Vu I°) la requête, enregistrée le 19 février 2013 sous le n° 13NT00559, présentée pour la commune de Saumur, représentée par son maire, par MeA... ; la commune de Saumur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société Europe Service la somme de 42 344,95 euros TTC augmentée des intérêts contractuels au titre du solde du marché portant sur la fourniture d'une balayeuse aspiratrice ;
2°) de rejeter la demande de la société Europe Service ;
3°) de mettre à la charge de la société Europe Service la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la date de naissance du différend entre les parties, qui est celle de la décision de rejet du recours gracieux présenté par la société et non celle de la notification des pénalités de retard, est déterminée ; ce recours gracieux ayant été rejeté le 15 juillet 2008, le mémoire de réclamation du 3 février 2010 est tardif ;
- la société a eu connaissance de l'application des pénalités de retard le 19 juin 2008, date à laquelle elle les a contestées dans le cadre d'un recours gracieux ;
- le courrier du 19 juin 2008 par lequel la société ne conteste pas l'application des pénalités ne constitue pas un mémoire de réclamation au sens de l'article 34.1 du CCAG-Fournitures courantes et services ;
- le tribunal a excessivement réduit le montant des pénalités en les ramenant de 42 344,95 euros à 22 208,70 euros, soit 15% du prix du marché au lieu de 43%, le retard dans la fourniture de la prestation étant important et exclusivement imputable à son cocontractant ;
- il résulte de l'appel d'offre que le respect d'un délai de livraison de six mois constituait une condition de conformité de l'offre ; le délai de livraison a été augmenté de plus de trois mois ce qui représente plus de 50% du délai contractuellement prévu ;
- la réfaction à laquelle le tribunal a procédé est supérieure à celle habituellement pratiquée par la jurisprudence ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2013, présenté pour la société Europe Service, représentée par son président directeur général, par MeB... ; la société Europe Service demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a limité à 42 344,95 euros TTC la somme au versement de laquelle il a condamné la commune de Saumur et de porter au montant de 51 060 euros TTC, assorti des intérêts au taux contractuel à compter de la date de règlement du solde du marché augmentée de trente-cinq jours, la somme due au titre du solde du marché de fourniture d'une balayeuse aspiratrice ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saumur le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'état des pénalités n'étant pas daté et ne lui ayant pas été notifié, le délai de réclamation prévu par l'article 34.1 du CCAG-Fournitures courantes et services ne lui est pas opposable ; dans le cas contraire, son recours gracieux du 19 juin 2008 par lequel elle demande la suppression des pénalités constitue un mémoire de réclamation ;
- la commune ayant connaissance des délais de cession du marché, la réduction des pénalités pratiquée par le juge n'est pas excessive ; le délai d'exécution restant à courir était de six jours seulement lorsque l'avenant relatif à la cession du marché lui a été notifié ;
- le refus du matériel livré opposé par la commune le 16 novembre 2007 a été assorti de deux exigences non prévues par le marché ; un délai de mise en conformité de quinze jours lui a été imposé alors que le délai prévu par le marché est d'un mois ;
- les pénalités prévues par le CCAP sont quatre fois supérieures à celles prévues par le CCAG-Fournitures courantes et services ; en application d'un arrêté du 19 janvier 2009, le montant des pénalités doit être calculé par référence au montant hors taxe du marché ; les pénalités doivent ainsi être limitées à 13 493,65 euros ;
- l'application des pénalités contractuellement prévues fait bénéficier la commune d'un enrichissement sans cause ;
Vu le courrier du 15 octobre 2013, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant que l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2013, présenté pour la commune de Saumur, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
elle ajoute que :
- contrairement à ce que soutient la société, la solution retenue par le tribunal n'est pas fondée sur l'absence de notification des pénalités ;
- la société a reconnu ne pas l'avoir informée du fait que la cession du marché entraînerait un allongement du délai de livraison de quatre mois ;
- la cession d'un marché entraîne la reprise pure et simple par le cessionnaire des droits et obligations du précédent titulaire ;
- l'acceptation du matériel livré n'a pas été subordonnée à des conditions non prévues par le marché ;
- le délai de mise en conformité qu'elle a imparti à son cocontractant est sans incidence sur le bien-fondé des pénalités ;
- le montant des pénalités a été calculé sur la base du prix TTC, conformément au CCAG-Fournitures courantes et services en vigueur à la date de passation du marché ;
- compte tenu de l'importance attachée au délai de livraison, les pénalités contractuellement prévues ne sont pas excessives ;
- le retard de livraison, qui lui a imposé d'utiliser une balayeuse aspiratrice moins performante et devenue hors d'usage en décembre 2007, lui a causé un préjudice ;
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction immédiate prise le 13 décembre 2013 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu II°) la requête, enregistrée le 7 mai 2013 sous le n° 13NT01330, présentée pour la commune de Saumur, représentée par son maire, par MeA... ; la commune de Saumur demande à la cour :
1°) à titre principal, de surseoir à l'exécution du jugement du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société Europe Service la somme de 42 344,95 euros TTC augmentée des intérêts contractuels ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner la consignation de la somme due à la société Europe Service ;
3°) de mettre à la charge de la société Europe Service la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la société Europe Service ne présentant aucune garantie de paiement, l'exécution du jugement l'expose au risque de perte définitive d'une somme d'argent au sens de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ; ce risque comporte en outre des conséquences difficilement réparables au sens de l'article R. 811-17 du même code ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la date de naissance du différend entre les parties, qui est celle de la décision de rejet du recours gracieux présenté par la société et non celle de la notification des pénalités de retard, est déterminée ; ce recours gracieux ayant été rejeté le 15 juillet 2008, le mémoire de réclamation du 3 février 2010 est tardif ;
