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24/10/2013 | FRANCE | N°12NT02825

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2013, 12NT02825


Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2012, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me Leudet, avocat au barreau de Nantes ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1201002 en date du 10 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 9 septembre 2011 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la

Loire-Atlantique de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la no...

Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2012, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me Leudet, avocat au barreau de Nantes ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1201002 en date du 10 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 9 septembre 2011 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son avocat en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- titulaire d'un titre de séjour italien en cours de validité, elle entre dans le champ des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait, par suite, faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement de l'article L. 511-1 de ce code ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle et familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2013, présenté par le préfet de la Loire-Atlantique qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité compétente ;

- la situation de Mme D..., qui n'est pas en possession d'une carte de résident longue durée-CE et a déposé une demande de titre de séjour deux mois après son entrée sur le territoire français, entrait bien dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté n'a pas porté pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision du 31 août 2012 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Leudet pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le

26 janvier 1990

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 le rapport de M. Giraud, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme D..., de nationalité marocaine, fait appel du jugement du 10 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 9 septembre 2011 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant un pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant en premier lieu, que M. B... C..., directeur de la réglementation et des libertés publiques à la préfecture de la Loire-Atlantique, a, par arrêté en date du 29 juillet 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire-Atlantique, reçu délégation du préfet pour signer, notamment les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que Mme D..., qui a indiqué être entrée sur le territoire français au mois de mars 2011, fait valoir qu'elle a quitté l'Italie pour échapper au comportement violent de son époux et qu'elle vit en France avec ses deux enfants chez sa tante ; que, toutefois, en se limitant à produire trois attestations établies par des proches, Mme D... n'apporte pas la preuve de la réalité des violences conjugales subies ; que, dans ces conditions, compte tenu, en outre, de l'entrée récente en France de l'intéressée et de ses conditions de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, en conséquence, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'en l'espèce, la décision de refus de titre de séjour n'a ni pour effet ni pour objet de séparer Mme D... de ses deux enfants dans la mesure où, comme il a été dit précédemment, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Maroc, pays dans lequel ses deux enfants ont, selon les déclarations de l'intéressée, séjourné durant quatre mois avant leur entrée sur le territoire français, ou en Italie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et sans qu'il soit besoin d'examiner sur les autres moyens ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 dudit code : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 531-2 de ce code, les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ;

7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger, non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par un Etat membre, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date d'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée, Mme D... était titulaire d'un titre de séjour d'une durée de deux ans, en cours de validité, délivré par les autorités italiennes ; que, par suite, elle est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que cette décision est, pour ce motif, entachée d'illégalité ; qu'il y a lieu de l'annuler ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... est seulement

fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la totalité de sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique pas la délivrance ni le réexamen de la demande du titre sollicité ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation et de la munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

10. Considérant que Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leudet, avocat de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du 10 avril 2012 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2011 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixe un pays de destination.

Article 2 : L'arrêté du 9 septembre 2011 du préfet de la Loire-Atlantique est annulé en tant qu'il fait obligation à Mme D... de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixe un pays de destination.

Article 3 : L'Etat versera à Me Leudet, avocat de Mme D..., la somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M.Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2013.

Le rapporteur,

T. GIRAUD Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT028252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02825
Date de la décision : 24/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-24;12nt02825 ?
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