La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2013 | FRANCE | N°11NT00364

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 novembre 2013, 11NT00364


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2011, présentée pour la société Ginger Séchaud et Bossuyt, dont le siège est situé Avenue du Général de Gaulle, Tour de Rosny 2 - Rosny Sous Bois Cedex (93118), par Me Molas, avocat au barreau de Paris ; La société Ginger Séchaud et Bossuyt demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-627 du 26 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que la société d'économie mixte locale du département du Cher " Territoria " (SEM Territoria) et la région Centre soient condamné

es solidairement à lui verser la somme de 1 689 332,38 euros HT, en réparation d...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2011, présentée pour la société Ginger Séchaud et Bossuyt, dont le siège est situé Avenue du Général de Gaulle, Tour de Rosny 2 - Rosny Sous Bois Cedex (93118), par Me Molas, avocat au barreau de Paris ; La société Ginger Séchaud et Bossuyt demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-627 du 26 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce que la société d'économie mixte locale du département du Cher " Territoria " (SEM Territoria) et la région Centre soient condamnées solidairement à lui verser la somme de 1 689 332,38 euros HT, en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'occasion de la construction d'un établissement d'enseignement et de formation professionnelle agricole sur le territoire de la commune de Subdray (Cher), assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2005, date de sa demande préalable ;

2°) de condamner solidairement la SEM Territoria et la région Centre à lui verser la somme de 639 824,43 euros TTC sur le fondement de l'enrichissement sans cause et la somme de 52 896,25 euros TTC sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle, et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2005, avec capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la SEM Territoria et de la région Centre la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la société Ginger Séchaud et Bossuyt soutient que :

- les premiers juges ont écarté à tort l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ; tant la région Centre que la SEM Territoria n'ont pas contesté qu'elle avait supporté des coûts pour la réalisation des différentes missions qui lui avaient été confiées ; elle a réalisé en totalité les études de projet et d'exécution ; ces études ont été utiles au maître de l'ouvrage dès lors qu'un dossier de consultation des entreprises a pu être établi à bref délai sur leur base ; le maître d'ouvrage a reconnu que le marché de pré-viabilisation ayant été attribué, les éléments de mission correspondant à ces travaux avaient été accomplis, qu'il s'agisse des études de projet et d'exécution ou de la mission afférentes à la passation dudit marché ; il incombe au maître d'ouvrage d'établir que les réponses apportées le 26 mai 2004 à ses critiques formulées sur la qualité de son travail seraient insuffisantes ; ayant perçu des acomptes à hauteur de 329 472,18 euros HT, elle est fondée à demander la condamnation in solidum de la région Centre et de la SEM Territoria à lui verser la somme de 534 970,26 euros (864 442,44 euros HT - 329 472,18 euros HT) ; cette somme doit être assujettie à la TVA s'agissant de la contrepartie de la prestation de sorte qu'elle s'établit en principal à 639 824,43 euros TTC ; cette somme doit être majorée des intérêts légaux à compter du 13 mai 2005, date de réception de la demande indemnitaire préalable ;

- le tribunal administratif d'Orléans a rejeté à tort les demandes fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle du maître de l'ouvrage au motif que les préjudices (perte de bénéfice et perte d'industrie ou défaut de couverture des frais généraux) n'étaient pas établis ; l'assiette du calcul de la perte de bénéfice était explicitée dans la pièce 16 ; le taux de 10 % résulte du compte de résultat de l'exercice 2004 et d'une comparaison entre le chiffre d'affaires net et le résultat courant avant impôt ; ce taux est couramment retenu par le juge administratif pour des missions d'ingénierie ; la requérante justifie de la perte d'industrie ou du défaut de couverture des frais généraux ; lesdits frais généraux s'élèvent à 30 % ; on aboutit à un dédommagement de 33 170,72 euros en appliquant ce taux de 30 % à la différence entre le chiffre d'affaires prévu et le chiffre d'affaires réalisé, soit 110 569,06 euros HT ; la même assiette (différence entre le chiffre d'affaires prévu et le chiffre d'affaires réalisé) doit être retenue pour la perte de bénéfice mais avec un taux de 10 %, aboutissant à une somme de 11 056,91 euros ; ainsi le cumul des demandes sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle s'établit à 44 227,63 euros HT soit 52 896,25 euros TTC ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 août 2011, présenté pour la région Centre et la société d'économie mixte locale du département du Cher Territoria (SEM Territoria), dont le siège social est situé 10, rue Georges Pompidou, à Bourges (18021 cedex), représentée par son représentant légal, par la SCP Seban et Associés ; la région Centre et la SEM Territoria demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 26 novembre 2010 en tant qu'il a refusé de faire droit à leurs demandes reconventionnelles sur le fondement de la répétition de l'indu, tendant à la condamnation de la société Ginger Séchaud et Bossuyt à leur verser la somme de 329 472,19 euros HT soit 394 048,74 euros TTC ;

