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17/10/2013 | FRANCE | N°13NT00450

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 octobre 2013, 13NT00450


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son directeur, dont le siège est Tour Galliéni II, 36, avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), par Me Saumon, avocat au barreau de Paris ; l'ONIAM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-3016 en date du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a déclaré responsable de l'indemnisation des préjudices résultant de la vaccinatio

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Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son directeur, dont le siège est Tour Galliéni II, 36, avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), par Me Saumon, avocat au barreau de Paris ; l'ONIAM demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-3016 en date du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a déclaré responsable de l'indemnisation des préjudices résultant de la vaccination subie par la jeuneB... A... et l'a, avant de se prononcer sur le montant de ces préjudices pour l'évaluation desquels il a ordonné une expertise, condamné à verser aux parents de cette enfant une provision de 250 000 euros ;

2°) de rejeter la demande des consorts A...tendant à l'indemnisation des préjudices subis par eux et leur filleB... ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise afin de diagnostiquer le handicap de la jeuneB... A... et de se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ce handicap et la vaccination subie par elle ;

il soutient que :

- les consorts A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'avis du 19 février 2010 de la commission d'indemnisation des victimes des vaccinations obligatoires, sur la base duquel il a lui-même pris sa décision de rejet du 9 mars 2010, cet avis ne constituant pas une décision faisant grief ;

- la responsabilité sans faute de l'Etat ne peut être engagée qu'à l'égard des dommages directement imputables aux vaccinations obligatoires ; en l'espèce, la vaccination Pentavac administrée à la jeuneB... A... comportait les valences obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite et des valences facultatives contre la coqueluche et les infections à haemophilius ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'imputabilité à la vaccination par le Pentavac de l'état de santé de la jeune B...A... ; les éléments avancés par les consortsA..., tirés de l'absence de diagnostic précis du handicap dont souffre leur fille et sa survenance dans un délai rapproché de la vaccination, ne permettent pas de caractériser le lien direct et certain exigé par la loi ; la coïncidence temporelle ne permet pas de tirer de conséquences en terme d'imputabilité ; le rapport d'un expert privé établi à la demande des époux A...ne peut être retenu ; en effet, le syndrome dont souffre l'enfant B...A...ne correspond à aucune des catégories des effets secondaires relevés pour le Pentavac ; l'absence de diagnostic précis de l'origine du handicap deB... A... ne permet pas de conclure à une cause nécessairement iatrogène ; c'est ainsi que l'expert mandaté dans le cadre de l'examen de la demande d'indemnisation présentée par les consorts A...a explicitement conclu que le lien de causalité entre la vaccination obligatoire et l'état physique de l'enfant ne pourra être prouvé de manière objective ;

- dans ces conditions, aucune provision ne peut être mise à sa charge ; au surplus, il résulte des termes des articles L. 3111-9 et L. 1142-22 du code de la santé publique que l'indemnisation ne concerne que les victimes directes ; c'est donc à tort que les premiers juges ont accordé une provision aux époux A...pour leurs préjudices propres ;

- si une expertise est ordonnée, l'expert devra établir un diagnostic et examiner l'éventuel lien de causalité entre le handicap de l'enfant et la vaccination administrée, en distinguant les valences obligatoires de celles facultatives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 5 juin 2013 à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2013, présenté pour M. et Mme A..., par Me Mor, avocat au barreau du Val d'Oise, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils font valoir que :

- ils ne maintiennent pas leur demande tendant à l'annulation de la décision de l'ONIAM du 9 mars 2010 rejetant leur demande d'indemnisation, mais maintiennent leur demande indemnitaire ;

- le vaccin administré à leur filleB..., qui contenait les valences obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la polyomyélite, était celui recommandé par les professionnels de santé et ils n'ont pas eu le choix du produit injecté ;

- la preuve d'un faisceau d'indices précis et concordants de nature à établir le lien de

causalité directe entre les injections vaccinales et les troubles développés a été apportée devant le tribunal qui a retenu les éléments déterminants ; ainsi, les signes évocateurs sont apparus après la première injection et se sont aggravés après la seconde, et comme l'a souligné le docteur Girard, spécialiste en pharmacovigilance, dans son rapport d'expertise, cette " ré-administration positive " constitue un argument fort en faveur d'un lien avec le vaccin ; par ailleurs, leur fille était en bonne santé avant les injections et les autres causes possibles ont été explorées et exclues par les différents spécialistes ayant suivi leur enfant ; c'est à juste titre que le tribunal a qualifié la pathologie de " phénomène immuno-inflammatoire " ; enfin, l'expert désigné dans le cadre de la procédure amiable a précisé que l'absence de diagnostic en faveur d'une pathologie connue à l'origine de ce syndrome moteur et articulaire était un argument en faveur de l'imputabilité au vaccin ; le jugement doit donc être confirmé ;

- contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ne font pas obstacle à l'indemnisation des préjudices moraux des parents de la victime directe ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 septembre 2013, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu l'arrêt n° 13NT00451 du 18 juillet 2013 par lequel la cour a prononcé le sursis à exécution du jugement du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me C..., substituant Me Saumon, avocat de l'ONIAM ;

- et les observations de Me Mor, avocat de M. et Mme A... ;

