Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour M. et Mme B...E..., demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; M. et Mme E... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100855 du 20 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. et Mme D..., l'arrêté du 16 juillet 2010 du maire de Trouville-sur-Mer leur accordant un permis de construire une maison individuelle ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que la hauteur de la verticale des constructions, est limitée en principe à 6 m par le règlement du plan d'occupation des sols (POS) du district de Trouville-Deauville et du canton, applicable sur le territoire de la commune de Trouville-sur-Mer, sauf dans le secteur UDa où cette hauteur peut atteindre 9 à 11 mètres selon l'emprise au sol de la construction ; la construction projetée, située en secteur UDa du POS, dont la hauteur de la verticale est de 6,85 mètres, respecte donc les dispositions applicables, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2012, présenté pour M. et Mme D..., par Me Ferrand, avocat au barreau de Paris, qui concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- les dispositions générales de l'article UD10 du POS permettant, sur les terrains en pente, que les hauteurs des constructions par rapport au terrain naturel soient augmentées progressivement sans pouvoir dépasser de plus de 2 mètres la hauteur-plafond limitée à 12 mètres et la hauteur de la verticale limitée à 6 mètres, ne s'appliquent pas sur le territoire de Trouville-sur-Mer ;
- le contenu des notices architecturales initiale et complémentaire, jointes au dossier de demande de permis de construire, ne respecte pas les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : elles ne présentent aucune information sur le traitement des végétations, les aménagements en limite du terrain et les modalités d'accès à la construction ;
- il n'est pas prévu que le terrain d'assiette du projet, situé en zone bleue (secteur 1B) du Plan d'Exposition aux Risques, soit planté à raison d'un arbre pour 10 m² en utilisant des espèces à enracinement profond et recouvrantes, en méconnaissance de ces dispositions ;
- l'architecte des Bâtiments de France, obligatoirement consulté, s'agissant d'un projet situé en Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP), a donné un avis favorable au vu d'un dossier incomplet ;
- le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article UD1 du POS ;
- le permis de construire contesté méconnaît les dispositions du règlement de la zone B de la ZPPAUP applicable sur le territoire de la commune de Trouville- sur-Mer ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2012, présenté pour la commune de Trouville-sur-Mer, représentée par son maire en exercice dûment mandaté, par Me Brossard, avocat au barreau d'Angers, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;
elle soutient que le projet contesté respecte les règles de hauteur fixées par le règlement du POS ;
Vu l'ordonnance du 4 juillet 2013 fixant la clôture d'instruction au 25 juillet 2013 à 12 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2013, présenté pour M. et Mme E..., qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que leur requête ;
ils soutiennent, en outre, que :
- par jugement définitif du 5 octobre 2012 le tribunal administratif de Caen a constaté l'illégalité de la délibération approuvant le plan d'occupation des sols du 22 juin 1991 du district de Trouville-Deauville et du Canton sur le fondement duquel le maire de Trouville-sur-Mer leur a accordé le permis contesté du 16 juillet 2010 ; en conséquence le maire de Trouville-sur-Mer ne pouvait se fonder sur les dispositions du plan d'occupation des sols déclaré illégal pour leur refuser le permis de construire sollicité ; trouvaient alors à s'appliquer les dispositions du règlement national d'urbanisme (RNU), et les dispositions des articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues ;
- les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues ;
- l'architecte des Bâtiments de France a émis son avis dans des conditions régulières ;
- les dispositions de l'article UD1 du règlement du POS de 1991 n'ont pas été méconnues ;
- le projet contesté ne méconnaît pas le règlement de la ZPPAUP ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 juillet 2013, présenté pour M. et Mme D..., qui confirment leurs précédentes écritures ;
ils soutiennent, en outre, que :
- le moyen, tiré par voie d'exception, de l'illégalité des dispositions du POS approuvé le 22 juin 1991 doit être écarté ; le maire n'avait pas à délivrer le permis de construire litigieux sur le fondement du RNU ;
- le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 septembre 2013, présentée pour M. et Mme D... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2013 :
- le rapport de M. Sudron, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;
- les observations de MeC..., substituant Me Gorand, avocat de M. et Mme E... ;
- les observations de Me A..., substituant Me Brossard, avocat de la commune de Trouville-sur-Mer ;
- et les observations de Me Ferrand, avocat de M. et Mme D... ;
1. Considérant que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 20 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de M. et Mme D..., l'arrêté du 16 juillet 2010 du maire de Trouville-sur-Mer leur accordant un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé avenue de la Source ;
