Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant à..., par Me Aibar, avocat au barreau de Nantes ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1211409 en date du 27 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 26 octobre 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Aibar, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
il soutient que :
- en ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa demande d'asile n'était pas frauduleuse ;
- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- l'administration ne l'a pas invité à présenter ses observations et il n'a pu, ainsi, être entendu ;
- la décision a été prise en application d'une décision de refus de séjour illégale ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2013, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- en ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la demande d'asile était frauduleuse compte tenu de la mutilation des empreintes digitales ;
- la situation personnelle du requérant a bien été examinée ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en application d'une décision de refus de séjour légale ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : elle ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 18 avril 2013 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Aibar pour la représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 le rapport de M. Giraud, premier conseiller ;
1. Considérant que M. A..., ressortissant libyen, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 26 octobre 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte l'énoncé de l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle fait notamment état des conditions d'entrée en France de l'intéressé, de la circonstance que le relevé de ses empreintes digitales s'est révélé inexploitable en raison du mauvais état de ses doigts, de la décision de refus d'admission provisoire au séjour prise à son encontre, de la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ainsi que de sa situation personnelle et familiale en se référant aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations des conventions internationales applicables ; qu'il ressort ainsi de la lecture même de la décision attaquée que le préfet a bien procédé à l'examen de la situation personnelle du requérant avant de décider de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que sa demande d'asile reposait sur une fraude délibérée au sens des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la décision de refus de titre de séjour attaquée n'a pas été prise sur le fondement de ces dispositions ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
5. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien en France, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement, d'autant que, selon l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger auquel est refusé la délivrance d'un titre de séjour est, en principe, tenu de quitter le territoire national ; qu'à cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France, et donc à faire obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français ; qu'il doit produire, à l'appui de sa demande, tous éléments susceptibles de venir à son soutien ; qu'il lui est également possible, lors du dépôt de cette demande, lequel doit, en principe, faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent de préfecture chargé d'enregistrer sa demande, voire de s'informer des conséquences d'un éventuel refus opposé à sa demande ; qu'enfin, il lui est loisible, tant que sa demande est en cours d 'instruction, de faire valoir des observations écrites complémentaires, au besoin en faisant état de nouveaux éléments, ou de solliciter, auprès de l'autorité préfectorale, un entretien afin d'apporter oralement les précisions et compléments qu'il juge utiles ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'ait pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement, et de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, alors que l'intéressé, qui ne pouvait pas l'ignorer, n'a pas été privé de la possibilité de s'informer plus avant à ce sujet auprès des services préfectoraux ni de présenter utilement ses observations écrites ou orales sur ce point au cours de la procédure administrative à l'issue de laquelle a été prise la décision d'éloignement, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
6. Considérant que M. A... fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et mis en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision ainsi que sur ses modalités d'exécution, avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède qu'aucune obligation d'information ne pesait sur le préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait sollicité un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la décision ni qu'il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
9. Considérant que M. A... soutient qu'en raison du contexte généralisé de violence en Libye et de la situation préoccupante des droits de l'homme dans ce pays, il risque d'y être arrêté arbitrairement et torturé ; qu'il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir le caractère réel et personnel des craintes alléguées, ni que toute personne qui se rendrait en Libye serait exposée à un risque de traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 septembre 2012 ; qu'il n'est pas fondé, dans ces conditions, à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Considérant que le présent jugement, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susvisées aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2014.
Le rapporteur,
T. GIRAUD Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT009582