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05/11/2013 | FRANCE | N°11NT01708

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 novembre 2013, 11NT01708


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2011 sous le n° 11NT01708, présentée pour la société Eparco Assainissement, dont le siège est situé 18, rue de Tilsitt à Paris (75017), par Me Israel, avocat au barreau de Paris ; la société Eparco Assainissement demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11-0075 du 6 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen l'a condamnée solidairement, avec la société Safège, à verser à la communauté de communes de La Hague, à titre de provision, les sommes de 67 020,80 euros et 7 976,37 euros, av

ec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2011, a mis à la charge de ch...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2011 sous le n° 11NT01708, présentée pour la société Eparco Assainissement, dont le siège est situé 18, rue de Tilsitt à Paris (75017), par Me Israel, avocat au barreau de Paris ; la société Eparco Assainissement demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 11-0075 du 6 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen l'a condamnée solidairement, avec la société Safège, à verser à la communauté de communes de La Hague, à titre de provision, les sommes de 67 020,80 euros et 7 976,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2011, a mis à la charge de chacune des deux sociétés le versement de la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a condamné la société Safège à la garantir à hauteur de 30 % des sommes mises à sa charge ;

2°) de rejeter la demande de la communauté de communes de La Hague ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener l'évaluation de la provision à de plus justes proportions, de réformer l'ordonnance en tant qu'elle a limité la garantie du maître d'oeuvre à 30 % et de condamner la société Safège à la garantir intégralement des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge d'une part, de la communauté de communes de La Hague et, d'autre part, de la société Safège le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'obligation invoquée par la communauté de communes de La Hague est sérieusement contestable ;

- les performances épuratoires des stations d'Auderville et de Val-es-Cochard étant conformes, ces ouvrages ne sont pas impropres à leur destination ;

- l'ordonnance n'est pas suffisamment motivée sur ce point ;

- le juge des référés a considéré à tort que les désordres sont imputables au dimensionnement du filtre tertiaire et à la mauvaise répartition des filtres ; l'expert ne démontre pas que les filtres Eparco sont sous-dimensionnés et que leur manque de souplesse est à l'origine des désordres ; un dysfonctionnement n'apparaît que lorsque les filtres sont soumis à des conditions extrêmes caractérisées par un débit de pointe deux fois supérieur à la charge nominale fixée par contrat ; la souplesse et les performances du filtre de type Eparco ont été démontrées par une étude en 2010 et par une note technique en 2011 ;

- il résulte du rapport établi par la direction de l'eau et de l'assainissement de la communauté de communes pour l'exercice 2009 que les performances épuratoires des stations d'Auderville et de Val-es-Cochard sont conformes, de sorte que ces ouvrages ne sont pas impropres à leur destination, ce qui est de nature à rendre contestables les conclusions de l'expert ;

- pour les désordres des stations de Branville et de Gruchy, le dimensionnement du filtre n'a pas été mis en cause et il devrait en être de même pour les autres stations ; les raisons pour lesquelles l'expert met en cause le dimensionnement du filtre ne sont pas claires ;

- l'expert s'est exclusivement fondé sur les données et analyses fournies par la communauté de communes de La Hague alors que les analyses n'ont pas été effectuées en nombre suffisant depuis la mise en service des stations d'épuration ;

- les dysfonctionnements résultent des défauts d'exploitation et de manipulation de l'ouvrage par le maître d'ouvrage que l'expert n'a pas pris en compte ;

- selon les stations, l'expert impute les désordres tantôt au maître d'ouvrage, compte tenu des conditions d'utilisation des installations, tantôt à un défaut de l'ouvrage ;

- le procédé Eparco n'est pas moins performant que le procédé des filtres plantés de roseaux préconisé par l'expert ;

- l'ouvrage a été réceptionné sans réserve par le maître d'ouvrage assisté d'un maître d'oeuvre expert de sorte que les dysfonctionnements qu'il présente sont imputables à ces derniers ;