Sur la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2010 du maire de Trouville-sur -Mer :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité (...) d'un plan local d'urbanisme, (...) ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur(...) le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par jugement du 22 mai 2009, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 13 juillet 2007 du conseil communautaire de la communauté de communes " Coeur côte Fleurie ", à laquelle appartient Trouville-sur-Mer, approuvant le plan local d'urbanisme applicable à son territoire ; que cette annulation a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols (POS) de Deauville-Trouville et de son canton, approuvé le 22 juin 1991, modifié et révisé par la suite, sur le fondement duquel le maire de Trouville-sur-Mer a accordé le permis de construire litigieux à M. et Mme E... ; que, par un nouveau jugement du 5 octobre 2012, devenu définitif, le tribunal a annulé le refus du président de la communauté de communes " Coeur Côte fleurie " d'abroger le POS du 22 juin 1991 ainsi que celui du 17 février 1976 au motif que ces deux documents d'urbanisme étaient entachés d'illégalité ; que ce jugement doit être regardé comme emportant déclaration d'illégalité de ces POS au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et a eu pour effet, en vertu de ces dispositions, de rendre applicables les dispositions d'urbanisme immédiatement antérieures au POS du 17 février 1976 issues du règlement national d'urbanisme ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision litigieuse au motif qu'elle méconnaissait les dispositions de l'article UD10 du règlement du POS de Deauville-Trouville et de son canton ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D... tant devant elle que devant le tribunal administratif de Caen ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain (...) ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement " ;
6. Considérant que si la régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par les dispositions précitées du code de l'urbanisme, le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents au regard desdites dispositions ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire, complétée le 4 mai 2010, comportait un plan de masse, la notice paysagère, ainsi qu'un reportage photographique décrivant avec suffisamment de précision l'état de la végétation et des différentes plantations existant sur le terrain et en périphérie et mentionnant celles qui seront supprimées et conservées ; qu'elle était accompagnée d'autres plans indiquant les aménagements prévus en limite de la parcelle d'assiette, notamment la pose d'une clôture, ainsi que les modalités d'accès à la construction ; que ces documents ont permis au service instructeur d'apprécier l'ensemble des critères énoncés par les dispositions précitées de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ainsi que le respect des dispositions de l'article 1B.2.3 du Plan d'Exposition aux Risques de Mouvements de terrain (PER) de Trouville-sur-Mer, Villerville et Cricqueboeuf, approuvé par arrêté préfectoral du 4 mai 1990 qui prévoient que 30 % de la partie située en zone bleue du terrain d'assiette de l'opération devront être plantés à raison d'un arbre pour 10 m², en utilisant des espèces à enracinement profond et des espèces recouvrantes ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 642-3 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord, selon les cas prévus par le code du patrimoine, de l'architecte des Bâtiments de France (...) " ;
9. Considérant que si l'architecte des Bâtiments de France a émis le 31 mars 2010 un avis favorable au projet litigieux, situé en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), avant que le maire n'ait reçu les compléments d'information demandés au pétitionnaire concernant la description du terrain d'assiette du projet, son insertion dans l'environnement et les types de matériaux utilisés, cette circonstance n'a pas été de nature à vicier la légalité de la décision litigieuse, dès lors que les documents fournis postérieurement, qui n'ont pas modifié les caractéristiques du projet litigieux, ne pouvaient que conforter le sens de l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande initiale de permis de construire n'aurait pas permis à ce dernier d'apprécier la nature, l'étendue et l'impact sur le site du projet de construction ;
10. Considérant, en troisième lieu, que le règlement du secteur B de la ZPPAU de Trouville-sur-Mer impose aux nouvelles constructions de reprendre au moins un des neuf éléments du vocabulaire architectural de Trouville, dont la brique, vernissée ou non ; que le projet litigieux, situé en secteur B de la ZPPAU, prévoit que les soubassements de la construction seront exécutés en maçonnerie de brique ; qu'ainsi ces dispositions n'ont, par suite, pas été méconnues ;
11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le bâtiment est édifié en bordure d'une voie publique, la distance comptée horizontalement de tout point de l'immeuble au point le plus proche de l'alignement opposé doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points. Lorsqu'il existe une obligation de construire au retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement. Il en sera de même pour les constructions élevées en bordure des voies privées, la largeur effective de la voie privée étant assimilée à la largeur réglementaire des voies publiques (...) " ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux n'est édifié en bordure ni d'une voie publique ni d'une voie privée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme est inopérant ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été indiqué au point 3 que M. et Mme D... ne peuvent utilement se prévaloir de ce que le projet litigieux ne respecterait pas les dispositions de l'article UD1 du règlement du POS de Deauville-Trouville et de son canton, inapplicables en l'espèce ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé le permis de construire qui leur a été délivré le 16 juillet 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme E..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme E... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 janvier 2012 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Caen et leurs conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. et Mme D... verseront à M. et Mme E... une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E..., à la commune de Trouville-sur-Mer et à M. et Mme B...D....
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Sudron, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2013.
Le rapporteur,
A. SUDRONLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
S. BOYÈRE
La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et de logement, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT00415