1. Considérant que la jeuneB... A..., née le 5 octobre 2006, a reçu les 4 et 28 décembre 2006 deux injections du vaccin Pentavac comportant les valences obligatoires contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite et des valences facultatives contre la coqueluche et les infections à haemophilius ; que ses parents ont constaté, à la suite de la première injection, une position anormale des pieds de leur enfant, puis, peu de temps après la seconde injection, une aggravation de l'état de santé de leur fille, qui a présenté une dégradation progressive aux niveaux articulaire, musculaire et neurologique qui la laisse lourdement handicapée ; que, malgré divers examens médicaux et des recherches approfondies dans plusieurs disciplines médicales, aucune pathologie connue n'a pu être diagnostiquée ; que M. et Mme A... ont saisi le 15 octobre 2008 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation des dommages résultant du handicap de leur enfant, qu'ils imputent aux injections vaccinales administrées ; que, sur le fondement du rapport d'expertise déposé le 5 novembre 2009 par le docteur Pialoux, expert qui a examiné la jeuneB..., et après avis de la commission d'indemnisation des victimes des vaccinations obligatoires rendu le 19 février 2010, l'ONIAM a rejeté cette demande d'indemnisation par une décision du 9 mars 2010 ; que l'ONIAM relève appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'annulation de l'avis du 19 février 2010 de la commission d'indemnisation précitée, mis à sa charge, sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des préjudices directement imputables à des vaccinations obligatoires, l'indemnisation des préjudices subis par la jeuneB... A..., l'a condamné à verser à M. et Mme A... une somme provisionnelle de 250 000 euros à valoir sur les indemnités dues en réparation des préjudices subis par eux et par leur fille et a ordonné, avant dire droit, une expertise afin de fixer l'étendue de ces préjudices ; que, par un arrêt en date du 18 juillet 2013, la cour a prononcé le sursis à exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée sur le fond du litige ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des vaccinations obligatoires :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. / (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des termes du rapport d'expertise établi le 5 novembre 2009 par le docteur Pialoux qu'alors même que celui-ci relève deux arguments en faveur d'un lien causal entre la vaccination obligatoire et l'état physique actuel deB... A... que sont, d'une part, l'absence de diagnostic d'une pathologie connue à l'origine du syndrome moteur et articulaire constaté malgré de nombreux examens et, d'autre part, l'apparition clinique de ce syndrome quelques jours après la première vaccination et la présence d'un léger syndrome biologique inflammatoire, un tel lien de causalité n'est pas objectivement établi ; que, pour leur part, M. et Mme A... font valoir, en se fondant sur l'avis émis le 7 mai 2010 par le docteur Girard, médecin consultant, spécialiste en pharmacovigilance, que les troubles dont souffre leur fille sont " vraisemblablement " imputables aux injections vaccinales, soit le deuxième degré de causalité le plus élevé selon la méthode de diagnostic de causalité en pharmacovigilance ; que, dans ces conditions, les éléments soumis au juge ne permettent pas d'affirmer, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la vaccination et les troubles constatés, même apparus à bref délai de la vaccination litigieuse, dont le diagnostic n'a pu être posé ; qu'ainsi, faute pour la cour, en l'état de l'instruction, de pouvoir statuer de manière éclairée sur l'existence de ce lien de causalité, il y a lieu pour elle, avant de se prononcer sur le fond du litige, d'ordonner une expertise, confiée à un collège d'experts, qui aura pour mission de fournir au juge les éléments lui permettant d'apprécier tant l'engagement de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale que, le cas échéant, l'étendue des préjudices indemnisables ;

DÉCIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM, il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties qui sera réalisée par un collège de deux experts, l'un spécialisé en neurologie et l'autre spécialisé en rhumatologie pédiatrique. Ce collège d'experts pourra, le cas échéant, se faire assister par un sapiteur spécialisé en pharmacovigilance.

Article 2 : Le collège d'experts sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Ces experts auront pour mission, notamment au vu des pièces du dossier et des précédents rapports d'experts se trouvant au dossier :

- de décrire l'état de santé de B...A... ;

- de préciser, dans la mesure du possible, la nature et l'origine de la pathologie dont est atteinte la jeune B...A...et s'il existe un lien de causalité entre les troubles constatés et les injections du vaccin Pentavac administrées en précisant, le cas échéant, si ces troubles sont imputables à l'une ou plusieurs de ses valences obligatoires ou facultatives ;

- de dire si l'état de santé de B...A...est consolidé, dans l'affirmative, de préciser la date de consolidation, et, dans la négative, d'indiquer l'évolution prévisible de cet état de santé ;

- de donner tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices subis par B...A...et en particulier le taux de l'incapacité permanente partielle ; dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, d'indiquer, si dès à présent, une incapacité permanente partielle est prévisible et d'en évaluer l'importance ;

- de préciser l'étendue des besoins en assistance par une tierce personne et les modalités selon lesquelles cette aide a été apportée depuis l'apparition des troubles jusqu'à la date de l'expertise, en précisant notamment les périodes durant lesquelles B...a pu, le cas échéant, être prise en charge par un établissement scolaire ou autre ;

- de préciser les soins, les appareillages et équipements nécessités par son état de santé jusqu'à la date du rapport d'expertise ainsi que dans le futur ;

- de donner tous les éléments permettant d'évaluer les autres postes de préjudices tels que les troubles dans les conditions d'existence (préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice sexuel) ;

- de dire si l'état de B...A...est susceptible de modification en amélioration ou en aggravation ; dans l'affirmative, de fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, de mentionner dans quel délai.

Article 4 : Les experts adresseront aux parties un pré-rapport et annexeront à leur rapport définitif les dires des parties qu'ils auront analysées.

Article 5 : Les experts déposeront leur rapport en quatre exemplaires au greffe de la cour dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, à M. et Mme D... et CarolineA..., et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2013.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00450 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00450
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : SAUMON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-17;13nt00450 ?
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