2°) de condamner la société Ginger Séchaud et Bossuyt à leur verser la somme de 394 048,74 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2006, date de l'enregistrement de son mémoire devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de rejeter la requête de la société Ginger Séchaud et Bossuyt ;

4°) de mettre à la charge de la société Ginger Séchaud et Bossuyt le versement à la région Centre d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative ;

5°) de mettre à la charge de la société Ginger Séchaud et Bossuyt le versement à la SEM Territoria d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la région Centre et la SEM Territoria soutiennent que :

- le jugement est erroné en tant qu'il n'a pas été fait droit aux conclusions à fin de répétition de l'indu de la région Centre ; un marché public déclaré nul est censé ne jamais avoir existé ; les parties doivent réciproquement et entièrement se restituer les prestations et sommes versées jusqu'à l'annulation du marché, quand bien même l'annulation serait la conséquence d'une faute du pouvoir adjudicateur ou que les prestations réalisées par l'entrepreneur auraient déjà donné lieu à l'établissement d'un décompte définitif ; le marché ayant été déclaré nul, le tribunal ne pouvait que faire droit aux conclusions de la région Centre tendant à la répétition de l'indu par la société Ginger Séchaud et Bossuyt ;

- la société requérante ne produit pas plus en appel qu'en première instance les études réalisées prétendument utiles à la région Centre ; la requérante n'apporte pas d'élément de nature à établir que les études réalisées auraient servi de base pour établir un dossier de consultation des entreprises pour le marché de travaux ; des prestations mal exécutées ne sont pas utiles à l'administration et ne l'enrichissent pas ; en l'espèce, les prestations confiées à la société requérante n'ont pas été réalisées intégralement, ni de manière satisfaisante ; la charge de la preuve du caractère utile des prestations incombe à celui qui demande à être indemnisé sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre la nullité du marché et le prétendu manque à gagner dans la mesure où s'il y a préjudice pour la société Ginger Séchaud et Bossuyt, celui-ci est directement né de la résiliation pour faute de son marché et non de l'irrégularité du marché, la décision de résilier le contrat ayant été arrêté avant que n'intervienne le jugement du 10 février 2004 jugeant le marché illégal ; en tout état de cause la société n'apporte pas d'élément pour corroborer le taux de bénéfice net de 10 % escompté pour le marché querellé ; le résultat d'exploitation de 10 % avancé par la requérante n'est pas celui de la société Séchaut et Bossuyt Rhône-Alpes avec laquelle le marché a été passé mais celui de la société Ginger Séchaud et Bossuyt, avec qui ni la région Centre ni la SEM Terroria n'ont de relation contractuelle ; en ce qui concerne la perte d'industrie ou de couverture des frais généraux, il convient de retenir que le marché a été résilié pour faute après plusieurs mises en demeure et tentatives pour obtenir un rétablissement des prestations, avant même que l'irrégularité du marché ne soit constatée par le tribunal administratif le 10 février 2004 ; la société requérante n'avait aucune chance d'exécuter le marché jusqu'à son terme tant son exécution était défaillante et ce, même si le marché n'avait finalement pas été entaché d'irrégularité ; enfin, le taux de 30 % dont se prévaut la requérante ne ressort que d'une étude menée par la société elle-même, ce qui ne permet pas d'établir le montant réel des frais généraux engagés dans le cadre des prestations réalisées par la société en application des clauses contractuelles en l'espèce ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 25 juin 2012, présenté pour la société Ginger Séchaud et Bossuyt tendant aux mêmes fins que la requête ;

elle soutient en outre que :