- la société a eu connaissance de l'application des pénalités de retard le 19 juin 2008, date à laquelle elle les a contestées dans le cadre d'un recours gracieux ;
- le courrier du 19 juin 2008 par lequel la société ne conteste pas l'application des pénalités ne constitue pas un mémoire de réclamation au sens de l'article 34.1 du CCAG-Fournitures courantes et services ;
- le tribunal a excessivement réduit le montant des pénalités en les ramenant de 64 553, 65 euros à 22 208,70 euros, soit 15% du prix du marché au lieu de 43%, le retard dans la fourniture de la prestation étant important et exclusivement imputable à son co-contractant ;
- il résulte de l'appel d'offre que le respect d'un délai de livraison de six mois constituait une condition de conformité de l'offre ; le délai de livraison a été augmenté de plus de trois mois ce qui représente plus de 50% du délai contractuellement prévu ;
- la réfaction à laquelle le tribunal a procédé est supérieure à celle habituellement pratiquée par la jurisprudence ;
Vu la mise en demeure adressée à la société Europe Service le 1er juillet 2013, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2013, présenté pour la société Europe Service, représentée par son président directeur général, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête ;
elle soutient que :
- sa situation financière et comptable, qui peut être connue par la consultation de l'internet, excluant tout risque d'insolvabilité et les moyens invoqués n'étant pas sérieux, les conditions du sursis à l'exécution de la condamnation de la commune ne sont pas remplies ;
Vu le courrier du 15 octobre 2013, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant que l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code ;
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction immédiate prise le 13 décembre 2013 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2014 :
- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
- les observations de Me Auriau, avocat de la commune de Saumur ;
1. Considérant que la commune de Saumur a conclu avec la société Schmidt un marché, notifié le 22 mars 2007, relatif à la fourniture d'une balayeuse aspiratrice, stipulant un délai de livraison de six mois ; que ce contrat a été cédé à la société Europe Service qui, après une première livraison le 30 octobre 2007 estimée non conforme par la commune, a fourni un matériel conforme aux stipulations contractuelles le 9 janvier 2008, soit avec un retard de cent neuf jours ayant donné lieu à l'application de pénalités d'un montant de 64 553, 65 euros ; que par un jugement du 20 décembre 2012, dont la commune de Saumur relève appel et demande qu'il soit sursis à son exécution, le tribunal administratif de Nantes a ramené à 22 208, 70 euros TTC le montant des pénalités et condamné en conséquence la ville de Saumur à verser à son cocontractant une somme de 42 344,95 euros en règlement du solde du marché ; que, par la voie de l'appel incident, la société Europe Service demande la réduction au montant de 13 493,65 euros des pénalités laissées à sa charge par le tribunal et que soit portée au montant de 51 060 euros TTC, assorti des intérêts au taux contractuel à compter de la date de règlement augmentée de trente-cinq jours, la somme due au titre du solde du marché ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du CCAG Fournitures courantes et services : " Différend avec la personne responsable du marché/ 34.1. Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. (...) " ; que, par un courrier du 19 juin 2008, la société Europe Service a demandé à être déchargée des pénalités de retard en se prévalant d'éléments à caractère exceptionnel indépendants de sa volonté, après avoir été informée au cours d'un entretien qui avait eu lieu la veille à la mairie de Saumur de la décision de son cocontractant de les appliquer ; que le courrier du 15 juillet 2008, reçu le 17 juillet suivant, par lequel le maire de la commune a refusé de faire droit à cette demande, en arguant des retards successifs imputables à l'entreprise et de la livraison d'un matériel non conforme, doit être regardé comme la date à laquelle le différend est né entre les parties ; que la notification de l'état des pénalités à la société, qui a eu lieu ultérieurement et ne correspond pas à une règle de procédure prévue par le CCAG Fournitures courantes et services, n'a pas constitué le point de départ du délai de trente jours prévu par les stipulations précitées et n'a pu avoir pour effet de faire courir un nouveau délai de réclamation ; que, dans ces conditions, le mémoire de réclamation présenté par la société Europe Service le 13 février 2010 était tardif ; que, dès lors, le recours contentieux formé par la société le 7 mai 2010 devant le tribunal administratif de Nantes n'était pas recevable ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la commune de Saumur est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société Europe Service la somme de 42 344,95 euros TTC, augmentée des intérêts contractuels, au titre du solde du marché, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de la société Europe Service tendant à ce que l'indemnité allouée par le tribunal administratif soit portée au montant de 51 060 euros ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution et de consignation :
4. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête présentée par la commune de Saumur dirigée contre le jugement du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Nantes ; que, par suite, les conclusions de la requête n° 13NT00901, tendant à titre principal à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement et, à titre subsidiaire, à la consignation de la somme en litige, sont devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saumur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société Europe Service sur le fondement de ces dispositions, dans le dossier n° 13NT00559 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Europe Service le versement à la commune de Saumur de la somme de 1 500 euros, sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Europe Service devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel incident devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 13NT01330.
Article 4 : La société Europe Service versera à la commune de Saumur la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'appel incident de la société Europe Service sont rejetés.
Article 6 : le présent jugement sera notifié à la commune de Saumur et à la société Europe Service.
Délibéré après l'audience du 14 février 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M.C..., faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2014.
Le rapporteur,
S. AUBERTLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°13NT00559, 13NT01330