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15/11/2013 | FRANCE | N°12NT01421

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 novembre 2013, 12NT01421


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour M. et Mme A..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; M et Mme A... demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 11-67 du 3 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Sideville (Manche) à leur verser la somme de 1 674 euros en réparation du préjudice résultant de la délivrance le 23 octobre 2006 d'une autorisation de lotir illégale en tant qu'elle portait sur les lots nos 15, 16 et 17 et a rejeté le surplus des conclusions de leur requête ;

2°) de condamner la commune de Sideville à leur verser la somme totale de 90...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour M. et Mme A..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; M et Mme A... demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 11-67 du 3 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Sideville (Manche) à leur verser la somme de 1 674 euros en réparation du préjudice résultant de la délivrance le 23 octobre 2006 d'une autorisation de lotir illégale en tant qu'elle portait sur les lots nos 15, 16 et 17 et a rejeté le surplus des conclusions de leur requête ;

2°) de condamner la commune de Sideville à leur verser la somme totale de 90 000 euros en réparation de ce préjudice, majorée des intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sideville le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- ils sont fondés à solliciter le remboursement des frais de conception de chacun des dossiers de permis de construire pour lesquels ils se sont vu opposer un refus ;

- les frais d'entretien des terrains inconstructibles doivent donner lieu à indemnisation ;

- le manque à gagner représenté par la perte des bénéfices escomptés sur la vente des trois lots est directement imputable à la délivrance de l'autorisation fautive ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2012, présenté pour la commune de Sideville, représentée par son maire, par Me Téboul, avocat au barreau de Paris ;

la commune de Sideville conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre le préjudice invoqué et l'autorisation de lotir fautive qui n'emporte pas par elle-même droit de construire ;

- elle avait informé les requérants dès juillet 2007 que trois lots étaient inconstructibles car inscrits dans le rayon de 100 m. d'une étable affectée à un élevage bovin ; ils avaient donc la possibilité de modifier le parcellaire et ne sauraient être indemnisés des refus de permis de construire intervenus en avril 2009 ; en tout état de cause, le lot n° 17 demeure partiellement constructible ;

- les parcelles correspondantes ne sont pas entretenues par les requérants ; par ailleurs, la somme de 13 735 euros réclamée au titre de l'entretien est exorbitante ;

- les frais d'avocat réclamés correspondent à un autre litige portant sur le refus de délivrance de permis de construire pour les trois lots susmentionnés ; le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête des épouxA... ;

- les requérants ont réalisé un bénéfice plus important qu'ils ne l'indiquent sur la vente des 18 lots demeurés constructibles ; en outre, ils surestiment le prix de vente des lots 15 16 et 17 s'ils avaient été constructibles ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2012, présenté pour M. et Mme A..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens qu'ils développent ; ils portent leur demande d'indemnisation à 126 246,74 euros au titre du préjudice matériel et à 2 000 euros au titre du préjudice moral ;

ils ajoutent que leurs parcelles ont dû être clôturées ; qu'ils les entretiennent régulièrement et ont dû acquérir à cet effet l'outillage adéquat ; qu'ils doivent acquitter la taxe foncière ; que leur préjudice moral est réel ;

Vu l'ordonnance du 10 septembre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 26 septembre 2013 à 12 heures ;

Vu les mémoires, enregistrés les 16 et 18 septembre 2013, présentés pour la commune de Sideville, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense par les mêmes moyens qu'elle développe ;

Vu les mémoires, enregistré les 18 et 25 septembre 2013, présentés pour M. et Mme A... qui concluent aux mêmes fins que leur requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- les observations de Me Gorand, avocat de M. et Mme A... ;

- et les observatios de Me B..., substituant Me Téboul, avocat de la Commune de Sideville ;