- elle apporte la preuve qu'elle a réalisé en totalité les études de projet et d'exécution

qui lui avaient été demandées ; celles-ci ont été utiles au maître d'ouvrage dès lors qu'un dossier de consultation des entreprises a rapidement pu être établi sur leur base ; au demeurant, même si elles n'avaient pas été utiles, elles auraient dû être prises en charge par la région et la SEM dès lors qu'elles correspondent à des dépenses de la société ; la société a produit les CCTP ainsi que les décompositions du prix global et forfaitaire des 22 lots, une estimation des travaux, les calculs thermiques selon la réglementation RT 2000, une note de calcul du gros-oeuvre, les plans relatifs à chacun des 15 bâtiments composant l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole à reconstruire, soit pour chacun des bâtiments un cahier de coupes, les plans des coffrages de plancher haut pour chaque étage, les plans de coffrage des fondations, les plans d'implantation des réseaux, les plans d'implantation des équipements d'éclairage et des équipements électriques, les cahiers de schémas et les plans de la voirie et des réseaux divers ; les documents établis par la société ont nécessairement servi de base à l'élaboration du dossier de consultation dès lors qu'elle a établi les CCTP des 22 lots composant le marché ainsi que les DPGF relatives à chacun de ces lots ; le CCTP ainsi que la DPGF constituent des pièces techniques primordiales ; un dossier de projet et d'études d'exécution complet a été remis au maître d'ouvrage par le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre le 13 octobre 2003 ; si les études qu'elle a fournies ont suscité des interrogations de la part du maître d'ouvrage et du maître d'ouvrage délégué, chaque interrogation a fait l'objet d'éclaircissements de sa part ; ni le maître d'ouvrage ni le maître d'ouvrage délégué ne se sont manifesté à la suite de l'envoi de ces réponses, ce qui prouve qu'elles ont donné satisfaction ; les prestations doivent être considérées comme ayant été reçues au sens de l'article 33.1 du CCAG PI ; la somme à lui devoir doit être calculée en tenant compte du degré d'exécution du marché ; les missions DET et AOR ont été évaluées à 0 euros dès lors qu'elles n'ont pas été exécutées ;

- à titre subsidiaire toute dépense qui ne serait pas considérée comme utile devrait être prise en charge par les défenderesses sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle ;

- en ce qui concerne la perte de bénéfice, la société Séchaud Bossuyt Rhône-Alpes a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Ginger Séchaud et Bossuyt qui s'est trouvée investie du patrimoine que détenait la première ; la circonstance que cette fusion absorption ait eu lieu à une date d'effet postérieure au jugement du tribunal administratif d'Orléans est sans incidence ; la région Centre et la SEM Territoria ne sont pas fondées à soutenir que seul le résultat net d'exploitation de la société Séchaud Bossuyt Rhône-Alpes pourrait être pris en compte et non celui de la société Ginger Séchaud et Bossuyt ; son chiffre d'affaire net s'élevait en 2004 à 7 700 117 euros et son résultat courant avant impôt à 681 496 euros ;

- si la cour devait estimer que ce sont les résultats de la société Séchaud Bossuyt Rhône-Alpes qui doivent être pris en compte, il conviendrait d'appliquer un taux de 7,6 % ;

- en ce qui concerne la perte d'industrie, c'est le comportement fautif de l'administration qui justifie l'indemnisation réclamée ; l'administration se borne à contester le taux des frais généraux en raison de la provenance de l'étude qui a permis de le fixer mais non en ce qui concerne son niveau et ne démontre pas que le calcul opéré serait entaché d'une erreur grossière ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 6 juin 2013, présenté pour la région Centre et la SEM Territoria tendant aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures et à la capitalisation des intérêts échus sur la somme de 394 048,74 euros TTC ;

la région Centre et la SEM Territoria soutiennent en outre que :

