Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour M. A... C... élisant domicile..., par Me Gomot-Pinard, avocat au barreau de Châteauroux ; M. C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102195 du 15 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 avril 2011 par laquelle le préfet du Loiret lui a refusé l'admission au séjour provisoire au titre de l'asile et a décidé sa remise aux autorités belges pour le traitement de sa demande d'asile ;
2°) d'annuler cette décision ;
il soutient que :
- si le préfet s'est fondé sur l'examen de ses empreintes digitales, lesquelles seraient identiques à celles enregistrées par les autorités belges le 20 septembre 2010, sous le numéro BE 1 870102062450, pour décider de la compétence de l'Etat belge sur sa demande d'asile et le renvoi dans ce pays, cette seule circonstance ne constitue, tout au plus, qu'un indice d'une entrée illégale sur le territoire et non une preuve ;
- le préfet du Loiret a méconnu le droit souverain de l'Etat français de lui accorder l'asile, en méconnaissance de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me Denizot, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
le préfet fait valoir que :
- au regard des dispositions de l'article 13 du règlement CE n° 343/2003 et de celles de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un Etat, lorsqu'il est saisi en second d'une demande d'asile, est tenu de déterminer celui des Etats membres qui est responsable de la demande d'asile et c'est à bon droit qu'il a considéré qu'il y avait lieu de réadmettre l'intéressé en Belgique au regard de la comparaison du relevé d'empreintes qui laisse apparaître que M. C... avait introduit une première demande d'asile dans ce pays le 20 septembre 2010 ;
- le séjour de l'intéressé en Belgique est suffisamment établi, notamment au vu de la réponse des autorités belges et alors que celui-ci a reconnu y avoir résidé pendant 5 mois ;
- en l'absence de circonstances particulières et d'éléments indiquant que le requérant ne pourrait être accueilli dans des conditions décentes en Belgique, il n'a pas méconnu les pouvoirs issus du règlement précité ni ceux de la Constitution lui permettant d'établir la responsabilité de la France dans l'examen d'une demande d'asile chaque fois qu'il l'estime nécessaire ;
Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 23 octobre 2012, admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Gomot-Pinard pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Dublin du 15 juin 1990 publiée par le décret du 30 septembre 1997 ;
Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
Vu le règlement CE n° 343/2003 du Conseil européen du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ensemble le règlement CE n° 1560/2003 de la Commission européenne du 2 septembre 2003 pris pour son application ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;
1. Considérant que M. C..., ressortissant arménien, relève appel du jugement du 15 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Loiret du 22 avril 2011 lui refusant l'admission au séjour provisoire au titre de l'asile et a décidé sa remise aux autorités belges pour le traitement de sa demande d'asile ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement du Conseil du 18 février 2003 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux (...). La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même règlement : " 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre. 2. Une demande d'asile est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur d'asile (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu de l'article 10 de ce règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 18, paragraphe 3, notamment des données visées au chapitre III du règlement (CE) n° 2725/2000 ", lequel institue le système Eurodac de comparaison des empreintes digitales, " que le demandeur d'asile a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande d'asile. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. 2. Lorsqu'un État membre ne peut, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 18, paragraphe 3, que le demandeur d'asile qui est entré irrégulièrement sur les territoires des Etats membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un Etat membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant l'introduction de sa demande, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande d'asile. / Si le demandeur d'asile a séjourné dans plusieurs Etats membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'Etat membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'Etat membre auprès duquel est formulée une demande d'asile engage le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande dès l'introduction de celle-ci, notamment en recherchant, par la comparaison des empreintes digitales du demandeur à laquelle il est procédé par le système Eurodac, si l'intéressé a déjà présenté une demande d'asile dans un autre Etat ou, d'une manière générale, a déjà franchi la frontière d'un Etat membre en provenance d'un pays tiers ; qu'il ressort des pièces du dossier que la comparaison des relevés décadactylaires des empreintes de l'intéressé avec le fichier européen Eurodac a révélé que ses empreintes avaient antérieurement été relevées le 20 septembre 2010 par les autorités belges ; qu'il s'ensuit que M. C... ne saurait opposer à la décision de réadmission en cause la seule affirmation selon laquelle il n'aurait fait l'objet en Belgique que d'un relevé d'empreintes insuffisamment probant pour établir son entrée irrégulière en territoire belge ; qu'au surplus, il a déclaré dans un courrier adressé le 31 mai 2011 au préfet de l'Indre avoir résidé cinq mois dans ce dernier pays et a indiqué dans le formulaire de demande d'asile, déposé le 17 mars 2011 auprès des services du préfet du Loiret, avoir séjourné en Belgique du 10 avril 2010 au 28 février 2011 ; qu'il est constant que, par courrier du 21 mars de la même année, les autorités belges ont accepté sa prise en charge et se sont, par conséquent, reconnues responsables de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit, que le préfet du Loiret, par la décision contestée, a refusé son admission au séjour et prononcé sa remise à l'Etat belge ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement du Conseil du 18 février 2003 susvisé : " (...) 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l'État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'État membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ; (...) " ;
5. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, si ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 susvisé ; que, conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement et à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités françaises ont la faculté d'examiner une demande d'asile, même si cet examen relève normalement de la compétence d'un autre Etat ; qu'il appartient, en particulier, à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette faculté, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés ;
6. Considérant que le seul courrier précité du 31 mai 2011, au demeurant postérieur à la décision contestée, par lequel le requérant et sa compagne allèguent avoir rencontré des conditions d'existence précaires au quotidien lors de leur séjour en Belgique et n'avoir pu accéder à un avocat, n'est pas de nature à renverser la présomption de respect, par ce pays, des droits fondamentaux garantis aux demandeurs d'asile et aux réfugiés par les règles et principes de droit international et interne ; que, dès lors, le préfet du Loiret pouvait, sans méconnaître les dispositions sus-analysées décider de la remise de l'intéressé aux autorités belges ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du préfet du Loiret et de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme qu'il demande sur le fondement des dispositions précitées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La république mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT001429 2
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