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13/02/2014 | FRANCE | N°12NT00232

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 février 2014, 12NT00232


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2012, présentée pour la SAS RAPA, dont le siège est situé 28 rue des Livrandières à Dreux (28100), par Me Delpeyroux, avocat au barreau de Paris ; la SAS RAPA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100780 en date du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2005 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;
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- la France a fait une inexacte application de la décision d...

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2012, présentée pour la SAS RAPA, dont le siège est situé 28 rue des Livrandières à Dreux (28100), par Me Delpeyroux, avocat au barreau de Paris ; la SAS RAPA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100780 en date du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2005 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

la SAS RAPA soutient que :

- la France a fait une inexacte application de la décision de la Commission Européenne du 16 décembre 2003 en abrogeant totalement l'ancien article 44 septies, alors que cette abrogation aurait dû être limitée aux cas où les sociétés ne pouvaient bénéficier du régime des aides applicables aux PME ; en créant pour les aides à finalité régionale une condition d'agrément dont la mise en oeuvre était impossible pour la société Rapa, le nouveau texte a posé des conditions qui ne figuraient pas dans les exigences de la Commission européenne ;

- l'article 41 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 porte atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime dès lors que ces dispositions remettent en cause avec effet rétroactif, s'appliquant à compter du 16 décembre 2003, un dispositif dont la société a respecté les conditions initiales ;

- la loi de finances rectificative en question n'a fait l'objet d'une application par la documentation publiée au BOI n° 4 H1-05 que le 1er avril 2005, à une date où la déclaration de

résultats de l'exercice clos au 31 janvier 2005 avait été déposée ;

- la société était en droit de bénéficier de l'exonération applicable aux PME, dont elle remplissait les conditions ; l'administration aurait dû l'avertir de ce qu'elle devait solliciter un agrément pour bénéficier du dispositif prévu par le nouveau texte de l'article 44 septies, les contribuables n'étant pas tenus de prendre connaissance au jour le jour de la publication des instructions administratives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

le ministre soutient que :

- l'article 41 de la loi de finances rectificative pour 2004 n'a pas purement et simplement abrogé l'article 44 septies dans sa rédaction antérieure ; le nouveau texte n'a pas posé des conditions qui ne figuraient pas dans les exigences de la Commission européenne ;

- la demande d'agrément prévue par le texte du nouvel article 41 avait pour but de permettre à l'administration de s'assurer que les entreprises demandant le bénéfice du plafonnement majoré de l'exonération d'IS répondaient à la définition des PME au sens de la réglementation communautaire ainsi que de déterminer ce plafond ; l'administration a publié dès le 4 mars 2004 (BOI 4 H-2-04) une instruction informant les contribuables de l'arrêt de l'application des dispositions condamnées par la Commission européenne ; l'instruction administrative n° 60 du 1er avril 2005, publiée avant le dépôt de sa déclaration d'IS par la SAS RAPA, avait simplement rappelé l'obligation d'agrément ;

- l'application de la décision de la Commission aux exercices clos à compter du 16 décembre 2003 ne comporte aucune effet rétroactif et s'impose à l'administration ;

- l'instruction relative à l'application des nouvelles dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts a été publiée avant le dépôt de la déclaration de résultats de la société requérante, intervenu le 3 mai 2005 ;

- l'administration n'a pas méconnu le principe de confiance légitime, s'étant tenue à l'application de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 ; au regard de la notion de sécurité juridique telle que précisée par la décision CE 24 mars 2006 n° 288460 KPMG, les nouvelles dispositions de l'article 44 septies ne constituent pas une législation nouvelle mais résultent d'une décision de la Commission européenne ayant déclaré illégal le dispositif jusqu'alors appliqué ; les dispositions critiquées n'ont nullement pour but de régir une situation contractuelle ;

- la société ne démontre pas qu'elle aurait rempli les conditions pour bénéficier de l'agrément prévu au II de l'article 44 septiès du code général des impôts ;

Vu, enregistré le 11 mars 2013, le mémoire en réplique présenté pour la SAS RAPA, qui persiste dans ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;

la société demande en outre que la cour sursoie à statuer dans l'attente de la question

préjudicielle posée par elle à la CJUE s'agissant de la validité de la décision 2004/343/CE du 16 décembre 2003 de la Commission ;

Vu, enregistré le 25 mars 2013, le mémoire présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui persiste dans ses conclusions à fins de rejet par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis ;

Vu le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004, et notamment son article 41 ;

