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20/12/2013 | FRANCE | N°11NT02386

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 décembre 2013, 11NT02386


Vu la requête, enregistrée le 18 août 2011, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Leboucher, avocat au barreau de Saint-Malo ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo à lui verser la somme totale de 185 975 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie

de Saint-Malo à lui verser l'équivalent du montant de sa rémunération en...

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2011, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Leboucher, avocat au barreau de Saint-Malo ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo à lui verser la somme totale de 185 975 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo à lui verser l'équivalent du montant de sa rémunération entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration ainsi qu'une indemnité d'un montant total de 185 975 euros et de lui enjoindre de le réintégrer dans ses fonctions ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- en l'absence de fonctions impliquant la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, un litige opposant le chef d'exploitation du service aéroportuaire, placé sous l'autorité d'un directeur et ne disposant d'aucun pouvoir disciplinaire, à son employeur relève de la compétence du juge judiciaire ; après son licenciement, son poste a été attribué à une société de droit privé gérant les aéroports de Rennes et de Dinard ;

- du fait de la nullité de la mesure de licenciement, la demande de réintégration présentée en cours d'instance et rejetée par une décision du 28 août 2009 est recevable ; le recours contentieux a été précédé d'une réclamation présentée le 27 mars 2008 ; la décision attaquée n'est pas un courrier du 20 février 2008 mais la mesure de licenciement prise le 12 mars 2008, la mention dans la requête d'une date différente constituant une simple erreur matérielle ;

- compte tenu de sa qualité de représentant du personnel au comité d'hygiène et de sécurité, son licenciement ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, en application des articles L. 236-11 et L.236-2 du code du travail ;

- les faits caractérisant, selon son employeur, une insuffisance professionnelle sont formulés en termes généraux et ne sont pas établis ; il a donné satisfaction durant son stage probatoire, a fait l'objet d'appréciations favorables et a conduit avec succès l'expansion de l'aéroport de Dinard ; le licenciement sanctionne son refus d'une subdélégation de pouvoirs non assortie de moyens suffisants pour mener à bien la mission ainsi confiée et l'intérêt qu'il a porté aux relations contractuelles entre l'aéroport et la société Ryanair dont le caractère déséquilibré a été mis en exergue par la chambre régionale des comptes et le conseil régional de Bretagne ;

- en sa qualité de salarié protégé, il a droit au versement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue, sur la base de 3 435,30 euros par mois, entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration ;

- il est fondé à demander la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la mesure de licenciement ainsi que la somme de 85 975 euros en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance de la protection attachée à sa qualité de représentant du personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée à la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo le 19 octobre 2011, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2011, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo, par Me Treguier, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de la requête et demande que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- M. A... qui avait en charge la gestion du personnel de l'aéroport, l'organisation, le contrôle et la participation aux tâches d'accueil, de réservation, de facturation, de billetterie, la gestion générale de l'aéroport et son suivi budgétaire et financier ainsi que la supervision de la sûreté et de la sécurité incendie, exerçait ainsi des fonctions impliquant sa participation aux activités de service public administratif exercées par l'aéroport ; il a également exercé des fonctions de direction ;

- la demande d'annulation de la décision de licenciement est tardive ;

- le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène et de sécurité, qui ne relève ni de l'article 33 bis du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ni de l'ancien article L. 236-11 du code du travail, ne bénéficie pas d'une protection particulière ;

- la décision de licenciement est fondée sur des motifs suffisamment précis ;

- les faits reprochés au requérant justifient une mesure de licenciement à laquelle la commission paritaire a d'ailleurs émis un avis favorable ;

- le requérant a laissé s'écouler un délai de quatorze mois avant d'indiquer à sa hiérarchie la raison de son refus de signer une subdélégation de responsabilité en matière d'hygiène et de sécurité que les autres responsables ont signée et qui était nécessaire à l'exercice de ses fonctions de chef d'exploitation de l'aéroport ;

- les courriers du requérant et les comptes rendus d'entretien établissent l'existence de relations difficiles avec sa hiérarchie ;

- contrairement à ce qu'il soutient, il a été informé du cadre contractuel des relations de l'aéroport avec la société Ryanair ;

- la demande tendant à l'annulation de la mesure de licenciement est tardive et la chambre de commerce et d'industrie n'exploite plus l'aéroport ce qui fait obstacle à la réintégration de M. A... dans ses fonctions ;

