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04/04/2014 | FRANCE | N°13NT02639

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 04 avril 2014, 13NT02639


Vu le recours, enregistré le 13 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur ELARBIELAFSAGNAssdemande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-9997 du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 25 août 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant le recours hiérarchique formé par M. C... B... contre la décision du 5 janvier 2011 du préfet de police rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de

ce dernier, et rejetant cette même demande ;

2°) de rejeter la demande p...

Vu le recours, enregistré le 13 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur ELARBIELAFSAGNAssdemande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-9997 du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 25 août 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant le recours hiérarchique formé par M. C... B... contre la décision du 5 janvier 2011 du préfet de police rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de ce dernier, et rejetant cette même demande ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs ;

- le postulant a méconnu les dispositions du c) du 4 de l'article 6 du code général des impôts, en persistant à faire des déclarations de revenus communes alors qu'il est établi qu'il avait abandonné le domicile conjugal, et a donc bien manqué à ses obligations fiscales ; l'intéressé n'a au surplus jamais contesté une précédente décision d'ajournement fondée sur d'autres manquements à ses obligations fiscales ;

- au cas où la cour regarderait le motif contesté comme n'étant pas de nature à fonder la décision entreprise, il conviendrait d'opérer une substitution de motifs et de considérer la décision litigieuse comme fondée sur le fait que l'intimé a déclaré auprès de l'administration fiscale un enfant mineur, au titre des années 2008 et 2009, alors que son épouse en faisait de même, sans jamais apporter d'éclaircissement sur ce point ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2014, présenté pour M. C... B..., demeurant..., par Me Sylla, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet du recours, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- c'est à juste titre que le tribunal a considéré qu'aucun reproche ne pouvait lui être fait quant à son comportement fiscal ; il n'a pas abandonné son épouse et ses enfants ; l'adresse mentionnée sur sa déclaration d'impôt correspond au lieu d'exercice de l'activité qu'il avait, avant d'avoir des problèmes de santé, et qu'il a conservée ; il demeure marié jusqu'à preuve du contraire ; l'initiative d'une déclaration fiscale séparée revient à son épouse et il ne peut être tenu responsable du comportement fiscal de celle-ci ; il n'a jamais omis de déclarer ses revenus et ne s'est soustrait au paiement d'aucun impôt ou taxe ;

- il s'interroge sur le fait que le ministre ait légalement pu rejeter sa demande sur un motif différent de celui sur lequel reposait la décision de rejet initiale ;

- il remplit les conditions fixées par l'article 21-23 du code civil ; il n'a commis aucune infraction pénale ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 24 janvier 2014 par lequel le ministre de l'intérieur conclut aux mêmes fins que son recours et soutient que M. B... est polygame de fait et que sa décision pourrait aussi par substitution de motifs être fondée sur ce dernier motif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2014 :

- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur interjette appel du jugement du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 25 août 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant le recours hiérarchique formé par M. C... B... contre la décision du 5 janvier 2011 du préfet de police rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de ce dernier, et rejetant cette même demande ;

Sur la légalité de la décision litigieuse :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du même code : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. B..., ressortissant sénégalais, le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur la circonstance que depuis l'ajournement de sa précédente demande, fondé sur son comportement au regard de ses obligations fiscales, le postulant continuait à se déclarer marié aux services fiscaux, alors que son épouse effectuait de son côté une déclaration séparée, et qu'ainsi le comportement fiscal de l'intéressé demeurait sujet à critique ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention "Monsieur ou Madame" (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts " ;

5. Considérant que M. B... fait valoir que n'étant pas divorcé de MmeD..., il pouvait légalement continuer à faire une déclaration commune auprès des services fiscaux ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d'une attestation de paiement établie par la caisse d'allocations familiales de Paris le 10 juillet 2009, produite en appel, que M. B... avait, au plus tard au cours de l'année 2009, formé un nouveau couple avec Mlle Sylla A... et qu'il ne vivait plus sous le même toit que son épouse ; que l'intéressé doit ainsi être regardé comme ayant abandonné le domicile conjugal au sens du c. du 4 de l'article 6 du code général des impôts précité ; que, dans un courrier du 27 mai 2011 adressé au service en charge de l'instruction de sa demande de réintégration, il confirmait lui-même être séparé de fait de MmeB... ; qu'il est en outre constant que l'intimé et son épouse disposaient de revenus distincts ; qu'en n'ayant pas informé l'administration fiscale de sa situation conjugale, M. B... n'a, en conséquence, pas rempli ses obligations déclaratives ; qu'il suit de là qu'en rejetant, pour le motif susmentionné, la demande de réintégration du postulant, le ministre, qui a fait usage de son large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la réintégration sollicitée, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Nantes a jugé que la décision litigieuse était entachée d'une telle erreur ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B... tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée " ; qu'en application de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que la décision du 25 août 2011, après avoir précisé qu'elle est prise en application des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, énonce que M. B... continue à se déclarer marié aux services fiscaux, alors que son épouse effectue de son côté une déclaration séparée, et qu'ainsi le comportement fiscal de l'intéressé demeure sujet à critique ; que par suite, cette décision qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

8. Considérant, en second lieu, que si M. B... soutient qu'il remplit la condition de recevabilité prévue par l'article 21-23 du code civil, le ministre ne s'est pas fondé sur la circonstance que cette condition ne serait pas remplie, mais sur les dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 25 août 2011 rejetant, sur recours hiérarchique, la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 11 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2014.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. SUDRON

Le président-rapporteur,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT026392

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N° 4

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02639
Date de la décision : 04/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain PEREZ
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : SYLLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-04;13nt02639 ?
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