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06/02/2014 | FRANCE | N°12NT02321

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 février 2014, 12NT02321


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2012, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Athon-Perez, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-02597 en date du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2011 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Rennes prononçant à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de ses fonctions de médecin résident pour une durée de deux ans ;

2°) d'annuler la déc

ision contestée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitai...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2012, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Athon-Perez, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-02597 en date du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2011 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Rennes prononçant à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de ses fonctions de médecin résident pour une durée de deux ans ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision contestée du 13 mai 2011 est insuffisamment motivée ;

- le centre hospitalier universitaire de Rennes a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision de sanction ; les faits reprochés ne sont pas fondés ; elle n'a pas commis de faute mais a, au contraire, fait preuve de professionnalisme ; la mesure de contrôle renforcé par des médecins séniors prise à son égard était disproportionnée, et n'était appuyée sur aucun élément concret ; elle ne peut ainsi servir de fondement à la sanction prise à son égard ; les dysfonctionnements invoqués par le centre hospitalier ont pour origine une désorganisation du service d'accueil des urgences et ne lui sont pas imputables ; ses pratiques professionnelles ne pouvaient causer de dysfonctionnements puisqu'elle était encadrée par des médecins séniors ;

- la sanction est manifestement disproportionnée ; la décision contestée du 13 mai 2011 est, en effet, fondée sur des témoignages de praticiens contractuels qui avaient un lien hiérarchique avec le médecin responsable ; ces témoignages, qui ont été rédigés sur les incitations de ce médecin et sont dépourvus d'objectivité, ne peuvent pas dès lors être retenus ; les faits reprochés ne sont pas clairement établis et il n'est pas davantage démontré que de tels faits auraient causé des dysfonctionnements dans le service ou nuit à la qualité des soins et à la sécurité des patients comme l'indique à tort la décision contestée ;

- la sanction méconnaît l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en ce qu'elle est fondée sur ses relations antérieures avec le centre hospitalier et l'action contentieuse qu'elle avait engagée, d'ailleurs avec succès, contre le refus de valider son stage de résidente en 2004-2005 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 23 décembre 2013, présenté pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- sa demande de réinscription à l'université de Rennes pour valider sa formation médicale à l'issue de la période d'exclusion a en effet été refusée en application des dispositions de l'article 57 du décret n° 2004-67 du 16 janvier 2004 qui prévoient que l'inscription au résidanat ne pouvait avoir lieu que jusqu'au terme de l'année universitaire 2011-2012 ; dès lors, la sanction prise, qui équivaut à une exclusion définitive des fonctions de résidente, est disproportionnée ; elle est sanctionnée deux fois pour des faits identiques ;

Vu le mémoire en défense et le mémoire complémentaire, enregistrés le 26 décembre 2013, présentés pour le centre hospitalier universitaire de Rennes, représenté par son directeur en exercice, par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- la décision contestée du 13 mai 2011 est suffisamment motivée ;

- les faits reprochés, constitués de fautes professionnelles graves et de difficultés relationnelles sérieuses avec l'équipe médicale, sont établis ; les témoignages produits son recevables ; les fautes commises justifient une sanction disciplinaire ;

- la sanction prononcée, qui n'est pas la plus sévère sur l'échelle des sanctions prévues, est justifiée ;

- la décision en litige est fondée sur des faits objectifs et ne constitue pas une mesure de rétorsion à l'égard de la requérante ;

- Mme B... n'est pas recevable à contester la légalité de la décision du 23 mars 2013 du doyen de la faculté de médecine de Rennes refusant son inscription en qualité de résidente, en application des dispositions de l'article 57 du décret n° 2004-67 du 16 janvier 2004 ; il s'agit d'une décision distincte du présent litige, émanant d'une autorité administrative distincte ;

- le refus d'inscription qui lui a été opposé ne constitue pas une sanction ; la requérante n'a donc pas été sanctionnée deux fois pour les mêmes faits ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations de fonctionnaires ;

Vu le décret n° 88-321 du 7 avril 1988 fixant l'organisation du troisième cycle d'études médicales ;

Vu le décret n° 2004-67 du 16 janvier 2004 relatif à l'organisation du troisième cycle des études médicales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Athon-Perez, avocat de Mme B... ;

- et les observations de Me A..., substituant Me Coudray, avocat du centre hospitalier universitaire de Rennes ;

1. Considérant que Mme B... a soutenu sa thèse de doctorat en médecine en 1998 et, après une interruption d'exercice de plusieurs années, et afin de valider sa formation de médecine générale, a effectué son dernier stage d'internat au centre hospitalier de Saint-Malo à compter du 2 novembre 2010 jusqu'au 1er mai 2011, en qualité de médecin résident ; qu'elle relève appel du jugement du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2011 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Rennes, établissement auprès duquel elle était rattachée administrativement, prononçant à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans ;