- le requérant ne justifie pas d'un préjudice dont le montant représente près de cinq ans de traitement ; il n'apporte aucun élément relatif à l'évolution de sa situation professionnelle après son licenciement ; en l'absence de service fait, le versement d'une indemnité correspondant à sa rémunération n'est pas dû ; la somme demandée à ce titre est supérieure à la rémunération dont il bénéficiait ; le licenciement a donné lieu au versement de la somme totale de 28 778,04 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2013, présenté pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et porte à la somme de 252 587,57 euros augmentée des intérêts capitalisés le montant de l'indemnité demandée ;

il ajoute que :

- s'agissant de la sécurité incendie des aéronefs et de la sûreté, sa seule mission était l'élaboration de l'emploi du temps des agents affectés à ces fonctions ;

- n'ayant pas la qualité d'agent public, il ne relève pas du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie mais du code du travail et de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959 ;

- le licenciement constitue en réalité une sanction relevant en tant que telle de l'article 19 de la convention nationale ;

- quel que soit le droit applicable, le licenciement devait être préalablement autorisé par l'inspecteur du travail et ne pouvait pas être prononcé pour insuffisance professionnelle dès lors qu'il sanctionne un comportement fautif ; il constitue une sanction déguisée ; il a ainsi été privé des garanties prévues par les articles 36 et 37 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- le préjudice financier subi entre la date d'effet du licenciement et le 14 mai 2013

s'élève, en tenant compte du revenu de remplacement perçu, à 127 587,57 euros ; les troubles dans les conditions d'existence subis et le préjudice moral résultant des conséquences du licenciement peuvent être évalués à 125 000 euros ;

Vu l'ordonnance du 13 juin 2013 fixant la clôture de l'instruction au 15 juillet 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2013, présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo, qui maintient ses conclusions en défense ;

elle ajoute que :

- les dispositions du code du travail ne sont pas applicables aux agents publics, lesquels relèvent du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- la rémunération servant de base à l'évaluation du préjudice financier est surévaluée ; le requérant ne justifie pas de la recherche active d'un emploi et ne peut imputer l'évolution de sa situation familiale à son licenciement ; l'atteinte à l'honneur et à la réputation invoquée n'est pas démontrée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de Me Bonnat, avocat de M. A... ;

- et les observations de Me Foucault, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo ;

1. Considérant que M. A..., employé par la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo en qualité de chef d'exploitation de l'aéroport de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo du 1er août 2000 au 18 mai 2008, date à laquelle a pris effet la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle prise à son encontre le 12 mars 2008, relève appel du jugement du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo à lui verser une indemnité d'un montant total de 185 975 euros en réparation du préjudice causé par cette décision, et d'autre part, à sa réintégration dans ses fonctions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, bien que les chambres de commerce et d'industrie soient des

établissements publics à caractère administratif, il appartient aux tribunaux judiciaires de se prononcer sur les litiges individuels concernant les agents lorsque ceux-ci sont affectés dans les services présentant un caractère industriel et commercial, à moins qu'ils n'exercent les fonctions de directeur ou de chef de la comptabilité ayant la qualité de comptable public ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A... a été recruté en qualité de chef de service pour assurer, sous l'autorité du directeur des services concédés de la chambre de commerce et d'industrie, l'exploitation de la plateforme aéroportuaire et la gestion de l'aéroport de Dinard-Pleurtuit-Saint-Malo ; que, dans le cadre de ces fonctions, son activité était consacrée à la gestion des agents commerciaux, des agents de piste, des agents polyvalents et du service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs (SSLIA), aux relations avec les usagers, les compagnies aériennes et les fournisseurs, au traitement des dysfonctionnements et des réclamations se rapportant à l'activité de son service, au suivi des commandes et des livraisons et, de manière plus générale, au suivi de la gestion matérielle des installations aéroportuaires ; qu'il ressort de l'organigramme de la chambre de commerce et d'industrie qu'un autre chef de service, situé au même niveau de responsabilité que lui, supervisait l'activité et les agents du service de sûreté aéroportuaire ; que, dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme ayant été chargé de la direction de l'ensemble des services de l'aéroport ou comme ayant, en raison du rattachement à son service de l'équipe en charge du sauvetage et de la lutte contre l'incendie des aéronefs ou de sa qualité, alléguée en défense, d'interlocuteur de la direction générale de l'aviation civile, participé à des missions de service public administratif ; qu'il suit de là que le litige né de son licenciement ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont retenu leur compétence pour statuer sur la demande de M. A... et que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 juin 2011 doit être, pour ce motif, annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes, à fin de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo de la somme qu'elle demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo le versement de la somme que le requérant demande sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 juin 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Malo.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2013 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2013.

Le rapporteur,

S. AUBERTLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT02386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02386
Date de la décision : 20/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LEBOUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-12-20;11nt02386 ?
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