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26/09/2013 | FRANCE | N°13NT00680

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 septembre 2013, 13NT00680


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me Poulard, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1207773 en date du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 1er juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français p

endant une durée de deux ans ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'...

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me Poulard, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1207773 en date du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 1er juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Poulard, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- les décisions par lesquelles le préfet de la Mayenne a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour de deux ans ne sont pas suffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet s'est estimé lié par sa décision de refus de titre de séjour pour décider s'il y avait lieu de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

- il encourt des risques de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine ; le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision d'interdiction de retour d'une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2013, présenté par le préfet de la Mayenne, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité compétente ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne résulte pas des termes de sa décision d'obligation de quitter le territoire français qu'il se soit estimé en situation de compétence liée ;

- le requérant ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée ; il n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant un délai de deux ans ;

Vu les pièces produites par M. C..., enregistrées le 24 juillet 2013 ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 6 mars 2013 admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Poulard pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2013 le rapport de M. Giraud, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C..., ressortissant guinéen, fait appel du jugement du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 1er juin 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 2 avril 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Mayenne a consenti une délégation à M. Dominique Gilles, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de " signer tous arrêtés, circulaires, rapports, correspondances et documents à l'exception : - des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département ; - des réquisitions de la force armée ; des arrêtés de conflit ; des recours devant le tribunal administratif " ; qu'une telle délégation, qui est suffisamment précise et inclut nécessairement, compte tenu de ses termes, les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers, donnait compétence à M. B... pour signer les décisions contestées ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

4. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourrait être reconduit, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers, mentionne la nationalité de l'intéressé et précise qu'il ne justifie pas être exposé à une menace personnelle en cas de retour en Guinée, est suffisamment motivée ; que l'arrêté contesté, en tant qu'il emporte interdiction pour M. C... de retourner sur le territoire français pendant deux ans, se réfère au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les raisons pour lesquelles l'intéressé pouvait, au regard des quatre critères énumérés par ces dispositions, légalement faire l'objet d'une telle mesure ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut être accueilli ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté contesté, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... au regard notamment des risques que celui-ci pouvait encourir dans son pays d'origine ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que M. C..., entré en France en 2001 à l'âge de 19 ans, se prévaut de la durée de son séjour, de son intégration à la société française, de ce que le 17 juin 2013, il a reconnu avant naissance l'enfant à naître de Mme A..., de son souhait de travailler et de sa maîtrise du français ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, le requérant, à l'encontre duquel plusieurs mesures d'éloignement avait été prononcées depuis l'année 2002, était célibataire et sans charge de famille et qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidaient sa mère et sa soeur ; que, par suite, eu égard notamment aux conditions du séjour de M. C..., le préfet de la Mayenne, n'a pas, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne aurait, à tort, estimé être dans l'obligation d'assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que si M. C... soutient que l'éloignement vers la Guinée l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'a produit aucune pièce de nature à établir le bien-fondé de ses allégations ; que, par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne se serait estimé lié par les appréciations portées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis la Commission de recours des réfugiés, sur ses demandes d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant à l'encontre de M. C..., dont l'intensité des liens avec la France, bien que présent sur le territoire depuis 2001, n'est pas avérée et qui s'est soustrait à l'exécution de plusieurs mesures d'éloignement, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Mayenne aurait, alors même que l'intéressé ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, méconnu les dispositions du III, de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 septembre 2013.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

J-M. PIOT

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT006802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00680
Date de la décision : 26/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : POULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-26;13nt00680 ?
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