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30/01/2014 | FRANCE | N°13NT00471

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 30 janvier 2014, 13NT00471


Vu la requête, enregistrée le 12 février 2013, pour la SARL Sbart dont le siège social est 11-13 place des Lices à Rennes (35000) par Me Collet, avocat au barreau de Rennes ; la société Sbart demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101325 du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la 9ème section d'Ille-et-Vilaine a déclaré M. A... B...inapte à son poste de cuisinier ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°)

de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application ...

Vu la requête, enregistrée le 12 février 2013, pour la SARL Sbart dont le siège social est 11-13 place des Lices à Rennes (35000) par Me Collet, avocat au barreau de Rennes ; la société Sbart demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101325 du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la 9ème section d'Ille-et-Vilaine a déclaré M. A... B...inapte à son poste de cuisinier ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'avis a été émis par le médecin du travail au vu d'une procédure irrégulière en l'absence d'une étude de poste et d'une étude des conditions de travail ;

- l'inspecteur du travail a entaché son appréciation d'une erreur manifeste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; il conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- les exigences de l'article R. 4624-31 du code du travail ont été respectées par le médecin du travail ;

- en tout état de cause, le moyen est inopérant dès lors que la décision de l'inspecteur du travail s'est substituée à cet avis ;

- il n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2013, présenté pour M. A... B... par Me Laurent, avocat au barreau de Rennes ; il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Sbart le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis émis par le médecin du travail est inopérant dès lors que la décision contestée s'y est substituée ;

- il a été satisfait aux exigences de l'article R. 4624-31 du code du travail ;

- en tout état de cause, une telle irrégularité n'a pas privé l'intéressé d'une garantie et n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision contestée ;

- l'inspecteur du travail n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Chénedé, avocat substituant Me Collet, avocat représentant la Sarl Sbart ;

1. Considérant que M. B..., qui occupait un emploi de cuisinier au sein du restaurant "Le Lounge" à Rennes exploité par la société Sbart, a été victime, le 9 juillet 2009, d'un accident du travail ; qu'à la suite des deux examens de reprise de travail des 27 avril et 20 mai 2010, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude à son poste de travail en le déclarant apte à tout poste dans l'entreprise ne comportant pas de manutention ni de station assise ou debout prolongée ; que la société Sbart a formé, par courrier du 10 décembre 2010, devant l'inspection du travail le recours prévu au troisième alinéa de l'article L. 4621-1 du code du travail ; que saisi pour avis, le médecin inspecteur régional du travail a, après avoir pris connaissance du dossier médical de l'intéressé ainsi que de l'étude de poste effectuée par le médecin du travail et procédé à un examen clinique de l'intéressé, estimé, le 17 janvier 2011, que M. B... était inapte, compte tenu de son état de santé, à occuper un poste de cuisinier dans son entreprise ; que le 7 février 2011, l'inspecteur du travail de la 9ème section d'Ille-et-Vilaine a décidé, après enquête contradictoire, que M. A... B...était " inapte à son poste de cuisinier en raison des contraintes notamment physiques générées par les tâches caractéristiques du poste de cuisinier dans cette entreprise et des capacités médicales du salarié " ; que la Sarl Sbart relève appel du jugement du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-8 du code du travail : "Lorsque, à l'issue des périodes de suspension définies à l'article L. 1226-7, le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Les conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise" ; qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du même code : "Lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : "Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail" ; qu'aux termes de l'article R. 4624-21 du code du travail : "Le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail : (...) 3° Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 4624-22 : "L'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours" ; qu'aux termes de l'article R. 4624-23 : "En vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible, un examen médical de préreprise préalable à la reprise du travail peut être sollicité à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, préalablement à la reprise du travail. L'avis du médecin du travail est sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité professionnelle" ; qu'aux termes enfin de l'article R. 4624-31 du même code : "Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires" ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et que son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis ; que dans la mesure où la décision de l'inspecteur du travail a pour effet de se substituer à l'avis émis par le médecin du travail, la circonstance que l'avis du médecin du travail en date du 20 mai 2010 aurait été irrégulièrement émis au motif qu'il ne se serait pas livré à un étude du poste et des conditions de travail de M. B... au sein du restaurant où il occupait un emploi de cuisinier demeure, en toute hypothèse, sans incidence sur la légalité de la décision contestée de l'inspecteur du travail ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des documents médicaux produits que depuis le mois de juillet 2009, M. B... souffrait d'une pathologie dorso-lombaire contre-indiquant le port de charges lourdes ainsi que les stations debout ou assise trop prolongées ; que si à l'occasion d'un contrôle effectué, le 26 février 2010, dans les locaux de la boucherie du centre commercial du Landrel, 16 boulevard Léon Grimaud à Rennes, des inspecteurs de l'URSSAF d'Ille-et-Vilaine ont constaté la présence dans le laboratoire de cette boucherie de M. B..., qui a tenté de s'enfuir à la vue de ces agents, revêtu d'un tablier de boucher et si celui-ci a reconnu au cours de son audition, par un officier de police judiciaire, le 16 juin 2010, qu'il passait régulièrement dans cette boucherie, 1 ou 2 heures, 3 fois par semaine, et donnait un "coup de main" pour la préparation des plats et la prise des commandes, ces éléments ne permettent néanmoins pas de connaître précisément la nature des tâches ainsi effectuées par M. B... au sein de cet établissement exploité par une société dont il était le co-gérant et notamment selon quelle régularité et dans quelles conditions il effectuait celles-ci ; que, ce faisant, l'inspecteur du travail, qui a pris sa décision au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur régional du travail, n'a pas, s'agissant de l'inaptitude de M. B... à occuper son emploi de cuisinier, commis d'erreur d'appréciation ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Sbart n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la Sarl Sbart demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement de la somme que M. B... demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl Sbart est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Sbart, à M. A... B... et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00471
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle normal.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Motifs autres que la faute ou la situation économique - Inaptitude - maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : COLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-30;13nt00471 ?
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