Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Greffard-Poisson, avocat au barreau d'Orléans ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 12-935 du 29 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2011 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour en France pendant une durée d'un an et fixant son pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Greffard-Poisson de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
il soutient :
- que l'arrêté contesté, qui ne vise que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile, est insuffisamment motivé ;
- que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; que le préfet s'est contenté d'invoquer le fait qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 28 février 2011 et qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France pendant une durée de 9 mois à compter du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; qu'il n'est fait référence ni au critère concernant la menace à l'ordre public, ni à celui relatif à la durée de son séjour en France ;
- que l'arrêté contesté ne prononce aucun refus explicite de titre de séjour ;
- que cet arrêté porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a rejoint son père qui vit en France depuis 35 ans ; que s'il possède des attaches familiales dans son pays d'origine, il n'entend pas faire sa vie aux côtés de sa mère ou de ses frères et soeurs ; que durant son séjour en France il a travaillé et pu subvenir à ses besoins ainsi qu'en attestent ses avis d'imposition ; que la circonstance qu'il est célibataire et sans enfant ne suffit pas à établir qu'il ne disposerait pas d'une vie privée en France ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2013, présenté pour le préfet du Loiret, par Me Denizot, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient :
- que la circonstance que l'arrêté contesté ne vise pas le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne suffit pas à le faire regarder comme insuffisamment motivé dans la mesure où M. A... a pu se rapporter à la lecture de l'article L. 511-1 et n'a été privé d'aucune garantie procédurale ;
- que l'arrêté contesté, qui précise que l'intéressé ne peut prétendre au bénéfice d'un titre de séjour, s'est ainsi prononcé sur sa demande de titre de séjour ;
- que M. A..., qui est entré irrégulièrement en France, s'est maintenu illégalement sur le territoire français ; qu'il ne démontre pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine ; que la présence en France de l'intéressé, qui a été condamné par un jugement du 27 mars 2006 du tribunal de grande instance de Meaux à une peine délictuelle d'interdiction du territoire français pour une durée de trois années, n'est pas exempte de menace à l'ordre public ; que l'intéressé a fait usage de faux documents pour séjourner en France ; que M. A..., qui a conservé des attaches en Mauritanie, conserve de sérieuses chances d'intégration dans ce pays ;
- que compte tenu du non respect des précédentes interdictions de séjourner en France la décision interdisant à M. A... de revenir en France pendant une durée d'un an était parfaitement fondée ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2013, présenté pour M. A..., qui conclut aux
mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que l'arrêté contesté n'est pas motivé par une atteinte à l'ordre public ; que la condamnation dont il a fait l'objet est uniquement liée à sa situation administrative ; que, par sa circulaire du 28 novembre 2012, le ministre de l'intérieur invite les préfets à régulariser les étrangers sans papiers travaillant de manière illégale ;
Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 20 novembre 2012 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Greffard-Poisson pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;
1. Considérant que M. A..., ressortissant mauritanien, fait appel du jugement du 29 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2011 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour en France pendant une durée d'un an et fixant son pays de destination ;
Sur les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (...) " ;
3. Considérant que si la décision par laquelle le préfet du Loiret a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans indiquer le fondement précis sur lequel le préfet a entendu prendre sa décision, le rappel détaillé des faits qu'elle comporte permet toutefois de déterminer le fondement légal retenu par le préfet, qui, en indiquant expressément que M. A... ne remplissait pas les conditions prévues pour prétendre à la délivrance de ce titre de séjour dès lors que sa mère et ses frères et soeurs résidaient toujours dans son pays d'origine, ne peut qu'être regardé comme ayant par son arrêté refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé ; que, par suite, pour regrettables que soient leurs imprécisions rédactionnelles, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prononcées à son encontre ne seraient pas suffisamment motivées ou dépourvues de fondement légal ;
4. Considérant que si le requérant soutient qu'il a rejoint son père qui vit en France depuis 35 ans, il ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et certains de ses frères et soeurs ; que, par ailleurs, l'intéressé qui est célibataire et sans charge de famille ne justifie pas de relations affectives ou amicales en France ; que s'il précise qu'il a toujours travaillé durant son séjour en France, qu'il a pu subvenir à ses besoins et produit dans le dernier état de ses écritures des contrats de travail et bulletins de salaires datant au demeurant de l'année 2013, il est constant qu'il a communiqué à plusieurs reprises de fausses indications sur son identité afin d'obtenir un travail ; que, dans ces conditions, et en dépit de la circonstance que l'intéressé a déclaré ses revenus en France depuis plusieurs années, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui, en tout état de cause, n'a pas de caractère réglementaire et est de surcroît postérieure à l'arrêté contesté ;
Sur la décision portant interdiction de retour en France pendant une durée d'un an :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "(...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...)" ;
6. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ;
7. Considérant que, pour faire interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an le préfet du Loiret s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 28 février 2011 et qu'il s'était maintenu irrégulièrement en France pendant une durée de 9 mois à compter du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; que s'il a fait mention par ailleurs de la durée de la présence sur le territoire de l'intéressé, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, et de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Meaux le 27 mars 2006 à une interdiction de territoire français pour une durée de trois ans pour communication de renseignements inexacts sur son identité, il n'a en revanche fait aucune référence à la menace que pouvait représenter la présence de M. A... pour l'ordre public ; qu'il a ainsi insuffisamment motivé la décision d'interdiction de retour prise à l'encontre de l'intéressé, qui ne peut, par suite, qu'être annulée ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Considérant que le présent arrêt, qui annule la seule décision d'interdiction de retour sur le territoire français de M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution en matière de délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 12-935 du 29 mai 2012 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2011 du préfet du Loiret lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, ensemble cette décision, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2014, où siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
O. COIFFET
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT03264