Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Bondiguel-Schindler, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905327 en date du 4 octobre 2012 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de la période allant du 10 août 2002 au 31 décembre 2002 et au titre de l'année 2003, ainsi que des pénalités dont ces cotisations ont été assorties ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que d'une somme de 35 euros au titre du remboursement de la contribution à l'aide juridique ;
il soutient que :
- l'imposition établie au titre de l'année 2003 aurait dû faire l'objet de deux avis d'imposition distincts dès lors qu'il était séparé de son épouse ;
- les crédits bancaires litigieux correspondent à des opérations de trésorerie croisées pour le compte des différentes sociétés qu'il dirigeait ;
- l'application des pénalités exclusives de bonne foi n'est pas justifiée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la charge de la preuve incombe au requérant, régulièrement taxé d'office sur le fondement des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ;
- la souscription d'une déclaration d'impôt commune induit une présomption de vie commune qu'aucun élément circonstancié n'amenait à remettre en cause ; l'administration n'a à aucun moment été informée d'une séparation de fait, au demeurant non démontrée par la seule production du jugement de divorce ;
- s'agissant des crédits en provenance des sociétés de M. B..., les relevés bancaires HSBC ne portent pas mention claire du détenteur de ces comptes ; sur les sommes prétendument en provenance de la société ICCOM, il n'est pas justifié de la provenance de ces crédits en l'absence de production du relevé bancaire du débiteur ;
- sur des crédits d'un compte ouvert dans les écritures du Crédit Lyonnais que M. B... indique comme retraçant en réalité des fonds provenant d'un prêt bancaire à la SCI 92 Bineau, les relevés correspondant à ce compte indique que M. B... est le détenteur de ce compte ;
- sur le crédit de 114,33 euros du 15 avril 2003 seule une copie de chèque est versée au dossier ;
- s'agissant des débits, ils ne sont pas justifiés par des pièces qui établiraient le destinataire et la nature professionnelles des dépenses prétendument prises en charge ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées eu égard à l'importance des crédits non justifiés et à l'attitude de M. B..., qui n'a souscrit sa déclaration à l'impôt sur le revenu qu'à l'issue d'une mise en demeure et s'est abstenu de répondre à la demande de justifications que l'administration lui avait adressée ; subsidiairement, si la cour en jugeait autrement, la majoration de 10 % pour dépôt hors délai de l'article 1728-1 devrait être appliquée ;
Vu, enregistré le 24 juin 2013, l'avis de dégrèvement en date du 18 juin 2013 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 août 2013, présenté pour M. B..., qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens et en outre que le compte ouvert au Crédit Lyonnais est un compte détenu par la SCI Bineau, ainsi qu'il ressort explicitement du contrat de prêt qu'il a versé aux débats ;
Vu, enregistré le 30 septembre 2013, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2013 :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période allant du 10 août 2002, date de leur mariage, au 31 décembre 2003 ; que l'administration leur a adressé, le 28 avril 2005, une demande d'éclaircissements et de justifications relative à l'origine de diverses sommes portées au crédit des comptes bancaires de M. B... au cours de cette période ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a taxé d'office comme revenus d'origine indéterminée, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont la provenance restait inexpliquée ; que M. B... fait appel du jugement du 4 octobre 2012 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui en ont résulté pour M. et Mme B... au titre des années 2002 et 2003 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision du 18 juin 2013, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 1 913 euros en droits, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2003 ; que les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions
S'agissant du moyen tiré d'une imposition distincte :
3. Considérant que selon l'article 6 du code général des impôts : " 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : (...) c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts (...) " ; que M. B... soutient sur le fondement de ces dispositions que les rehaussements de l'année 2003 auraient dû faire l'objet d'impositions distinctes dès lors qu'il avait quitté le domicile conjugal le 10 octobre 2003 ;