- dans le cadre de l'appel d'offres, le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre n'ont pas correctement défini les besoins, les charges hydrauliques par temps de pluie et les charges maximales journalières, s'en remettant à la marge de tolérance importante du système de type Eparco, ce qui a empêché l'entreprise de dimensionner correctement les ouvrages ; l'aléa d'exploitation résultant de l'absence de réseaux préexistants doit être pris en charge par le maître d'ouvrage et par le maître d'oeuvre ; dans le cas de la station de Branville, l'expert s'est d'ailleurs fondé sur ce motif pour imputer les dysfonctionnements au maître de l'ouvrage ;

- s'agissant du partage de responsabilité, le juge des référés s'est borné à reprendre l'évaluation de l'expert fixant à 10 % la responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de contrôle alors qu'il résulte du marché que ce dernier était chargé d'une mission complète ;

- le défaut de répartition des effluents entre les filtres, le colmatage et l'accumulation des boues résultent d'un défaut d'entretien de l'ouvrage et constituent la cause première des dysfonctionnements ; 108 des 276 contrôles des raccordements d'assainissement réalisés au titre de l'exercice 2009 n'étaient pas conformes ; 4 sur 16 ne l'étaient pas pour la station d'Acqueville ;

- dans le cadre d'un bilan coûts-avantages, le juge doit tenir compte du risque de dépôt de bilan encouru par la société requérante du fait de l'importance des provisions mises à sa charge ;

- la communauté de communes demande à tort 1 000 euros pour les frais d'installation du chantier, 5 540 euros au titre de l'aléa de construction, 7 180 euros au titre de la mission de maîtrise d'oeuvre qui n'incombe pas à l'entreprise et 5 400 euros au titre de la mise en décharge des filtres, mission qui incombe au maître d'ouvrage ;

- c'est à tort que le juge des référés ne s'est pas prononcé sur ces chiffrages pour motiver son ordonnance ;

- le coût de remise en état d'une station d'épuration est inférieur à la somme demandée par la communauté de communes et à l'évaluation faite par l'expert ; un abattement pour vétusté doit être appliqué, en raison notamment du manque de diligence du maître de l'ouvrage après l'apparition des dysfonctionnements et du fait que la station est toujours utilisée ;

- les fautes commises par le maître d'ouvrage doivent être prises en compte ;

- il n'appartient pas au juge des référés de déterminer la partie devant supporter les frais d'expertise, lesquels constituent un élément des dépens de l'instance ;

- à titre subsidiaire, le maître d'oeuvre doit la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre compte tenu de l'erreur commise dans la conception de l'ouvrage, des manquements au devoir de conseil, à la mission d'assistance, à ses obligations de direction et de contrôle de l'exécution des travaux et de réception de l'ouvrage ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu la mise en demeure adressée le 26 septembre 2011 à Me El Fadl, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 26 septembre 2011 à Me Braud, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2011, présenté pour la communauté de communes de La Hague, par Me Braud, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Eparco Assainissement la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- à titre liminaire, la note technique du CEMAGREF de janvier 2011 démontre que les filtres équipant les stations d'épuration fournies par la société requérante sont sous-dimensionnés ;

- la société requérante s'est contractuellement engagée à garantir un certain niveau de rejet de la station, sans que le maître d'ouvrage ait à démontrer que les désordres constatés lui sont imputables ; cette garantie est de dix ans à compter de la réception des travaux ; la réception de l'ouvrage ayant eu lieu le 17 avril 2003, les premiers dysfonctionnements sont apparus en décembre 2004 et le colmatage des filtres en novembre 2006 ; dans ces conditions, la mention dans les rapports du maître d'ouvrage de résultats épuratoires conformes résulte d'une erreur de plume ou d'une erreur d'appréciation ;

- des manquements dans l'exploitation de l'ouvrage de nature à exonérer le constructeur de sa responsabilité n'ont été retenus que pour trois stations ; de tels manquements n'ont pas été relevés pour la station présentement en litige ; l'expert a précisément décrit les défauts d'exécution que présente l'ouvrage ;

