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15/11/2013 | FRANCE | N°13NT01342

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 novembre 2013, 13NT01342


Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant au..., par Me Airault-Vaquez, avocat au barreau des Hauts de Seine ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105487 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande d'acquisition de la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une

somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin...

Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant au..., par Me Airault-Vaquez, avocat au barreau des Hauts de Seine ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105487 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande d'acquisition de la nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la résidence de son enfant au Maroc ; elle justifie de cette présence au Maroc par des circonstances particulières et temporaires qui ne pouvaient lui être opposées ; la présence en France de ses deux autres enfants démontre qu'elle a en France sa résidence ;

- la décision de rejet est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la pérennité de sa situation professionnelle ; elle subvient aux besoins de ses enfants en France depuis dix ans ; le préfet n'avait pas opposé cette condition à la requérante ; la précarité des revenus professionnels ne peut conduire qu'à une mesure d'ajournement ; elle est assistante maternelle depuis le 20 août 2012 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- dans le cadre de l'examen d'une demande de naturalisation, il peut prendre en compte les circonstances qui ont été examinées pour apprécier la recevabilité de la demande ; l'enfant qui résidait au Maroc est entré en France postérieurement à la date de la décision en litige ; la requérante n'a pas établi avoir effectué des démarches en vue du regroupement familial avant cette décision ; elle n'apporte pas la preuve que la présence au Maroc d'un de ses enfants était liée à des circonstances particulières et temporaires ; le premier motif de la décision en litige n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- la circonstance que le préfet n'a pas opposé l'absence de ressources stables et pérennes est sans incidence sur la légalité de la décision ministérielle, qui s'y substitue ; à la date de la décision en litige, son insertion professionnelle était en cours et ses ressources étaient insuffisantes ; le deuxième motif de la décision n'est donc entachée ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 28 mai 2013, admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B..., de nationalité marocaine, interjette appel du jugement du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande d'acquisition de la nationalité française ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte toutes les circonstances de l'affaire, y compris de celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande ainsi que son degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par Mme B..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de la résidence à l'étranger de son enfant mineur C...et, d'autre part, de la précarité de sa situation professionnelle qui ne lui permet pas de subvenir durablement à ses besoins ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; que, si la condition énoncée par ce texte n'est pas remplie, il appartient au ministre de refuser la naturalisation, la demande étant alors déclarée irrecevable ; que, lorsqu'elle est remplie, le ministre n'est cependant pas tenu d'accueillir cette demande ; qu'il est alors en droit, dans son appréciation de l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française, de tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire, y compris celles qui ont été examinées pour apprécier la recevabilité de la demande ; qu'il en va ainsi notamment de la circonstance que certains membres de la famille du postulant résident à l'étranger ; qu'en l'espèce et sans pour autant déclarer irrecevable la demande de Mme B... au motif qu'elle n'aurait pas eu sa résidence en France, le ministre l'a rejetée notamment au motif qu'un de ses enfants mineurs résidait au Maroc à la date de la décision contestée ; que, ce faisant, il n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en outre, la décision du 11 avril 2011 ne déclarant pas la demande irrecevable en application de l'article 21-16 du code civil, la requérante ne peut utilement soutenir qu'en dépit de cette circonstance au demeurant non contestée, elle doit être regardée comme ayant fixé de manière stable en France le centre de ses intérêts ;

5. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, qu'il est constant qu'à la date de la décision en litige l'enfant de Mme B..., né le 25 janvier 2002, résidait au Maroc ; qu'elle était titulaire de la garde exclusive de cet enfant à la suite du désistement de son père le 12 août 2005 ; qu'alors même que sa demande de regroupement familial a été rejetée le 30 mars 2007, elle ne justifiait pas avoir entamé d'autres démarches en vue du regroupement, avant la date de la décision en litige, ou de l'existence de circonstances particulières et temporaires expliquant la présence de son fils au Maroc jusqu'au 28 janvier 2013 ; que l'arrivée de son fils en France étant postérieure à la date de la décision contestée à laquelle s'apprécie sa légalité, et alors même que ses autres enfants et sa mère résident en France, cette seule circonstance ne suffit pas, à elle seule, à établir le caractère erroné du motif opposé ; que, d'autre part, alors même que Mme B... était employée, à la même date, en qualité d'aide à domicile, il ressort des pièces du dossier que les revenus de son activité étaient faibles et ne lui permettaient pas à eux seuls de subvenir durablement à ses besoins, en dépit de la participation du père à l'éducation et à l'entretien de son enfant ; que, dans ces conditions, en dépit de la circonstance que, postérieurement à la décision, elle a obtenu un agrément en tant qu'assistante maternelle, en retenant ces deux motifs pour rejeter la demande de naturalisation de Mme B..., le ministre n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, par ailleurs, que la décision de rejet du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, prise en vertu des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, s'est substituée à la décision initiale d'irrecevabilité opposée par le préfet de police de Paris ; qu'il suit de là que la circonstance que le préfet n'a pas opposé, au regard des dispositions de l'article 21-16 du code civil, l'absence d'autonomie matérielle et d'insertion professionnelle de Mme B... est sans incidence sur la légalité de la décision ministérielle du 11 avril 2011 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT01342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01342
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité. Acquisition de la nationalité. Naturalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : AIRAULT VAQUEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;13nt01342 ?
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