1. Considérant que M. et Hme A...interjettent appel du jugement du 3 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a limité à la somme de 1 674 euros le montant de l'indemnité que la commune de Sideville (Manche) a été condamnée à leur verser en réparation du préjudice résultant de la délivrance le 23 octobre 2006 d'une autorisation de lotir illégale en tant qu'elle portait sur les lots nos 15, 16 et 17 ; que, dans le dernier état de leurs conclusions, ils demandent que leur soient allouées les sommes de 126 246,74 euros au titre du préjudice matériel et 2000 euros au titre du préjudice moral ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par arrêté du 23 octobre 2006, le maire de Sideville a délivré à M. et Mme A... une autorisation de lotir portant sur 20 lots, auxquels s'est ultérieurement ajouté un lot supplémentaire, sur des terrains situés au lieudit " la Commune " ; que par trois décisions des 2 et 7 avril 2009, il a refusé aux requérants, sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance de permis de construire sur les lots nos 15, 16 et 17 en raison des risques pour la salubrité publique résultant de la situation des maisons projetées à moins de 100 m d'un élevage de 50 vaches laitières ; que par jugement du 25 mars 2010 devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête tendant à l'annulation de ces refus de permis de construire ; que, dans ces conditions, la commune de Sideville, qui ne conteste plus le caractère inconstructible des terrains concernés eu égard à leur proximité d'une étable susceptible d'être utilisée pour l'élevage de vaches laitières, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité envers M. et Mme A... en accordant une autorisation de lotir portant notamment sur les lots nos 15, 16 et 17, alors même que le 9 juillet 2007, près de huit mois après la délivrance de l'autorisation litigieuse, elle a informé les notaires des requérants de l'inconstructibilité desdits lots ;

Sur le préjudice :

3. Considérant, en premier lieu, que les appelants sollicitent l'indemnisation de la perte du bénéfice escompté sur la vente des lots nos 15, 16 et 17 ainsi que le montant des honoraires d'architecte correspondant à la constitution du dossier de permis de construire afférent à cette dernière parcelle qui demeure constructible pour moitié ; que, toutefois, si la délivrance d'une autorisation de lotir est susceptible de créer des droits, elle n'emporte pas, par elle-même, droit de construire ; que, par suite, la faute que commet l'administration en accordant une autorisation de lotir illégale, si elle est de nature à engager sa responsabilité, n'est pas directement à l'origine de la perte des bénéfices que l'opération aurait rapportés, qui ne résulte que des règles relatives à la constructibilité desdits terrains et n'a pas de lien direct avec le préjudice résultant des frais engagés pour la constitution ultérieure de dossiers de permis de construire sur les lots concernés ; que, par suite, les requérants ne sauraient être indemnisés de ces chefs de préjudice ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice résultant de la pose de clôtures autour des trois parcelles non constructibles et de leur entretien, quand bien même ces travaux auraient été imposés par le règlement de l'association syndicale du lotissement, ne présente pas de lien direct et certain avec la délivrance de l'autorisation de lotir irrégulière ; que par suite les requérant ne sont pas fondés à être indemnisés à ce titre ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A... présentent en appel des conclusions tendant à ce que la commune de Sideville soit condamnée à leur verser les sommes correspondant aux taxes foncières acquittées pour les lots susmentionnés ; qu'il n'est cependant ni allégué ni établi qu'ils auraient été dans l'impossibilité d'en déterminer l'étendue avant le jugement de première instance ; qu'ainsi, ces conclusions nouvelles en appel sont par suite irrecevables ;

6. Considérant en quatrième lieu, que les requérants n'apportent aucune précision de nature à justifier leur demande d'indemnisation du préjudice moral consécutif à l'illégalité commise par la commune ; qu'il suit de là que cette demande doit être rejetée ;

7. Considérant enfin que les requérants ne sauraient prétendre à l'indemnisation des frais de procédure afférents aux litiges ayant donné lieu au jugement susmentionné du 25 mars 2010 du tribunal administratif de Caen ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité l'indemnisation de leur préjudice à la somme de 1.674 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sideville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme A... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature que la commune de Sideville a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Sideville une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et à la commune de Sideville.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

A. GERGAUD

La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT01421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01421
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : GORAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;12nt01421 ?
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