Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Le Bihan, avocat au barreau de Rennes ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102189 du 16 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de procéder à l'échange d'un permis de conduire délivré par les autorités de l'ex-U.R.S.S. contre un permis de conduire français ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir à cet échange ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
il soutient que :
- le préfet ne pouvait pas remettre en doute l'authenticité de son permis de conduire dès lors que sa demande d'échange a été présentée dans le délai imparti et qu'il n'a pas mis en oeuvre la procédure de vérification auprès des autorités nationales prévue par l'article 11 de l'arrêté interministériel du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant pas à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen ;
- son permis de conduire est authentique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; il conclut au rejet de la requête ;
il soutient que le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant la demande de M. A... dès lors que le bureau de la fraude documentaire a conclu sans ambigüité au caractère contrefait du permis de conduire ;
Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 19 novembre 2012 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Le Bihan pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant pas à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :
- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que M. A..., ressortissant géorgien, fait appel du jugement du 16 mai 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté la demande qu'il a présentée le 6 septembre 2004 en vue de l'échange contre un permis de conduire français d'un permis de conduire délivré à Tbilissi le 21 octobre 1987 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que le préfet ayant rejeté verbalement, par la décision contestée, la demande d'échange de permis de conduire de M. A..., le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir en l'absence d'une notification de la décision portant mention des voies et délais de recours ; que la demande de M. A... n'était en conséquence pas tardive comme le soutenait le préfet en première instance ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : "Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article R. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé" ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 février 1999 susvisé alors en vigueur : "Tout permis de conduire national délivré régulièrement au nom d'un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, est considéré comme valable en France et peut être échangé contre le permis français de la (ou des) catégorie(s) équivalente(s) lorsque les conditions correspondantes définies ci-après sont remplies" ; qu'aux termes de son article 6 : "Tout titulaire d'un permis de conduire national doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre le permis français pendant le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France, la date d'acquisition de cette résidence étant celle d'établissement effectif du premier titre de séjour ou de résident. Ce délai pourra, le cas échéant, être prolongé de la durée des séjours impliquant changement de résidence que le titulaire du permis aura pu effectuer postérieurement à l'étranger. En outre, si, à l'occasion du retour en France, un nouveau titre de séjour ou de résident lui est délivré, le délai d'un an courra à compter de la date d'établissement de ce titre correspondant à la nouvelle acquisition de la résidence normale en France. Enfin, l'échange demeure possible ultérieurement si, pour des raisons d'âge ou pour des motifs légitimes d'empêchement, il n'a pu être effectué dans le délai prescrit" ; qu'aux termes, enfin, de l'article 11 : "En cas de doute sur l'authenticité du titre étranger, le préfet demande un certificat attestant sa légalité auprès des autorités qui l'ont délivré. Il transmet sa demande sous couvert de M. le ministre des affaires étrangères, service de la valise diplomatique, au consulat de France dans la circonscription consulaire duquel le permis a été délivré. Dans ce cas, et en attendant ce certificat, le préfet délivre au titulaire du permis étranger une attestation autorisant ce dernier à conduire sous couvert de son titre au-delà de la période d'un an fixée par l'article 2. Cette attestation peut être prorogée. Dès lors que cette demande reste sans réponse à l'expiration d'un délai maximal de six mois, étant entendu qu'un certain nombre de rappels peuvent être effectués pendant cette période, l'attestation visée ci-dessus ne peut plus être prorogé et l'échange du permis de conduire étranger ne peut avoir lieu." ;
4. Considérant que si un contrôle sur l'authenticité du permis de conduire produit par M. A... a été réalisé par la direction centrale de la police aux frontières, bureau de la fraude documentaire, il est constant que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas sollicité, selon la procédure décrite à l'article 11 précité, les autorités du pays qui ont délivré le titre de conduite à M. A... aux fins d'obtention d'un certificat d'authenticité ; que, dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les dispositions de l'article 11 de l'arrêté ministériel du 8 février 1999 en refusant de procéder à l'échange de son permis de conduire au motif qu'il constituait une contrefaçon sans saisir préalablement les autorités géorgiennes pour authentifier le titre de conduite en cause ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision contestée, n'implique pas nécessairement en raison de la nature de l'irrégularité commise qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à l'échange de permis de conduire sollicité ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Bihan renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du 16 mai 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes et la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de procéder à l'échange à la demande de M. A... d'un permis de conduire délivré par les autorités de l'ex-U.R.S.S. contre un permis de conduire français sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Le Bihan, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Piot, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2013.
Le rapporteur,
F. ETIENVRE Le président,
J-M. PIOT
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT01976