- les filtres se colmatent même lorsqu'ils ne sont pas soumis à des surcharges excédant la capacité annoncée par le constructeur ; s'agissant d'un procédé breveté ne bénéficiant encore d'aucun retour d'expérience, le maître d'ouvrage ne pouvait que s'en remettre à son cocontractant, tenu en sa qualité d'entrepreneur d'une obligation de conseil sur l'exécution technique de l'ouvrage ;

- le rapport d'expertise n'est pas incohérent, certaines des stations d'épuration se trouvant au-dessus de la charge nominale des effluents et de la tolérance du système mis en place et d'autres en dessous ;

- la nature du procédé alternativement proposé par l'expert est sans incidence sur la responsabilité de l'entreprise ; le procédé d'assainissement collectif de type Eparco ne l'étant plus, la reconstruction de la station d'épuration à l'identique n'est pas possible et ne serait d'ailleurs pas souhaitable ;

- en l'absence de réseau d'assainissement collectif préexistant, le maître d'ouvrage ne pouvait pas définir plus précisément les caractéristiques de l'ouvrage demandé ; il a mentionné le niveau d'équivalent-habitant à traiter par station prévu par le code général des collectivités territoriales, supérieur à celui qui est nécessaire en milieu rural tout en anticipant une augmentation de la population de 20 % ; en sa qualité de professionnel expérimenté, la société requérante était tenue à son égard d'un devoir de conseil ;

- le maître d'ouvrage a réalisé l'entretien de l'ouvrage avec l'activateur biologique préconisé par l'entrepreneur ;

- la responsabilité du maître d'oeuvre doit être appréciée en tenant compte du fait que l'entreprise a mis en oeuvre un procédé breveté qu'elle était alors la seule à maîtriser ; néanmoins, la société Safège qui a manqué selon l'expert à ses obligations d'étude du projet, de conseil, de direction et de surveillance, est particulièrement compétente en matière d'assainissement ;

- la somme allouée par le juge des référés correspond au coût du dommage tel qu'il a été

évalué par l'expert ; les dysfonctionnements étant apparus moins de deux ans après la réception de la station, l'abattement pour vétusté n'est pas applicable ;

- la station ne pouvant être réparée à l'identique, son remplacement ne permet pas au maître d'ouvrage de réaliser une plus-value alors même que le coût de réparation est supérieur au coût de construction initial ;

- la société requérante ne peut pas invoquer des difficultés financières pour échapper à la mise en jeu de sa responsabilité ;

- le juge des référés peut mettre les frais d'expertise à la charge d'une partie même en l'absence de demande au fond ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2011, présenté pour la société Safège, venant aux droits du cabinet Saunier Techna, par Me El Fadl, avocat au barreau de Paris, qui conclut :

- à titre principal, à l'annulation de l'ordonnance attaquée ainsi qu'au rejet de la demande de la communauté de communes de La Hague et des demandes de la société Eparco Assainissement formées à son encontre ;

- à titre subsidiaire, à l'annulation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a prononcé sa condamnation solidaire avec la société Eparco Assainissement, à la limitation de sa responsabilité à celle retenue par l'expert et de la provision à verser à la communauté de communes de La Hague dans la même proportion ainsi qu'au rejet des demandes formées à son encontre par la société Eparco Assainissement ;

- à titre infiniment subsidiaire, à la confirmation de l'ordonnance attaquée et au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Eparco Assainissement ;

- en toute hypothèse, à l'annulation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens et à la condamnation de la communauté de communes de La Hague et de la société Eparco Assainissement à lui verser chacune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la créance de la communauté de commune de La Hague, inexistante, est sérieusement contestable ;

- le juge des référés s'est borné à reprendre le partage de responsabilité mentionné par l'expert dans son rapport alors que ce dernier y indique qu'il propose par principe un taux de 10 % par manquement constaté, imputable au maître d'oeuvre ; pour toutes les stations d'épuration, la responsabilité du maître d'oeuvre est retenue alors que les contrats conclus et les désordres constatés sont différents et que la maîtrise d'oeuvre était parfois assurée par le maître d'ouvrage ;

