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10/04/2014 | FRANCE | N°13NT01501

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 avril 2014, 13NT01501


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour M. B... A..., domicilié..., par Me Mary, avocat au barreau du Havre ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-1986 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2012 du préfet du Calvados refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;r>
2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui dél...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour M. B... A..., domicilié..., par Me Mary, avocat au barreau du Havre ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-1986 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2012 du préfet du Calvados refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient :

- que l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- que le préfet n'a pas procédé à l'examen complet de sa situation personnelle ;

- que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale garanti par cet article ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et que son arrêté comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- que la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas été prise à l'issue d'une procédure contradictoire ; qu'ainsi son droit a être entendu avant que soit prise cette décision défavorable, reconnu comme principe général du droit de l'Union Européenne, a été méconnu ; que s'il avait été entendu par le préfet avant que ne soit prise cette mesure, il aurait pu solliciter un titre de séjour sur d'autres fondements que celui sur lequel il a effectivement déposé sa demande ; qu'il y a lieu de saisir la CJUE d'une question préjudicielle quant à la transposition de la directive 2008/115/CE ; que cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il encourt des risques de mauvais traitement en cas de retour en Azerbaïdjan ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2013, présenté par le préfet du Calvados qui conclut au rejet de la requête en se référant aux moyens qu'il a développés en première instance ;

il fait valoir en outre :

- que son arrêté comporte les éléments de fait et de droit pertinents qui en constituent le fondement et qu'il est suffisamment motivé ;

- qu'il a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A... ;

- que son arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le droit à mener une vie privée et familiale ne garantit pas un droit au maintien sur le territoire et ne saurait avoir pour effet de régulariser la situation d'étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire ;

- que les dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux décisions portant obligation de quitter le territoire français régissent l'ensemble des règles relatives à l'édiction de ces décisions ; que ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifiées en vue de transposer en droit national les textes de l'Union Européenne sont compatibles avec ces textes ; qu'ainsi, les moyens tirés par le requérant de ce que son droit a être entendu avant que soit prise la décision l'obligeant à quitter le territoire aurait méconnu un principe général du droit de l'Union Européenne est inopérant ;

- que M. A... n'établit pas l'existence des menaces personnelles invoquées en cas de retour en Azerbaïdjan et qu'il n'assortit ses déclarations d'aucun commencement de preuve de nature à les corroborer ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 2 mai 2013 accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... et désignant Me Mary pour le représenter dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les observations de Me Mary, avocat de M. A... ;

1. Considérant que M. A..., de nationalité azerbaïdjanaise, relève appel du jugement du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2012 du préfet du Calvados refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté en tant qu'il porte refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados n'aurait pas procédé à un examen précis de la situation personnelle de M. A..., en particulier au regard de sa situation personnelle, de son insertion en France, de ses attaches familiales et des risques qu'il prétend encourir en cas de retour en Azerbaïdjan ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

5. Considérant que M. A... soutient qu'arrivé mineur en France il s'est bien inséré scolairement, ainsi qu'en atteste son parcours scolaire, qu'il doit passer son baccalauréat professionnel en juin 2014, que les menaces dont il est l'objet dans son pays d'origine ne lui permettront pas de terminer ses études et d'y mener une vie normale ; qu'il produit plusieurs attestations de ses professeurs, de ses maîtres de stage et de ses amis selon lesquelles ses qualités tant humaines que scolaires sont très appréciées ; que, toutefois, si ces éléments démontrent que le requérant est en bonne voie d'insertion sociale et professionnelle, ils ne suffisent pas à établir, compte tenu du caractère récent de son arrivée en France, le 13 juillet 2010, et de ses attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans, que le préfet, en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris ; qu'aucun élément probant versé au dossier par M. A... ne permet d'établir qu'il lui serait impossible de poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;

7. Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré ; que l'article R. 313-13 du même code prévoit également que : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; qu'il s'ensuit que l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour ne peut, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus, il ne peut légalement se maintenir sur le territoire français, qu'il doit en principe prendre l'initiative de quitter le territoire et qu'il est également susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il est ainsi mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, s'il l'estime utile, de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'il n'a pas, alors, à attendre que l'autorité administrative prenne l'initiative de l'informer expressément qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à une telle information préalable, le préfet, qui assortit son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, ne méconnaît pas, de ce seul fait, le droit de l'étranger d'être entendu préalablement à cette mesure, droit qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et qui a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union ; qu'en outre, et dans l'hypothèse où il aurait été porté atteinte dans une situation donnée au droit d'être entendu ainsi reconnu aux étrangers par le droit de l'Union, il appartient au juge national chargé de l'appréciation de la légalité de la décision affectée de ce vice, ainsi que la Cour de justice de 1'Union européenne l'a jugé dans l'arrêt n° C-383/13 du 10 septembre 2013, d'apprécier dans chaque cas d'espèce si cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;

8. Considérant que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé la délivrance d'un tel titre et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature a avoir une incidence sur le contenu de ces mesures ; qu'il n'invoque aucun autre élément de nature à établir que son droit tel qu'il est consacré par le droit de l'Union aurait été méconnu ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 19 juillet 2011 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 mai 2012, soutient qu'il encourt des risques en Azerbaïdjan ; que, toutefois, il ne fait état d'aucune précision quant aux menaces qui le viseraient personnellement permettant à la cour de se prononcer sur la réalité de ces risques ; que, par suite, le préfet du Calvados, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer aux fins de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'union européenne, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 avril 2014.

Le rapporteur,

F. LEMOINE Le président,

O. COIFFET

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01501
Date de la décision : 10/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-10;13nt01501 ?
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