut sans erreur de droit opposer un tel motif pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation du postulant, il ne saurait, en l'absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l'ancienneté des faits est telle qu'elle est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que la situation de Mme B..., entrée en France le 30 juillet 2000, n'a été régularisée que le 16 janvier 2002, date de sa demande de titre de séjour, à la suite de laquelle elle a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'elle séjourne régulièrement depuis cette date sur le territoire ; qu'eu égard à l'ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de huit ans par rapport à la date de la décision contestée, le ministre, qui ne fait état d'aucune autre circonstance, a, en ajournant à deux ans pour ce seul motif la demande de naturalisation de la postulante, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques " et qu'aux termes de l'article 31 du même code : " Le greffier en chef du tribunal d'instance a seul qualité pour délivrer un certificat de nationalité française à toute personne justifiant qu'elle a cette nationalité " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas au ministre de l'intérieur de délivrer un certificat de nationalité française, ni au juge administratif de connaître de litiges relatifs à la délivrance d'un tel document ; que, par suite, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de lui délivrer un certificat de nationalité française ne peuvent qu'être rejetées ;

8. Considérant, en second lieu, que le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur statue à nouveau sur la demande de naturalisation présentée par Mme B... ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de statuer sur la demande de naturalisation de l'intéressée, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, d'une part, Mme B... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme B... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 février 2013 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 10 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ajournant à deux ans la demande de naturalisation de Mme B... ainsi que la décision du 12 mai 2011 rejetant son recours gracieux sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de naturalisation présentée par Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2014.

Le président-assesseur,

J.-F. MILLET

Le président-rapporteur,

B. ISELINLe greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01025
Date de la décision : 18/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Bernard ISELIN
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MOYSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-18;13nt01025 ?
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