- l'expert n'a pas répondu aux dires de la société Safège et, notamment, à l'argument selon lequel il n'appartenait pas au maître d'oeuvre de se prononcer sur la pertinence du procédé conçu et breveté par la société Eparco ;

- le juge des référés a estimé à tort que l'expert avait suffisamment répondu aux dires

des parties ; il a ainsi commis une erreur de droit et entaché son ordonnance d'insuffisance de motivation ;

- en l'absence de lien contractuel et de fautes ayant concouru dans la même proportion à la survenance du dommage, la condamnation de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre ne peut pas être solidaire ;

- le caractère solidaire de la condamnation n'est pas motivé ;

- à titre subsidiaire, la condamnation définitive du maître d'oeuvre ne peut excéder 30% voire 10% de l'indemnité due au maître d'ouvrage ;

- il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les dépens ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2011, présenté pour la société Eparco Assainissement, qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;

elle ajoute que :

- le filtre qu'elle propose n'est pas intrinsèquement sous-dimensionné ;

- les CCTP n'ayant pas été correctement établis, sa responsabilité contractuelle n'est pas susceptible d'être engagée ; la réception sans réserve de l'ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur ; la garantie de parfait achèvement ne peut être invoquée que dans le délai d'un an suivant la date de la réception ; seule la responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement à son obligation de conseil peut être recherchée ;

- pour sept des neuf stations, l'expert n'a pas lui-même constaté l'existence des désordres, se bornant à faire état du manque de souplesse du procédé ; il a conclu dans un sens opposé au sujet d'une station d'épuration commandée à la requérante par une commune, pour laquelle il a retenu un ratio de dimensionnement conforme aux règles de l'art de 3m² par équivalent-habitant ;

- les travaux de remplacement portent sur une station d'épuration dont les capacités sont supérieures à celle réalisée par la société requérante ; la station peut être réparée sans changement de type de filtre ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2011, présenté pour la communauté de communes de La Hague, qui maintient ses conclusions en défense ;

elle ajoute que :

- les caractéristiques de la station d'épuration commandée par une commune à laquelle se réfère la requérante sont différentes de celle présentement en litige ;

- l'appel formé par la société requérante est dilatoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour la communauté de communes de La Hague ;

1. Considérant que, par un marché conclu le 18 février 2002, la communauté de communes de La Hague a confié à la société Eparco Assainissement les travaux de construction d'une unité de traitement des eaux usées, située au hameau de Val-es-Cochard sur le territoire de la commune de Vasteville ; que la maîtrise d'oeuvre des opérations a été assurée par le cabinet Saunier-Techna, aux droits duquel est venue la société Safège ; qu'après la réception sans réserve des travaux le 17 avril 2003, des dysfonctionnements ont été constatés à partir du mois de juin 2004 ; que, par une ordonnance n° 0701543 du 5 septembre 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, sur la demande de la communauté de communes de La Hague, ordonné une expertise ; que le rapport d'expertise a été déposé le 22 octobre 2010 ; que, par l'ordonnance du 6 juin 2011 dont la société Eparco Assainissement relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné celle-ci solidairement avec la société Safège à verser à la communauté de communes de La Hague, à titre de provision, les sommes de 67 020,80 euros au titre des travaux de réfection et 7 976,37 euros au titre du remboursement des frais d'expertise, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2011, a condamné chacune des deux sociétés à verser à la collectivité la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a condamné la société Safège à garantir la société Eparco Assainissement à hauteur de 30 % des sommes mises à sa charge ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le juge des référés a indiqué dans son ordonnance les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer que la station d'épuration édifiée à Vasteville est impropre à sa destination ; que s'il n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il a inclus dans le montant de la provision le coût des frais d'installation de chantier, de l'aléa de construction, de la mission de maîtrise d'oeuvre et de la mise en décharge des filtres, qui représente la somme totale de 19 120 euros et entrait en tout état de cause dans le montant des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués en défense ; que, de même, il n'avait pas à préciser les raisons pour lesquelles il a estimé que l'expert commis en référé avait suffisamment répondu aux dires des parties ; que, dès lors, l'ordonnance est suffisamment motivée ;