- le caractère d'utilité des études réalisées n'est pas établi par la requérante, alors que la charge de la preuve lui en incombe ; les études réalisées dans le cadre des missions PRO et ACT n'ont été utiles que pour la phase de pré-viabilisation du terrain ; les lacunes du dossier de projet et d'études d'exécution ont été évoquées dès la réunion du 18 novembre 2003 ; le décompte final notifié à la requérante mentionne le caractère inexploitable des documents produits en phase PRO ; contrairement à ce que soutient la requérante, la procédure de passation du marché de travaux a été passée le 5 novembre 2004 soit plus de 12 mois après la remise du prétendu dossier de projet et d'études d'exécution complet ; les insuffisances de la requérante ont dû être palliées par l'intervention du bureau d'études techniques ACTE ; le courrier adressé le 4 octobre 2004 par la SEM Territoria au président du conseil régional démontre que les études réalisées par la société requérante n'étaient pas utiles ; l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne peut se faire en prenant pour base les prix d'un marché qui n'existe plus ;

- s'agissant des demandes fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle du maître de l'ouvrage, le marché de la société requérante a été résilié pour faute, après plusieurs mises en demeure et tentatives pour obtenir un rétablissement des prestations, avant même que son irrégularité ne soit constatée par le tribunal administratif le 10 février 2004 ; la société n'avait donc aucune chance d'exécuter le marché jusqu'à son terme, tant son exécution était défaillante ; le taux de 30 % de frais généraux ne ressort que d'une étude réalisée par la société elle-même et est manifestement disproportionné ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 27 juin 2013, présenté pour la société GRONTMIJ France SA venant aux droits de la société Ginger Séchaud et Bossuyt, tendant aux mêmes fins que la requête ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 26 juillet 2013, présenté pour la région Centre et la SEM Territoria, tendant aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :

- le rapport de M. Lainé, président-rapporteur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., substituant Me Rouveyran, avocat de la région Centre et la SEM " Territoria " ;

1. Considérant qu'à la suite d'une procédure de concours, par une délibération du 22 février 2002, la commission permanente du conseil régional de la région Centre a décidé de confier la maîtrise d'oeuvre du projet de construction d'un établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) sur le territoire de la commune de Subdray (Cher) à un groupement dont le mandataire était le cabinet d'architectes Art'Ur et auquel appartenait notamment la société Séchaud et Bossuyt Rhône-Alpes, bureau d'études techniques ; que l'acte d'engagement correspondant à ce marché a été signé le 23 avril 2002 par les membres dudit groupement et la société anonyme d'économie mixte locale du Cher (SEM 18), devenue la SEM Territoria, maître d'ouvrage délégué ; que, sur la demande de l'un des candidats évincés, le tribunal administratif d'Orléans, par un jugement du 10 février 2004, d'une part a annulé tant la décision de la commission permanente choisissant le lauréat du concours que la décision de signer le marché de maîtrise d'oeuvre, et d'autre part a enjoint à la région Centre de résilier le marché à l'amiable ou, à défaut, de saisir le juge du contrat pour qu'il en constate la nullité ; que ce jugement du 10 février 2004 est devenu définitif à la suite du rejet de l'appel de la région Centre par arrêt de la cour de céans du 28 octobre 2005 ; que, par la requête susvisée, la société Ginger Séchaud et Bossuyt, venant aux droits de la société Séchaud et Bossuyt Rhône-Alpes, relève appel du jugement du 26 novembre 2010 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce que la région Centre et la SEM Territoria soient condamnées solidairement à lui verser la somme de 1 689 332,38 euros HT majorée de la TVA, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de l'exécution du marché susmentionné, et demande à la cour de condamner solidairement la SEM Territoria et la région Centre à lui verser les sommes de 639 824,43 euros TTC sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de 52 896,25 euros TTC sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'ouvrage à raison de la faute constituée par la signature d'un marché illégal ; que, par la voie de l'appel incident, les intimées sollicitent la condamnation de la société GRONTMIJ SA, venant aux droits de la société par actions simplifiée Ginger Séchaud et Bossuyt, à verser à la région Centre la somme de 329 472,19 euros HT, soit 394 048,74 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2006, date de l'enregistrement de son mémoire devant le tribunal administratif d'Orléans, avec capitalisation des intérêts, au titre de la répétition de l'indu ;

Sur les conclusions d'appel principal :

2. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause de la région Centre et de la SEM Territoria :