Sur la légalité de la décision :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision du 13 mai 2011 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Rennes comporte l'énoncé précis des éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 6153-29 du code de santé publique : " Sans préjudice des peines que les juridictions universitaires pourraient infliger à l'intéressé par application des dispositions du décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur, les sanctions disciplinaires applicables à un interne pour les fautes commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses activités au titre des stages pratiques sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion de fonctions pour une durée qui ne peut dépasser cinq ans. " et qu'aux termes de l'article R.6153-40 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles R.6153-29 à R.6153-39, le responsable de l'organisme ou établissement dans lequel l'interne exerce ses fonctions peut suspendre l'activité de celui-ci lorsqu'elle est de nature à compromettre le bon fonctionnement du service ; (...) " ;

4. Considérant que Mme B..., affectée à compter du 2 novembre 2010, au service d'accueil des urgences du centre hospitalier de Saint-Malo pour y effectuer son dernier stage d'internat en qualité de résident a fait l'objet, par une décision du 18 janvier 2011 d'une mesure de suspension de fonctions dans l'intérêt du service à partir du 20 janvier puis, par la décision contestée du 13 mai 2011 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Rennes, de la sanction disciplinaire de suspension de fonctions de deux ans pour une attitude fautive durant ses fonctions et des difficultés comportementales ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du chef du service des urgences et des témoignages circonstanciés, précis et concordants de médecins du service, dont rien ne permet d'établir qu'ils auraient été rédigés par complaisance, que Mme B... a, d'une part, le 3 novembre 2010, quitté son service sans transmettre à son responsable ou un autre membre du personnel soignant les informations nécessaires relatives au suivi des patients et qu'une infirmière a retrouvé l'un des patients en état de choc septique, qui aurait pu être fatal ; que Mme B..., qui, au stade de son cursus de formation, ne pouvait ignorer son obligation de transmission orale des informations de suivi des patients, alors même qu'existe un suivi informatique des données, a ainsi commis une faute grave qui a mis en danger la sécurité des patients ; que la mesure prise par le chef du service des urgences de l'établissement à la suite de cette faute, après en avoir informé l'intéressée lors d'un entretien, de placer Mme B... sous le contrôle renforcé de médecins séniors, destinée à assurer la sécurité des patients, était ainsi justifiée, contrairement à ce que soutient la requérante ; qu'il ressort, d'autre part, également des pièces du dossier et des témoignages précités que Mme B... tardait à aviser le médecin superviseur de la situation des patients, refusait les conseils techniques qui lui étaient donnés ainsi que toute remise en cause de ses pratiques malgré des lacunes professionnelles relevées par les médecins du service ; qu'enfin, elle présentait des difficultés relationnelles récurrentes avec le personnel soignant du service, notamment en présence de patients ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prononcée sur le fondement de faits matériellement inexacts ;

5. Considérant que les faits ci-dessus rappelés reprochés à Mme B... constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'eu égard à la gravité de ces faits, de nature à mettre en jeu de la sécurité des patients et à troubler le bon fonctionnement du service d'accueil des urgences, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Rennes n'a pas, en l'espèce, pris une mesure disproportionnée en prononçant la sanction de l'exclusion temporaire de fonction de deux ans de l'intéressée ; qu'à cet égard, la circonstance qu'à l'issue de la période d'exclusion, Mme B... s'est vu opposer un refus à sa demande de réinscription pour valider sa formation médicale par l'université de Rennes en application des dispositions de l'article 57 du décret du 16 janvier 2004, alors en vigueur qui prévoyaient que l'inscription au résidanat ne pouvait avoir lieu que jusqu'au terme de l'année universitaire 2011-2012, ne constitue pas une nouvelle sanction ni ne révèle de caractère disproportionné de la décision du 13 mai 2011 prise à son encontre qui ne saurait être regardée comme une exclusion définitive de fonctions ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : "La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. / (...) Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération: (...) 2o Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes"; que si Mme B... soutient que la sanction contestée est fondée sur l'exercice d'un recours juridictionnel qu'elle a introduit contre le centre hospitalier de Saint-Malo et qui a conduit à l'annulation pour vice de forme par le tribunal administratif de Rennes de la décision de refus de validation du précédent stage d'internat, effectué du 2 novembre 2004 au 1er mai 2005, elle ne l'établit pas ; que, par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe de non-discrimination tel qu'énoncé par les dispositions précitées, ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant enfin, que si Mme B... a également entendu, pour les mêmes motifs, soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, un tel moyen n'est pas fondé ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Rennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée au même titre par le centre hospitalier universitaire de Rennes ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Rennes tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au centre hospitalier universitaire de Rennes.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHT

Le président,

O. COIFFET

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02321
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-06;12nt02321 ?
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