Sur l'expertise :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les parties ont eu connaissance des constatations faites par l'expert et ont eu la possibilité de les contester ; qu'il n'est pas établi que ce dernier n'a pas examiné la documentation produite par la société requérante ; que, dans ces conditions, et alors que les investigations menées ne peuvent être qualifiées de partielles, c'est à juste titre que le premier juge s'est fondé, notamment, sur le rapport d'expertise, lequel est conforme à la mission assignée à l'expert par le juge des référés du tribunal administratif de Caen, a suffisamment répondu aux dires des parties, et n'a dès lors pas méconnu le principe du contradictoire ;

Sur l'appel principal :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ;

En ce qui concerne la responsabilité des constructeurs :

5. Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination sont survenus dans le délai de dix ans à compter de la réception de celui-ci et sont imputables, même partiellement, à un constructeur, ce dernier en est responsable de plein droit envers le maître d'ouvrage, sauf pour le constructeur à s'exonérer de sa responsabilité ou à en atténuer la portée en établissant que les désordres résultent d'une faute du maître de l'ouvrage ou d'un cas de force majeure ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres affectant la station d'épuration sont caractérisés par la mise en charge des filtres compact et tertiaire, les mauvais résultats épuratoires obtenus et le colmatage durable des deux filtres ; que ces dysfonctionnements ont pour conséquence une capacité de traitement insuffisante de la station ainsi que des rejets ne répondant pas aux normes réglementaires en matière d'assainissement collectif ; qu'ils doivent ainsi être regardés comme rendant cette installation impropre à sa destination ; que, dès lors, ils sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte également de l'instruction que les désordres affectant la station d'épuration en cause sont imputables à la société Eparco Assainissement, en raison d'un défaut d'exécution, le dimensionnement du filtre tertiaire ne lui permettant pas d'avoir la souplesse annoncée par cette entreprise, et à la société Safège, en raison d'un manquement à son obligation de surveillance ; que la circonstance que les désordres ne se sont pas manifestés dès la réception de l'ouvrage ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du maître d'oeuvre soit retenue ; que, d'autre part, le maître d'ouvrage ayant été dans l'impossibilité d'effectuer un diagnostic en l'absence de système préexistant, aucune faute de sa part n'est établie dans la définition et dans l'exploitation de la station d'épuration ; qu'il n'est pas davantage établi que d'éventuels manquements à ses obligations d'entretien de l'ouvrage seraient à l'origine des dysfonctionnements constatés ; que les désordres sont ainsi de nature à engager la responsabilité solidaire de la société Safège et de la société Eparco Assainissement sans que cette dernière puisse se prévaloir d'une faute exonératoire de la communauté de communes ; que, dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a pu retenir la responsabilité solidaire de la société Eparco Assainissement et de la société Safège, sur le fondement de la garantie décennale, à raison des dommages affectant la station d'épuration ;

8. Considérant que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que la circonstance que la communauté de communes dispose de moyens financiers suffisants pour faire réaliser ces travaux est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de sa demande d'allocation provisionnelle ; qu'il en est de même du fait que la condamnation des constructeurs serait susceptible de compromettre la pérennité de la société Eparco Assainissement ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des énonciations du rapport d'expertise, que les travaux permettant de remédier aux désordres s'élèvent à la somme de 67 020,80 euros ; que la société requérante n'établit pas le caractère excessif de cette évaluation qui inclut à juste titre les dépenses susmentionnées d'un montant total de 19 120 euros dont l'engagement résulte des désordres affectant la station, et qui correspond à la mise en oeuvre d'un procédé moins onéreux que celui initialement adopté et insusceptible de réparation ; que la vétusté d'un ouvrage s'apprécie à la date d'apparition des premiers désordres ; qu'à l'exception de deux bilans satisfaisants en 2004 et 2005, les résultats épuratoires ont été insuffisants au regard des obligations contractuelles de la société requérante ; qu'ainsi, aucun abattement pour vétusté n'a lieu d'être pratiqué ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de réparation seraient susceptibles d'apporter aux ouvrages une plus-value qu'il conviendrait de déduire de la provision sollicitée ; qu'ainsi, l'existence de l'obligation dont se prévaut la communauté de communes de La Hague à l'encontre de la société Eparco Assainissement et de la société Safège, à due concurrence de cette somme, ne paraît pas sérieusement contestable ; que, dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a mis la somme de 67 020,80 euros à la charge solidaire de la société Eparco Assainissement et de la société Safège ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Eparco Assainissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen l'a condamnée solidairement avec la société Safège à verser à la communauté de communes de La Hague une provision de 67 020,80 euros ;