3. Considérant qu'il incombe à celui qui prétend, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé, d'en établir l'utilité ; que si la société Séchaud et Bossuyt Rhône-Alpes a établi un dossier comportant études de projets et études d'exécution, dit " PRO " et " EXE ", incluant un projet de cahier des clauses techniques particulières ainsi qu'un projet de décomposition du prix global et forfaitaire, une estimation des travaux, les calculs thermiques, une note de calcul du gros-oeuvre, les plans relatifs à chacun des 15 bâtiments composant l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole à reconstruire, il résulte toutefois de l'instruction que ces documents, qui pour certains restent à l'état d'ébauche, comportent de nombreuses lacunes et inexactitudes qui ont conduit le maître d'ouvrage à résilier le contrat de l'appelante et à confier à un nouveau bureau d'études, le cabinet ATCE, la réalisation des phases PRO, EXE partiel, DET (direction de l'exécution des contrats de travaux) et AOR (assistance aux opérations de réception) ; que cette entreprise a, de plus, été contrainte de reprendre la totalité des études techniques en amont de la phase d'avant projet détaillé, " APD ", en raison des erreurs de conception et des incohérences contenues dans les documents établis par la société Séchaud et Bossuyt Rhône-Alpes ; que, dans ces conditions, la société GRONTMIJ SA ne démontre pas que la somme qu'elle réclame constitue la contrepartie de prestations utiles à la région Centre et que l'appauvrissement que subit la société de ce fait correspondrait à un enrichissement équivalent de cette collectivité ; que, dès lors, ses conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la région Centre :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la région Centre a, à différentes reprises, reproché à la société Séchaud et Bossuyt Rhône-Alpes la mauvaise qualité des études effectuées et a décidé, indépendamment de l'action contentieuse susmentionnée engagée par un candidat évincé du marché de maîtrise d'oeuvre, de prononcer la résiliation de la part du marché dont l'ayant cause de la requérante était titulaire, conformément aux stipulations des articles 35 et 37 a ) et b) du cahier des clauses administratives générales - prestations intellectuelles ; que la société Art'ur, en sa qualité de mandataire du groupement conjoint, a dû attribuer à un tiers sous-traitant puis co-traitant, le cabinet ATCE, la réalisation des missions précédemment confiées à la société Séchaud et Bossuyt ; que dans ces conditions, la requérante n'établit pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la faute de la région Centre consistant à avoir conclu un marché irrégulier et les préjudices invoqués résultant de la perte des bénéfices escomptés et de la perte de couverture de ses frais fixes ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Grontmij SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société Séchaud et Bossuyt ;

Sur les conclusions d'appel incident :

6. Considérant que l'exécution du marché du 23 avril 2002, dont la nullité a été reconnue par le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 février 2004 précité, a donné lieu au versement par la région Centre à la société Séchaud et Bossuyt d'une somme totale de 329 472,19 euros HT à titre d'acomptes sur les prestations que cette société devait réaliser en exécution de la partie des prestations de maîtrise d'oeuvre lui incombant pour un montant total de 944 239,14 euros HT ; que s'il résulte de l'instruction qu'une part importante des prestations réalisées par la société Sechaud et Bossuyt au titre des différentes phases des missions de maîtrise d'oeuvre qui lui ont été initialement confiées étaient inachevées, insuffisamment précises ou trop parsemées d'erreurs pour être utilisables et ont dû pour ces raisons être largement refaites par un autre bureau d'études, ces prestations avaient toutefois une existence matérielle qui s'oppose à ce que les acomptes versés par la région Centre soient regardés comme totalement dénués de cause ; qu'il suit de là que la région Centre ne peut en demander le remboursement sur le fondement, seul invoqué, de la répétition de l'indû du fait de la nullité du contrat ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la région Centre et la SEM Territoria

ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande reconventionnelle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de la région Centre et de la SEM Territoria, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société GRONTMIJ SA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société GRONTMIJ SA le versement, d'une part à la région Centre et d'autre part à la SEM Territoria au titre des mêmes frais, d'une somme de 1 000 euros chacune ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Ginger Sechaud et Bossuyt reprise par la société GRONTMIJ SA est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la région Centre et de la SEM Territoria sont rejetées.

Article 3 : La société GRONTMIJ SA versera une somme de 1 000 (mille) euros à la région Centre d'une part et à la SEM Territoria d'autre part en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société GRONTMIJ SA, à la région Centre et à la SEM Territoria.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2013, où siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

S. AUBERT Le président-rapporteur,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 11NT00364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT00364
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ROUVEYRAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;11nt00364 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award