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20/02/2014 | FRANCE | N°13NT02817

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 février 2014, 13NT02817


Vu, I, sous le n° 13NT02817, la requête, enregistrée le 3 octobre 2013, présentée par le préfet du Calvados ; le préfet du Calvados demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-995 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 6 mai 2013 portant à l'encontre de Mme B... refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de son pays de renvoi et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) de rejete

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Vu, I, sous le n° 13NT02817, la requête, enregistrée le 3 octobre 2013, présentée par le préfet du Calvados ; le préfet du Calvados demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 13-995 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 6 mai 2013 portant à l'encontre de Mme B... refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de son pays de renvoi et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par Mme B... ;

il soutient :

- que les premiers juges ont tenu compte des seuls passeports de Mme B... alors que ces documents avaient été obtenus frauduleusement sur la foi d'un document d'état civil dont l'authenticité était contestée ; qu'un échange de courriers entre la préfecture du Calvados et les services consulaires de l'ambassade de France à Yaoundé ainsi qu'une attestation du maire de Yaoundé confirment le caractère frauduleux de l'acte de naissance présenté par l'intéressée et par voie de conséquence de ces passeports ;

- que le tribunal administratif ne pouvait lui faire d'autre injonction que de réexaminer

la situation de l'intéressée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 22 novembre 2013 et 23 janvier 2014, présentés pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Launay, avocat au barreau de Caen, qui conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient :

- qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil, il existe une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; que le préfet doit renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

- que le préfet du Calvados n'établit pas l'avoir informée de l'engagement des vérifications en cours contrairement à ce que prévoit l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 ; que l'autorité administrative l'a ainsi privée du droit de soumettre ses actes au contrôle juridictionnel et d'une garantie prévue notamment par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'elle est bien intégrée à la société française ;

Vu, II, sous le n° 13NT02818, la requête, enregistrée le 3 octobre 2013, présentée par le préfet du Calvados ; le préfet du Calvados demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 13-995 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 6 mai 2013 portant à l'encontre de Mme B... refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de son pays de renvoi, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

il reprend les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance n° 13NT02817 visée ci-dessus et soutient, en outre que l'urgence de la situation justifie que soit prononcé le sursis à l'exécution du jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2013, présenté pour Mme A... B...par Me Launay, avocat au barreau de Caen, qui conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle reprend les mêmes moyens que dans l'instance précitée et soutient en outre :

- que la requête du préfet est irrecevable car, contrairement à ce que prévoit le 1° de

l'article R. 811-17 du code de justice administrative, elle ne comporte pas la copie de la requête au fond n°13NT02817 ;

- que cette requête est également irrecevable parce qu'elle ne précise pas le dispositif juridique sur lequel elle est fondée ainsi que le prévoit l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- que le moyen invoqué par le préfet n'est pas sérieux ;

- qu'il n'est pas davantage établi que la délivrance d'un titre de séjour constituerait une conséquence difficilement réparable de l'exécution du jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2013, présenté par le préfet du Calvados, qui produit une copie de sa requête au fond enregistrée sous le n° 13NT02817 ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2014, présenté pour MmeB..., qui maintient ses précédentes écritures ;

elle soutient en outre qu'elle est bien intégrée à la société française ;

Vu les décisions du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 25 novembre 2013 admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de ces deux instances et désignant Me Launay pour la représenter ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une requête enregistrée sous le n° 13NT02817, le préfet du Calvados relève appel du jugement du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 6 mai 2013 portant à l'encontre de Mme B... refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ; que, par une seconde requête enregistrée sous le n° 13NT02818, le préfet du Calvados demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du même jugement ; que ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 13NT02817 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

3. Considérant que, pour contester le jugement attaqué, le préfet du Calvados produit, pour la première fois en appel, un échange de courriel entre ses services et ceux du consulat de France à Yaoundé aux termes duquel l'acte de naissance présenté par Mme B... à l'appui de sa demande de régularisation du 25 juin 2010 est un " faux " ; qu'en annexe de ce document est joint une copie de l'acte de naissance litigieux revêtu de la mention " acte de naissance non authentique souche collée au registre ", d'un cachet et de la signature du maire de Yaoundé ; que l'acte de décès de la mère de Mme B... produit en première instance par celle-ci puis par le préfet après vérification de son authenticité indique une date de naissance de la mère de MmeB... différente de celle mentionnée sur l'acte de naissance qu'elle a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour ; que les pièces ainsi produites par le préfet présentent un caractère suffisamment précis sur la nature des opérations de vérification effectuées par le consulat auprès des autorités camerounaises ; qu'elles permettent à elles seules d'établir que les documents d'identité joints à sa demande de titre de séjour par Mme B..., et notamment ses deux passeports camerounais, ont été établis sur la base de justificatifs irréguliers ou falsifiés ; que par suite, le préfet du Calvados doit être regardé comme apportant la preuve de l'absence d'authenticité des documents ainsi produits ; que c'est dès lors à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté était entaché d'une erreur d'appréciation en l'absence d'une telle preuve ;

4. Considérant que, compte tenu de l'absence d'authenticité des documents d'identité de Mme B...telle qu'établie au point 3, et en l'absence par voie de conséquence d'éléments certains tant en ce qui concerne sa date de naissance et sa situation personnelle et familiale que ses attaches familiales, le préfet ne peut être regardé comme ayant, en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont également fondés sur ce second motif pour annuler l'arrêté contesté ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Caen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées ;

6. Considérant que l'arrêté contesté porte la signature de M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture du Calvados, qui avait reçu à cette fin délégation par un arrêté du préfet du Calvados en date du 27 août 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;

7. Considérant que l'arrêté contesté comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que par suite, il est suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle et familiale de MmeB... ;

8. Considérant qu'au regard des éléments mentionnés au point 3 c'est à juste titre que le préfet du Calvados a estimé que le justificatif produit par Mme B...présentait toutes les caractéristiques d'un faux et n'était pas un acte d'état civil faisant foi au sens de l'article 47 du code civil ; qu'il a ainsi pu régulièrement l'écarter sans avoir à saisir préalablement l'autorité étrangère compétente en application de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 modifiée ; que, pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'autorité administrative l'aurait ainsi privée du droit de soumettre ses actes au contrôle juridictionnel et d'une garantie prévue notamment par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet du Calvados était en droit de solliciter à l'appui de sa demande de titre de séjour tout justificatif de nature à établir son état civil ainsi que tout document justifiant qu'elle est entrée régulièrement en France ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions des articles R. 313-1, L. 211-1, L. 311-7 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ; que si Mme B... invoque le bénéfice de ces dispositions, il est constant que sa demande de titre de séjour n'était présentée sur aucun fondement explicite du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet, estimant compte tenu des éléments fournis que cette demande était présentée au titre du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'était pas tenu de l'examiner sur un autre fondement ; qu'en outre les éléments du dossier ne permettaient pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, d'attester que MmeB... entrait effectivement dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-15 précité ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 6 mai 2013 pris à l'encontre de Mme B... et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de l'intéressée, et lui a enjoint de délivrer à cette dernière une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur la requête n° 13NT02818 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par Mme B... ;

12. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, présentées par le préfet du Calvados dans sa requête enregistrée sous le n° 13NT02818, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°13-995 du tribunal administratif de Caen en date du 17 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 13NT02818 du préfet du Calvados.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....

Une copie sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 février 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 13NT02817...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02817
Date de la décision : 20/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY ; SELARL CHRISTOPHE LAUNAY ; SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-20;13nt02817 ?
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