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27/09/2013 | FRANCE | N°13NT00822

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 septembre 2013, 13NT00822


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Lerein, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4040 du 5 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, sur recours hiérarchique, a confirmé l'ajournement à deux ans de sa demande de réintégration dans la nationalité française

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2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindr...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Lerein, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4040 du 5 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, sur recours hiérarchique, a confirmé l'ajournement à deux ans de sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à l'administration de produire son entier dossier ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- si elle peut effectivement exercer une activité professionnelle adaptée à son handicap, pour autant, et en dépit de ses démarches, elle n'est pas parvenue à trouver un emploi compte-tenu de la conjoncture économique, de son âge et de ses qualifications ; son état de santé l'empêche d'effectuer un travail difficile ; elle a travaillé entre 1990 et 2002 comme femme de chambre ; elle élève seule des enfants ; elle est parfaitement intégrée ; elle a occupé un poste sur une période de quinze jours en août 2012, alors même qu'il était contre-indiqué avec son état de santé et a par la suite été hospitalisée ; elle a été orientée vers une formation de remise à niveau générale afin d'être dirigée vers un poste d'accueil ;

- la décision contestée a été prise en méconnaissance des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; en ajournant sa demande, le ministre a établi une distinction en raison de son handicap ; ce ne sont en réalité pas ses ressources insuffisantes qui ont fondé l'ajournement de sa demande mais bien son état de santé et son handicap ; le montant de l'allocation adulte handicapé qu'elle perçoit ne lui permet pas de justifier de ressources au moins équivalentes au SMIC ; l'ajournement de sa demande porte atteinte à son droit de mener une vie familiale normale ; dans un cas proche, la Halde a constaté le caractère discriminatoire d'une décision préfectorale de refus de délivrance d'une carte de résident ; elle est en outre victime de discrimination indirecte dans la mesure où sa situation de personne handicapée, en ce qu'elle l'empêche de trouver un emploi, ne lui permet pas de satisfaire à l'exigence de ressources stables et suffisantes, et de fait, de pouvoir bénéficier de la nationalité française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en ce qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué et méconnaît ainsi l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- il n'a commis aucune erreur de droit ; la naturalisation n'est pas un droit reconnu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le refus d'octroyer la naturalisation ne constitue pas davantage une discrimination dans l'accès à un droit fondamental protégé par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- sa décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; l'appelante ne se trouvait pas dans l'incapacité d'exercer une activité à la date de l'acte contesté et était sans emploi ; la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminé postérieurement à la décision litigieuse est sans incidence sur sa légalité ; la circonstance qu'elle élève seule ses enfants est sans influence sur sa décision ;

- en application des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 la requérante pouvait demander la communication de son dossier ; tous les documents afférents au motif sur lequel repose la décision contestée ont été produits ;

Vu la décision du 21 février 2013 par laquelle la section administrative du bureau d'aide

juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2013 :

- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur ;

1. Considérant que Mme B..., de nationalité algérienne, interjette appel du jugement du 5 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, sur recours hiérarchique, a confirmé l'ajournement à deux ans de sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation. " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993, dans sa rédaction à la date de la décision contestée : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu' à la date de la décision litigieuse, Mme B... présentait un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % et n'exerçait aucune activité professionnelle ; que ses revenus n'étaient constitués que des allocations familiales, de l'allocation logement, de l'allocation de soutien familial et de l'allocation pour adulte handicapé qui lui a été accordée, pour la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 1er janvier 2012, par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui l'a reconnue apte à l'exercice d'une activité professionnelle compatible avec son handicap ; qu'en dépit de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi qui lui a été reconnue pour l'attribution de cette dernière allocation, l'intéressée n'établit pas qu'elle serait inapte à l'exercice de toute profession ; qu'ainsi, le ministre chargé des naturalisations, compte tenu de son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française, en décidant d'ajourner à deux ans la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par Mme B..., pour le motif tiré de son absence d'autonomie matérielle, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

4. Considérant, en second lieu, que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit pour l'étranger qui la sollicite ; que le refus d'accorder la naturalisation à un étranger au motif de son absence d'autonomie matérielle ne saurait dès lors constituer, contrairement à ce que soutient la requérante, une discrimination dans l'accès à un droit fondamental, quand bien même ce défaut d'autonomie trouverait son origine dans les problèmes de santé de la postulante ; qu'il suit de là que Mme B... ne peut utilement invoquer une prétendue violation de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne interdisant toute discrimination fondée notamment sur le handicap ; que, par ailleurs, la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale ; que, dès lors, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la possibilité pour un étranger d'acquérir la nationalité d'un Etat signataire de cette même convention n'est pas au nombre des droits reconnus par celle-ci ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de ladite convention ne peut être accueilli ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction sollicitée, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce que la cour enjoigne, sous astreinte, au ministre chargé des naturalisations de procéder à un nouvel examen de sa demande ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'avocat de Mme B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

A. SUDRON

Le président-rapporteur,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT008222

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00822
Date de la décision : 27/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Alain PEREZ
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : LEREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-27;13nt00822 ?
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