En ce qui concerne les frais et honoraires d'expertise :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la communauté de communes de La Hague a procédé au paiement à l'expert de ses frais et honoraires, liquidés et taxés à la somme de 7 976,37 euros par une ordonnance du vice-président chargé des expertises du 22 novembre 2010 ; que, contrairement à ce que soutient la société Eparco Assainissement, aucune disposition ne fait obstacle à ce que le juge du référé provision condamne les constructeurs à rembourser de tels frais au maître de l'ouvrage, sur sa demande ; que l'expertise en référé a été utile à la solution du litige ; qu'ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a pu, dans les circonstances de l'espèce, condamner solidairement la société Eparco Assainissement et la société Safège à verser à la communauté de communes de La Hague la somme de 7 976,37 euros ;

En ce qui concerne l'appel en garantie de la société Eparco Assainissement :

11. Considérant qu'ayant concouru ensemble à la réalisation de la totalité des dommages, les fautes imputables à l'entrepreneur et au maître d'oeuvre entraînent de ce fait une solidarité entre ces constructeurs, alors même qu'il n'existe aucun lien contractuel entre la société Eparco Assainissement et la société Safège et que les parts de responsabilité des deux sociétés ne sont pas équivalentes; que, pour les condamnations prononcées au profit du maître d'ouvrage, l'un quelconque des constructeurs est fondé à demander à être garanti par l'autre à proportion de l'importance de la faute commise par ce dernier ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que si les désordres sont principalement imputables à la société Eparco Assainissement qui a réalisé l'ouvrage selon un procédé qu'elle a breveté, ils le sont également au maître d'oeuvre, en raison d'un défaut de surveillance des travaux ; que, compte tenu de leurs parts respectives de responsabilité dans l'apparition des désordres, le premier juge n'a pas, en condamnant la société Safège à garantir la société Eparco Assainissement à hauteur de 30 % de la condamnation mise à leur charge solidaire, fait une inexacte appréciation des responsabilités encourues par chacune d'elles ;

Sur l'appel incident de la société Safège :

12. Considérant que, pour les mêmes motifs, les conclusions de l'appel incident de la société Safège tendant à la limitation de sa part de responsabilité et du montant de la provision à verser à la communauté de communes de La Hague doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de La Hague, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes demandées par la société Eparco Assainissement et par la société Safège au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Eparco Assainissement le versement de la somme demandée par la société Safège sur le fondement de ces mêmes dispositions, ni de mettre à la charge de cette dernière société la somme que demande la société Eparco Assainissement à raison des mêmes frais ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eparco Assainissement d'une part, et de la société Safège d'autre part, le versement de la somme de 1 500 euros à la communauté de communes de La Hague ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Eparco Assainissement et l'appel incident de la société Safège sont rejetés.

Article 2 : La société Eparco Assainissement et la société Safège verseront chacune à la communauté de communes de La Hague la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... A..., mandataire liquidateur de la société Eparco Assainissement, à la société Safège et à la communauté de communes de La Hague.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2013 où siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M.D..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2013.

Le rapporteur,

S. AUBERT Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT01708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT01708
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-05;11nt01708 ?
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