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05/11/2013 | FRANCE | N°12NT03018

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 novembre 2013, 12NT03018


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012, présentée pour Mme A... B... demeurant..., par Me Boukhelifa, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202408 du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à sa demande, en annulant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois contenue dans l'arrêté du 30 mai 2012 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a également refusé de lui accorder un titre de séjour et a prononcé à so

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Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012, présentée pour Mme A... B... demeurant..., par Me Boukhelifa, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202408 du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à sa demande, en annulant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois contenue dans l'arrêté du 30 mai 2012 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a également refusé de lui accorder un titre de séjour et a prononcé à son encontre l'obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à destination du Maroc ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder à un réexamen de sa situation, également à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'abrogation du signalement aux fins de no-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'était pas tenu par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et pouvait l'admettre exceptionnellement au séjour ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet aurait du saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle a apporté la preuve de sa présence continue sur le territoire français depuis plus de dix ans ;

- l'arrêté qu'elle conteste a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 février 2013, présenté par le préfet d'Eure et Loir, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le signataire de l'arrêté disposait d'une délégation ;

- l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;

- il a procédé à un examen approfondi de la situation de l'intéressée ;

- dès lors que Mme B... ne pouvait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut n'entrainerait pas des conséquences d'exceptionnelle gravité ;

- Mme B... n'apporte pas d'éléments probants justifiant une admission exceptionnelle au séjour pour raisons humanitaires ;

- il ne s'est pas estimé en situation de compétence liée alors que la décision contestée a été prise suite à un avis défavorable du médecin de l'agence régionale de santé et il a donc bien exercé son pouvoir d'appréciation ;

- il a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B..., notamment le fait qu'elle a déclaré être entrée seule en France à l'âge de 38 ans au cours de l'année 2000, sans toutefois l'établir, démunie de tout visa, et qu'elle s'est maintenue sur le territoire français sans chercher à régulariser sa situation et, ainsi, la décision attaquée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de son article 3 dès lors que l'intéressée ne fait pas mention de menaces en cas de retour au Maroc ;

- il n'y a pas lieu à statuer en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour dans la mesure où les premiers juges ont annulé cette décision et, qu'au surplus, en édictant une mesure d'interdiction de retour d'une durée de six mois, il n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2013 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A... B..., ressortissante marocaine née en 1962, est entrée irrégulièrement en France le 15 décembre 2000 ; qu'elle a déposé le 28 novembre 2011 une demande d'admission au séjour en tant qu'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet d'Eure- et-Loir a pris à son égard le 30 mai 2012 un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois avec fixation du pays à destination de son pays d'origine et interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de six mois avec signalement au système d'information Schengen ; que Mme B... interjette appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 octobre 2012 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et le décision fixant le pays de destination et n'a fait que partiellement droit à sa demande en annulant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français avec signalement au système d'information Schengen contenue dans l'arrêté contesté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme B..., le jugement attaqué est suffisamment motivé ; qu'en outre les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Considérant que l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 30 mai 2012 comporte l'énoncé

des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

4. Considérant, que le préfet d'Eure-et-Loir a examiné la demande de Mme B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'étranger malade, et au vu des dispositions de l'article L. 313-14 du même code en indiquant que l'intéressée ne se prévalait d'aucune considération humanitaire justifiant une admission sur ce fondement ; que le préfet a visé l'avis émis le 16 février 2012 par le médecin de l'agence régionale de santé du Centre, mentionnant que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer de conséquences d'exceptionnelle gravité, puis a précisé que Mme B... était célibataire, sans enfant et n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses six frères et soeurs et qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

6. Considérant que, pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet d'Eure-et-Loir s'est fondé sur l'avis précité du 16 février 2012 du médecin de l'agence régionale de santé du Centre indiquant que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que la seule pièce médicale produite par la requérante, consistant en un compte-rendu radiologique du 16 novembre 2011, n'est pas de nature à remettre en cause cet avis ;

7. Considérant qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que le préfet d'Eure-et-Loir se serait cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, ni qu'il aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence, en estimant que la situation personnelle et familiale de Mme B..., telle que ci-dessus décrite, ne justifiait pas son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a déclaré être entrée

seule en France à l'âge de 38 ans au cours de l'année 2000, qu'elle est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses six frères et soeurs ; qu'elle n'établit pas la continuité de son séjour sur le territoire français ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des conditions de son séjour en France, le refus de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'a pas porté à son au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions ; que Mme B... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Eure-et-Loir n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

11. Considérant que la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de Mme B..., qui vise les dispositions dont il est fait application et mentionne les circonstances de fait qui la fondent, est suffisamment motivée ;

12. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ;

13. Considérant que les conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour pour une durée de six mois, et à l'abrogation subséquente du signalement aux fins de non admission dans le " système d'information Schengen ", sont dépourvues d'objet, et par suite irrecevables, dès lors que cette décision a déjà été annulée par le tribunal administratif d'Orléans ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme B... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite les conclusions à fin d'injonction que comporte la requête ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme B... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2013.

Le rapporteur,

P. AUGER

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT03018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03018
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BOUKHELIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-05;12nt03018 ?
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