Vu la décision n° C (2003) 4636 du 16 décembre 2003 de la Commission européenne concernant le régime d'aide mis à exécution par la France concernant la reprise d'entreprises en difficulté ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience du 23 janvier 2014 :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS RAPA a été constituée le 29 janvier 2003 pour reprendre à compter du 1er février suivant l'activité de la SA Rapa, qui faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ; que la SAS RAPA a exonéré le bénéfice fiscal de son exercice clos le 31 janvier 2004 en se plaçant sous le régime de l'article 44 septies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ; que la société a également exonéré, dans les mêmes conditions, le bénéfice de l'exercice clos le 31 janvier 2005 ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2004 au 31 janvier 2008, l'administration a remis en cause cette dernière exonération au motif que la requérante avait épuisé l'avantage fiscal lié au régime de l'article 44 septies du code général des impôts, tel qu'il résultait des modifications que lui avaient apporté les dispositions de l'article 41 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, applicables aux exercices clos à compter du 16 décembre 2003 ; que la SAS RAPA fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été de ce fait assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2005 ;

2. Considérant que par une décision du 16 décembre 2003 la Commission européenne a estimé que le dispositif d'exonération d'impôt alors accordé aux entreprises reprenant les activités d'entreprises en difficulté, codifié à l'article 44 septies du code général des impôts, constituait une aide d'Etat incompatible avec les règles du marché commun, illégalement mise à exécution faute d'avoir été préalablement notifiée à la Commission européenne, et a ordonné en conséquence sa suppression, sous réserve des aides d'un montant inférieur au seuil fixé par le règlement CE n° 69/2001 et des aides compatibles au titre des régimes applicables aux aides à finalité régionale et aux aides en faveur des petites et moyennes entreprises ; que pour tenir compte de cette décision de la Commission le législateur a, par l'article 41 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 portant loi de finances rectificative pour 2004, modifié l'article 44 septies du code général des impôts afin de rendre compatible avec le droit communautaire le régime français d'exonération d'impôt sur les sociétés applicable à la reprise d'entreprises en difficulté ;

3. Considérant, en premier lieu, que la société requérante n'avait aucun droit au maintien de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 septies dans leur rédaction en vigueur antérieurement à la loi susmentionnée du 30 décembre 2004 dès lors que le législateur était libre de le modifier dans le respect du droit communautaire ; que par suite est sans incidence l'argumentation de la SAS RAPA selon laquelle les modifications apportées par le législateur aux dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts auraient excédé ce qu'impliquait le strict respect de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 ; qu'au surplus la condition d'exonération, tenant à l'obtention d'un agrément préalable, prévue par les nouvelles dispositions, était nécessaire au contrôle par l'administration des conditions d'éligibilité au dispositif d'exonération en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, et répondait ainsi aux prescriptions de l'article 9 du règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 relatif aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises ; que cette condition d'agrément préalable était par suite indissociable des conditions garantissant la compatibilité du nouveau régime d'aide avec le droit communautaire ;

4. Considérant en deuxième lieu, que la SAS RAPA soutient que le législateur aurait méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique en donnant un caractère rétroactif aux modifications apportées à l'article 44 septies du code général des impôts, dès lors qu'il résulte du II de l'article 41 de la loi n° 2004-1485 que les nouvelles dispositions s'appliquent aux exercices clos à compter du 16 décembre 2003 ;

5. Considérant, d'une part, que le principe de confiance légitime ne trouve à s'appliquer qu'aux situations régies par le droit communautaire, alors que le régime d'aide à la reprise des entreprises en difficulté figurant à l'article 44 septiès du code général des impôts résulte de dispositions de droit interne ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de ce principe doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, d'autre part, que la décision n° 2004/343/CE du 16 décembre 2003 de la Commission européenne était directement applicable dans l'ordre juridique interne, et imposait en tout état de cause à l'administration, en vertu des articles 10 et 249 du traité instituant la Communauté européenne et aussi longtemps que la juridiction communautaire n'avait pas constaté son invalidité, de ne pas appliquer les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 41 de la loi de finances rectificative pour 2004 ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait, en faisant application de la nouvelle rédaction de l'article 44 septies à l'exercice clos le 31 janvier 2005, méconnu le principe de sécurité juridique ;

7. Considérant, en troisième lieu, que dès lors que la société requérante ne justifie pas avoir obtenu l'agrément exigible en application des dispositions du III de l'article 44 septies du code général des impôts dans leur rédaction applicable à la date de clôture de l'exercice en litige, elle ne peut utilement soutenir, sans d'ailleurs en justifier, qu'elle aurait rempli les conditions de fond prévues par les mêmes dispositions relativement à l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue en faveur des petites et moyennes entreprises ;

8. Considérant, enfin, que la SAS RAPA n'est pas fondée, en invoquant une instruction publiée au B.O.I 4 H-1-05 du 1er avril 2005, à se prévaloir du retard avec lequel l'administration aurait commenté le nouveau dispositif, dès lors que le rehaussement litigieux a été motivé sur le seul fondement des dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par arrêt de ce jour sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la question préjudicielle de la validité de la décision susmentionnée de la Commission du 16 décembre 2003, que la SAS RAPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS RAPA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS RAPA et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2014.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00232

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00232
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-13;12nt00232 ?
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