La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2014 | FRANCE | N°12NT01852

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 mars 2014, 12NT01852


Vu la requête, enregistrée au greffe le 9 juillet 2012, présentée pour M. C... A..., domicilié..., par MeB... ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du payeur départemental du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts et sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, en réparation du préjudice causé par la liquidation judiciaire de l

a société qui l'employait ;

2°) de condamner le payeur départemental du C...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 9 juillet 2012, présentée pour M. C... A..., domicilié..., par MeB... ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du payeur départemental du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts et sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, en réparation du préjudice causé par la liquidation judiciaire de la société qui l'employait ;

2°) de condamner le payeur départemental du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros augmentée des intérêts à compter du 20 octobre 2010 et de la capitalisation des intérêts, sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter du 11 mai 2012 ;

3°) de mettre à la charge du payeur départemental du Calvados le versement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la solution retenue par le tribunal est fondée sur des allégations dont le bien-fondé n'est pas établi ;

- le SDIS du Calvados a émis les mandats de paiement relatifs à la facture du 1er juillet 2010 le 12 août 2010 seulement ; le payeur départemental a irrégulièrement décidé de ramener le montant du second mandat de 129 829,48 euros à 70 684,94 euros et d'en suspendre le paiement alors que la facture portait sur une somme indivisible et que la compensation n'était pas possible avant la déclaration des créances du SDIS du Calvados dans le cadre de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire de la société EDSP 14 et en l'absence de créances certaines ;

- si la somme de 421 819,54 euros pouvait être versée à la société Sogéfinerg, la somme de 129 829,48 euros devait être versée à la société EDSP 14 ;

- le non-paiement de cette somme est à l'origine de la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 et des autres sociétés du groupe " Défense et sécurité " et de ce fait, de son licenciement par la société DSH ;

- la redevance annuelle due par la société EDSP 14 au titre du bail emphytéotique conclu avec le SDIS du Calvados s'élevant à 33 941 euros, la somme de 129 829,48 euros ne devait pas être ramenée à 72 127,49 euros mais à 95 888,48 euros ; en n'informant pas le SDIS de cette erreur, le payeur départemental a commis une négligence ;

- l'ouverture de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire faisait obstacle à la compensation entre les sommes de 129 829,48 euros et de 33 941 euros ; en dépit de cette compensation, la créance de 33 941 euros a été ultérieurement déclarée ;

- le préjudice moral et matériel de M. A... résulte de la perte de son emploi de directeur des opérations de la société DSH à l'âge de 51 ans et de la situation de surendettement dans laquelle il s'est alors trouvé ;

- le payeur départemental n'a pas respecté la force obligatoire du contrat passé entre la société EDSP 14 et le SDIS du Calvados en méconnaissance de l'article 1134 du code civil ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2012, présenté pour le payeur départemental du Calvados, par MeE... ; le payeur départemental du Calvados demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le recours contentieux, qui n'a pas été précédé d'une réclamation, n'est pas recevable ;

- en application de l'article 5 du décret du 29 décembre 1962, le SDIS du Calvados était seul compétent, en sa qualité d'ordonnateur, pour émettre des titres de recettes et des mandats de dépenses ;

- il a payé le mandat d'un montant de 421 819,54 euros le 12 août 2010 et a tenu compte de l'annulation du mandat de 72 127,49 euros et de son remplacement le 18 août 2010 par un mandat de 70 684,94 euros ; la liquidation judiciaire de la société ayant été prononcée le 19 août 2010, ce dernier mandat ne pouvait pas être payé ;

- le requérant n'ayant pas été employé par la société EDSP 14 mais par la société DSH,

le lien de causalité entre les fautes invoquées et le préjudice subi n'est pas établi ;

- le lien de causalité entre le non-paiement de la somme de 129 829,48 euros et la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 n'est pas établi ;

- en l'absence de précisions relatives au licenciement et à ses conséquences, le préjudice invoqué n'est pas établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2013, présenté pour le service départemental d'incendie et de secours du Calvados (SDIS du Calvados), par Me Le Bouëdec ; le SDIS du Calvados demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 4 000 euros augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'existence d'un lien de causalité entre les fautes reprochées au payeur départemental et le préjudice invoqué n'est pas établie ; la liquidation de la société EDSP 14 trouve sa cause dans sa mauvaise gestion, ce qui constitue une cause exonératoire de responsabilité ;

- en l'absence de réclamation préalable, les conclusions à fin d'indemnisation ne sont pas recevables ;

- la facture a été payée par voie de délégation de créance à hauteur de 421 819,54 euros et ramenée pour le surplus de 129 829,48 euros à 70 684,94 euros afin que le paiement soit effectué au prorata du service fait ;

- ces modalités de paiement n'ont pas été décidées par le payeur départemental ;

- le comportement frauduleux de la société et l'importance de ses dettes à l'égard du délégant justifiaient le non-paiement du solde de la facture ;

- le service avait déclaré sa créance au passif de la société lorsqu'il a été procédé à la compensation de créances ; sa créance correspondant à la redevance due au titre du bail emphytéotique était alors certaine ;