4. Considérant toutefois que M. B... et son ex-épouse ont souscrit des déclarations communes de revenus en 2003, 2004 et 2005 et n'ont jamais informé l'administration, au cours du contrôle, d'une quelconque séparation ; que dans ces conditions, M. B..., qui se borne à se référer aux motifs du jugement en divorce rendu le 15 février 2006 ainsi qu'à deux attestations peu circonstanciées, n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il aurait abandonné le domicile conjugal dès le 10 octobre 2003 ; que le moyen invoqué doit, par suite, être écarté ;
S'agissant de la justification des crédits taxés en tant que revenus d'origine indéterminée :
5. Considérant que, si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue ; qu'il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus ; que, dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause ;
6. Considérant, en premier lieu, que s'agissant d'un crédit de 114,33 euros du 14 avril 2003 M. B... ne démontre pas qu'il correspondrait à un loyer versé à Mme C..., son ex-épouse et régulièrement déclaré par elle en produisant la copie illisible d'un chèque ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que M. B... ne démontre pas que les crédits figurant sur le compte Crédit Lyonnais n° 30002 00565 0000050249A06, correspondraient en réalité à un compte détenu par la SCI 92 Bineau, en se bornant à produire une offre de prêt, non signée, faite par l'établissement à cette société, ainsi que des relevés bancaires, d'ailleurs établis à son nom, portant mention des échéances de remboursement de ce prêt ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si M. B... fait valoir qu'il a remboursé sur ses fonds propres, en qualité de caution, un prêt contracté par la société ODYSSEE, il s'est abstenu de justifier du montant des échéances qu'il aurait prises en charge au titre des années contrôlées ;
9. Considérant, enfin, que M. B... soutient que le surplus des sommes encaissées sur ses comptes bancaires personnels n'est pas imposable dès lors qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'opérations croisées poursuivies dans l'intérêt des sociétés qu'il contrôlait ;
10. Considérant, d'une part, que si le requérant soutient que certains crédits bancaires correspondent à des remboursements de charges par ses sociétés ADV, ICCOM ou ICCOM Nettoyage, il ne justifie pas de l'origine de ces crédits par la production de bordereaux de remise de chèques émanant de ces sociétés, accompagnés pour certains de relevés bancaires sur lesquels les noms des sociétés ont été ajoutés, parfois de manière manuscrite ;
11. Considérant, d'autre part, s'agissant des débits, que M. B..., qui verse devant la cour les mêmes pièces qu'en première instance, ne justifie pas davantage que les débits figurant sur ses comptes bancaires correspondraient soit à des versements au profit des sociétés qu'il dirigeait, à défaut de démontrer le destinataire de ces dépenses, soit à de prétendus frais généraux ou rémunérations qu'il aurait pris en charge pour leur compte, à défaut de toute pièce attestant de la nature de ces charges ; qu'il y a lieu dès lors d'écarter les justifications correspondant à ces débits en adoptant les motifs retenus à juste titre par les premiers juges, tirés de ce que ces pièces ne permettent pas d'établir avec certitude le destinataire, le motif ou l'objet du débit concerné ; qu'au surplus, si l'administration admet pour sa part en appel qu'au titre des débits représentant des sommes versées à ses sociétés, les documents produits par M. B... sont suffisamment probants à concurrence de la somme de 48 026 euros au titre de la période allant du 10 août au 13 décembre 2002, ces montants doivent être regardés comme justifiant partiellement la somme de 60 961,93 euros représentant les crédits bancaires non justifiés que l'administration n'a cependant pas taxés dans un souci de conciliation ; que par suite, et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de prononcer de décharge à ce titre ;
En ce qui concerne les pénalités :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729-1 dans sa rédaction applicable au litige " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie " ;
13. Considérant que l'existence, invoquée par le requérant, de flux croisés entre ses comptes personnels et les sociétés qu'il dirigeait, ne peut justifier ni le nombre des opérations omises ni l'importance des crédits bancaires demeurés inexpliqués, soit 226 046 euros pour la période allant du 10 août au 31 décembre 2002 et 383 988 euros pour l'année 2003 ; que dans ces conditions l'administration doit être regardée comme établissant la mauvaise foi du requérant ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, d'autre part, de laisser à la charge de M. B... la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence de la somme de 1 913 euros, de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2003.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Piot, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT Le président,
J.-M. PIOT
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT03100
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