Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2012, présentée pour la société CILAOS, dont le siège social est 38, rue Jean Jaurès à Rezé (44400), par Me Bascoulergue, avocat au barreau de Nantes ; la société CILAOS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 102898 du 17 novembre 2011 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté, par son article 2, les conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de L'Herbergement de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets des arrêtés du 9 janvier 2008 de son maire, annulés par ce même jugement, décidant d'exercer le droit de préemption urbain de la commune sur une partie des parcelles cadastrées ZI 7, ZI 8 et ZI 9 ;
2°) d'enjoindre à la commune de L'Herbergement de lui revendre les parcelles en cause, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle, dans un délai de 2 mois à compter de l'arrêt à intervenir;
3°) de mettre à la charge de la commune de L'Herbergement une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nantes, l'exécution des décisions de préemption implique nécessairement la rétrocession à son profit des parcelles en cause ; le rétablissement de la situation initiale, avant préemption, par la commune n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général ; aucun aménagement n'a été effectué, par la commune, sur les parcelles en cause ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2012, présenté pour la commune de L'Herbergement, représentée par son maire, par Me Auriau, avocat au barreau de Nantes ; la commune de L'Herbergement conclut, d'une part, au rejet de la requête et à la condamnation de la société CILAOS à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement n° 1002898 du 17 novembre 2011 en tant qu'il a annulé les arrêtés du 9 janvier 2008 du maire de L'Herbergement décidant d'exercer le droit de préemption urbain de la commune sur une partie des parcelles cadastrées ZI 7, ZI 8 et ZI 9 ;
elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive et donc irrecevable ; les arrêtés litigieux ne sont pas entachés d'irrégularité au regard des dispositions des articles R. 213-21 du code de l'urbanisme et L. 1311-9 et L. 1311-10 du code général des collectivités territoriales ; les autres moyens invoqués par la société requérante, dans sa demande de première instance, ne sont pas fondés ;
- les moyens d'appel invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions d'injonction ne sont pas fondés ; les parcelles préemptées ont été aménagées ; elles s'inscrivent dans la continuité du lotissement communal déjà réalisé ;
Vu l'ordonnance du 27 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 12 septembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 septembre 2013, présenté pour la société CILAOS qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle développe et, en outre, par le moyen que les conclusions d'appel incident présentées par la commune qui ne présentent pas à juger un litige distinct de l'appel principal ne sont pas recevables ;
Vu l'ordonnance du 13 septembre 2013 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2013, présenté pour la commune de L'Herbergement qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire en défense par les mêmes motifs qu'elle développe ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu l'arrêté du 5 septembre 1986 modifié relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et organismes publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;
- les observations de Me A...substituant Me Bascoulergue, avocat de la société CILAOS ;
- et les observations de Me Auriau, avocat de la commune de l'Herbergement ;
1. Considérant que, par jugement du 17 novembre 2011, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de la société CILAOS, dans son article 1er, les arrêtés du 9 janvier 2008 du maire de L'Herbergement décidant d'exercer le droit de préemption urbain de la commune sur une partie des parcelles cadastrées ZI 7, ZI 8 et ZI 9 et a rejeté, dans son article 2, les conclusions de cette société tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de L'Herbergement de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de ces décisions ; que la société CILAOS interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté, dans son article 2, ses conclusions à fin d'injonction ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de L'Herbergement interjette appel de ce jugement en tant qu'il a annulé, dans son article 1er, les arrêtés de préemption du 9 janvier 2008 de son maire ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société CILAOS aux conclusions d'appel incident présentées par la commune de L'Herbergement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie des conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions et au lien ainsi établi entre la décision juridictionnelle et la définition de ses mesures d'exécution, des conclusions tendant à leur mise en oeuvre à la suite d'une annulation pour excès de pouvoir ne présentent pas à juger un litige distinct de celui qui porte sur cette annulation ; que, par suite, l'appel incident de la commune tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement du 17 novembre 2011 du tribunal administratif de Nantes annulant les arrêtés du 9 janvier 2008 du maire ne présente pas à juger un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 2 de ce même jugement rejetant les conclusions à fin d'injonction présentées par la société CILAOS ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par cette société à l'appel incident de la commune doit être rejetée ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune à la demande de première instance :
3. Considérant, d'une part, que la décision par laquelle une commune décide d'exercer son droit de préemption en application des dispositions des articles L. 210-1 et suivants du code de l'urbanisme présente le caractère d'une décision individuelle ; que, d'autre part, le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de préemption ne court à l'égard de l'acquéreur évincé par cette décision qu'à compter de sa notification à ce dernier avec indication des voies et délais de recours ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions de préemption litigieuses ont été notifiées à la société CILAOS, acquéreur évincé, avec la mention des voies et délais de recours ; que l'affichage et la publication de ces décisions, qui ne présentent pas un caractère réglementaire, n'ont pu faire courir le délai du recours contentieux à l'encontre de la société CILAOS ; que les circonstances que cette société aurait reçu, le 9 septembre 2009, communication du vendeur, par télécopie, des arrêtés de préemption litigieux, lesquels ne comportent pas l'indication des voies et délais de recours et qu'elle a acquis, le 29 janvier 2008, certaines parties, n'ayant pas fait l'objet de préemption, des parcelles en cause ne suffisent pas à faire regarder la société CILAOS comme ayant eu une connaissance acquise de ces décisions à chacune de ces deux dates; que, par suite, la commune de L'Herbergement n'est pas fondée à soutenir que la demande de cette société enregistrée, le 6 mai 2010, au greffe du tribunal administratif de Nantes était tardive ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance ne peut être accueillie ;