- le requérant a repris son activité professionnelle ;

- il ne remplissait pas les conditions requises pour que son contrat de travail soit repris par le service sur le fondement de l'article L. 1224-3 du code du travail ;

- le préjudice invoqué n'est pas justifié dans son montant ;

Vu l'ordonnance du 10 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 3 février 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2014, présenté pour le SDIS du Calvados qui maintient ses conclusions en défense ;

il ajoute que :

- le requérant n'a pas la qualité de salarié de la société DSH ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Caen par un arrêt rendu le 13 septembre 2013 ;

- la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 ne trouve pas sa cause dans une faute commise par l'administration ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt rendu le 14 janvier 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2014 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de M. A... ;

- et les observations de Me Le Bouëdec, avocat du SDIS du Calvados ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 mars 2014, présentée pour M. A... ;

1. Considérant que le SDIS du Calvados a conclu le 26 avril 2006 avec la société EDSP 14 un contrat de délégation de service public et un bail emphytéotique ayant pour objet la construction, la gestion, l'entretien et l'exploitation d'une école de formation des sapeurs-pompiers ; que la société EDSP 14 a conclu avec la société ASPS (Agence européenne pour la sécurité civile et industrielle, la prévention et le secours d'urgence), devenue la société DSH (Défense sécurité holding) à la suite d'une opération de fusion-absorption, un contrat d'assistance technique, d'équipement, de fournitures, de prestations de service et de maintenance ayant pour finalité de lui fournir les moyens de remplir ses obligations de délégataire ; que les deux sociétés ayant été concomitamment placées en liquidation judiciaire les 18 et 19 août 2010, M. A..., employé par la société ASPS en qualité de directeur des opérations auprès du président, a été licencié à compter du 22 septembre 2010 ; qu'estimant que ce licenciement trouve sa cause dans le refus de l'administration de payer une facture d'un montant de 551 649,02 euros émise le 1er juillet 2010 par la société EDSP 14, lequel serait également à l'origine de la cessation d'activité des deux sociétés, il a saisi le tribunal administratif de Caen d'un recours tendant à la condamnation du payeur départemental du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros ; que par un jugement du 11 mai 2012 dont il relève appel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société EDSP 14 a adressé au SDIS

du Calvados le 1er juillet 2010 une facture d'un montant de 551 649,02 euros correspondant au montant de la redevance trimestrielle due en application de l'article 25-2 du contrat de délégation de service public ; que cette facture a été réglée à hauteur de 421 819,54 euros auprès de la société Sogéfinerg, crédit-bailleur de la société EDSP 14, sur le fondement d'une délégation de créance dont M. A... ne conteste pas la mise en oeuvre ; que la somme de 129 829,48 euros restant due a été ramenée à 72 127,49 euros puis à 70 684,94 euros par deux mandats du SDIS des 12 et 18 août 2010, ce dernier ayant décidé de limiter le paiement au montant des prestations déjà fournies en raison du risque d'inexécution des prestations futures que présentait la procédure de redressement et de liquidation judiciaire engagée ; que la somme de 70 684,94 euros n'a pas été mise en paiement en raison de la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 ayant pris effet le 19 août 2010 ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de ramener le montant de la créance du délégataire de 129 829,48 euros à 70 684,94 euros n'a pas été prise par le payeur départemental du Calvados mais par le président du conseil d'administration du SDIS de ce département ; que cette diminution ne trouvant pas sa cause dans la compensation de la créance à l'origine du litige avec une créance du SDIS de 33 941 euros correspondant à la redevance annuelle due par la société EDSP 14 en contrepartie du bail emphytéotique dont elle bénéficiait, contrairement à ce que mentionne de manière erronée un courrier du payeur départemental du 14 janvier 2011, M. A... ne se prévaut pas utilement, d'une part, de l'obligation du comptable public d'informer l'ordonnateur d'une erreur dans le calcul du montant résiduel de la créance et de l'impossibilité de procéder à une telle compensation du fait de l'ouverture d'une procédure de redressement et de liquidation judiciaire et, d'autre part, de la faute que le payeur départemental aurait commise en y procédant ;

4. Considérant que le mandat de payer la somme de 70 684,94 euros ayant été émis le 18 août 2010, le non paiement de cette somme avant la mise en liquidation judiciaire de la société le 19 août 2010 n'est pas fautif ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le payeur départemental du Calvados n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du payeur départemental du Calvados, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. A... sur le fondement de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement au payeur départemental du Calvados de la somme de 1 500 euros demandée sur le même fondement ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge le versement au SDIS du Calvados de la somme demandée sur ce même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au payeur départemental du Calvados la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du SDIS du Calvados tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'économie et des finances et au service départemental d'incendie et de secours du Calvados.

Copie en sera adressée, pour information, au payeur départemental du Calvados.

Délibéré après l'audience du 28 février 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. F..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERT Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 12NT01852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01852
Date de la décision : 21/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : VIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-03-21;12nt01852 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award