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14/02/2014 | FRANCE | N°13NT01848

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 février 2014, 13NT01848


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2013, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me Silvestre, avocat au barreau d'Orléans ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 11-2356, 11-7396 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de prononcer sa na

turalisation dans le délai d'un mois à compter de la notification l'arrêt à inter...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2013, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me Silvestre, avocat au barreau d'Orléans ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 11-2356, 11-7396 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de prononcer sa naturalisation dans le délai d'un mois à compter de la notification l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement de lui enjoindre dans le même délai et sous la même astreinte de réexaminer sa demande de naturalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ainsi qu'une somme de 35 euros au titre du remboursement de la contribution à l'aide juridique ;

elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen invoqué dans son mémoire du 15 mars 2013, tiré de ce qu'elle percevait des ressources issues d'une activité professionnelle exercée en France ;

- les revenus perçus par son époux pour son activité d'avocat auprès de la Cour pénale

internationale à la Haye, laquelle n'est rattachée à aucun pays, ne peuvent être regardés comme d'origine étrangère ; son mari est d'ailleurs considéré par l'administration fiscale comme résident français ;

- elle-même disposait depuis mars 2011 de ressources d'origine française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- si le premier motif de sa décision est entaché d'erreur matérielle, il est en revanche incontestable que les revenus de la requérante sont d'origine étrangère dès lors que son mari était inscrit au barreau de Bruxelles et exerçait à la date de la décision contestée son activité d'avocat devant la Cour pénale internationale à la Haye ;

- en outre Mme C..., entrée en France en 2001, a été bénéficiaire du revenu minimum d'insertion jusqu'en 2009 et n'a perçu que 1717 euros de mars à juin 2011 dans le cadre d'un contrat de travail dont il n'est pas établi qu'il était pérenne ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2014, présenté pour Mme C... qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens qu'elle développe ;

elle ajoute que son couple a perçu des revenus d'un montant de 37 243 euros en 2009 et 77 383 euros en 2010 ; que l'ensemble de ses attaches familiales sont en France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2014, produite par le ministre de l'intérieur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C... interjette appel du jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 juin 2011 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant, apprécié au regard du caractère suffisant et durable des ressources lui permettant de demeurer en France ;

3. Considérant que pour rejeter par la décision litigieuse la demande de naturalisation présentée par Mme C..., ressortissante de la République démocratique du Congo, le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur la circonstance que son époux M. B... avait été l'auteur d'une fausse déclaration auprès de la caisse d'allocations familiales de Touraine lui ayant permis de percevoir indûment le revenu minimum d'insertion et sur ce que ses ressources provenaient de l'étranger où son époux, qui la prend en charge, exerce son activité ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été inscrit en 2007 sur la liste de conseils de la Cour pénale internationale et a été désigné par cette Cour pour assurer la défense de victimes dans deux dossiers ; qu'il a perçu à ce titre, pour ses périodes travaillées de février, avril et décembre 2008, des sommes dont le paiement a été autorisé par le greffe de la Cour pénale internationale, respectivement les 15 décembre 2008, 18 décembre 2008 et 27 mai 2009, mais dont le règlement n'est intervenu qu'en 2009 ; que l'époux de la requérante n'a donc perçu en 2008 aucun revenu provenant de son activité auprès de la Cour pénale internationale ; que, dans ces conditions, le ministre a fondé sa décision de rejet sur un fait matériellement inexact ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce seul motif ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de faire oeuvre d'administrateur en adressant au ministre chargé des naturalisations l'injonction d'accorder la nationalité française à un postulant ; que, par suite, les conclusions à cet effet ne sont pas recevables ; que, toutefois, le motif d'annulation retenu ci-dessus implique nécessairement que l'administration procède à un nouvel examen de la demande de naturalisation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les dépens :

7. Considérant, qu'en vertu du second alinéa de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens sont mis à la charge de la partie perdante, sous réserve de circonstances particulières justifiant qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ; que l'Etat étant la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu, en l'absence de circonstances particulières, que soit mise à sa charge la contribution pour l'aide juridique acquittée par Mme C... au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de L'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 avril 2013 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 15 juin 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de la demande de naturalisation de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique acquittée par l'appelante.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 février 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOIS Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01848
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : SCP SOREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-14;13nt01848 ?
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