Sur la légalité des arrêtés du 9 janvier 2008 du maire de L'Herbergement :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. " ; que l'article R. 213-6 du même code dispose : " Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur des services fiscaux en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis. Le maire transmet également copie de la déclaration au délégataire éventuel du droit de préemption lorsque le titulaire de ce droit est la commune. Dans les autres cas, il transmet copie de la déclaration au titulaire du droit de préemption, à charge pour ce dernier de la transmettre à son tour à l'éventuel délégataire. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 213-21 de ce même code : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre des finances prévu à l'article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié. " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales : " Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-10 du même code : " Ces projets d'opérations immobilières comprennent : (...) 2° Les acquisitions (...)par exercice du droit de préemption, d'immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l'attribution, en pleine propriété, d'immeubles ou de parties d'immeubles, d'une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l'autorité administrative compétente, ainsi que les tranches d'acquisition d'un montant inférieur, mais faisant partie d'une opération d'ensemble d'un montant égal ou supérieur ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-11 de ce code : " Les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 1311-9 délibèrent au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat " ; que le montant auquel font référence tant l'article R. 213-21 précité du code de l'urbanisme que l'article L. 1311-10 du code général des collectivités territoriales est fixé à 75 000 euros par l'arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l'arrêté du 5 septembre 1986 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et organismes publics ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par les arrêtés du 9 janvier 2008
litigieux, le maire de L'Herbergement a exercé le droit de préemption de la commune sur la parcelle ZI 7, pour une superficie de 3 482 m2, la parcelle ZI 8, pour une superficie de 4 505 m2, et la parcelle ZI 9, pour une superficie de 7 638 m2, aux prix figurant dans les déclarations d'intention d'aliéner, respectivement, de 15 910 euros, 22 525 euros et 38 190 euros ; qu'il n'est pas contesté que ces parcelles concourent à la réalisation d'une même opération immobilière dénommée " lotissement communal de la Pichetière 2" ; que, dans ces conditions, chacune des décisions d'acquisition, par préemption, de ces parcelles doit être regardée, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 1311-10 du code général des collectivités territoriales, comme correspondant à une tranche d'acquisition d'un montant inférieur au seuil susmentionné de 75 000 euros faisant partie d'une opération d'ensemble dont le montant total d'acquisition, qui s'élève à 76 625 euros, excède ce seuil ; que, par suite, les décisions de préemption en cause devaient, en vertu de ces mêmes dispositions, être précédées de la consultation du service des Domaines; qu'il est constant que la commune de L'Herbergement n'a pas recueilli l'avis de ce service préalablement à l'édiction de ces décisions ; que ce vice de procédure est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de ces décisions ; qu'ainsi, les arrêtés de préemption du 9 janvier 2008 ont été pris sur une procédure irrégulière et sont entachés d'illégalité pour ce motif ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de L'Herbergement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces arrêtés de préemption ;
Sur les mesures qu'implique nécessairement l'annulation des arrêtés du 9 janvier 2008 du maire de L'Herbergement :
8. Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi, cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'il lui appartient à cet égard, et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté ; qu'il doit en outre proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;
9. Considérant que, lorsque le juge administratif est saisi, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce qu'il prescrive les mesures qu'implique nécessairement l'annulation de la décision de préemption, il lui appartient lorsque le bien préempté n'a pas été revendu, après avoir le cas échéant mis en cause la ou les parties à la vente initialement projetée qui n'étaient pas présentes à l'instance et après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire à l'auteur de la décision annulée de prendre les mesures ci-dessus définies, dans la limite des conclusions dont il est saisi ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal d'huissier établi le 6 mai 2011, que les parcelles en cause ont, après leur acquisition par préemption, fait l'objet de travaux d'aménagements importants concernant, notamment, la voirie et les réseaux publics d'eau potable, d'assainissement, de gaz et d'électricité en vue de la réalisation du lotissement communal dit de "La Pichetière 2 " dont elles occupent la majeure partie de l'emprise avec d'autres parcelles déjà acquises par la commune ; que ce lotissement se situe dans la continuité immédiate du lotissement communal dit de "La Pichetière 1 " avec lequel il forme un ensemble cohérent; qu'en outre, ces parcelles sont destinées à recevoir des logements sociaux réalisés par la société d'HLM Vendée logement ; que, dans ces conditions, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, et alors même que la société CILAOS est déjà propriétaire de parcelles bâties dans ce secteur et qu'elle disposerait, également, d'un projet immobilier sur ces parcelles, la remise en cause de la destination donnée à ces biens apporterait à l'intérêt général une atteinte excessive qui ne serait pas justifiée par l'intérêt qui s'attache à la disparition des effets des décisions de préemption annulées ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CILAOS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions à fin d'injonction ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge tant de la commune de L'Herbergement que de la société CILAOS, le versement des sommes que celles-ci se réclament mutuellement, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CILAOS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de L'Herbergement et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CILAOS et à la commune de L'Herbergement.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.
Le rapporteur,
C. BUFFETLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
A. GERGAUD
La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT00198 2
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