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20/09/2013 | FRANCE | N°12NT02330

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 septembre 2013, 12NT02330


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2012, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par Me Le Tallec, avocat au barreau de Paris ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4104 du 8 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 du préfet d'Indre-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réex

aminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2012, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par Me Le Tallec, avocat au barreau de Paris ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4104 du 8 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 du préfet d'Indre-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Tallec de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- l'arrêté du 23 juin 2011 du préfet d'Indre-et-Loire est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet ne pouvait pas instruire sa demande d'asile selon la procédure prioritaire ;

- son droit à un recours effectif, protégé par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été méconnu ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses droits économiques et sociaux et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention contre la torture et les peines et traitements cruels, inhumains et dégradants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2012, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- son arrêté du 22 août 2011 est suffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur de droit ;

- cet arrêté ne méconnaît pas les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations des articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les mémoires, enregistrés les 7 et 28 août 2013, présentés pour M. D..., tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 11 juillet 2012, accordant à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2013 :

- le rapport de M. Lainé, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Gauthier rapporteur public ;

1. Considérant que M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, interjette appel du jugement du 8 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 du préfet d'Indre-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français ;

2. Considérant que l'arrêté contesté, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment au regard de la situation administrative et personnelle de l'intéressé, est suffisamment motivé ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D... ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui serait entré irrégulièrement en France le 29 mars 2010, a sollicité le 29 avril 2010 le statut de réfugié ; que cette demande a été rejetée par une décision du 27 octobre 2010 du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 30 mai 2011 par la cour nationale du droit d'asile ; que le 21 juillet 2011 le préfet d'Indre-et-Loire a, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de l'admettre au séjour provisoire au motif que la demande d'asile constituait un recours abusif aux procédures d'asile ou n'était présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement imminente ; que par une décision du 29 juillet 2011 le directeur de l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile transmise selon la procédure prioritaire ; que le préfet pouvait, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 742-6, prendre la mesure d'éloignement contestée ; que M. D..., qui a bénéficié de l'ensemble des garanties de procédure prévues notamment par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui a disposé également de la faculté d'exercer un recours devant la cour nationale du droit d'asile où il pourra faire utilement valoir l'ensemble de ses arguments et se faire représenter par un conseil, n'est pas fondé à soutenir que son droit à un recours effectif devant une juridiction, protégé par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été méconnu du seul fait que le recours devant la cour nationale du droit d'asile ne présente pas un caractère suspensif ;

6. Considérant qu'à la suite des décisions précitées du directeur de l'OFPRA et de la cour nationale du droit d'asile, le préfet d'Indre-et-Loire pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour au titre de l'asile et obliger le requérant à quitter le territoire français, dès lors que M. D... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une carte de résident sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite les dispositions de cet article n'ont pas été méconnues ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que le séjour en France de M. D... est récent ; que le requérant conserve des attaches familiales en République démocratique du Congo, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans et où résident son épouse, sa fille mineure, ses parents, ses trois frères et ses quatre soeurs ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé ;

9. Considérant que si M. D... soutient que l'arrêté contesté le prive des droits économiques et sociaux auxquels il pourrait prétendre et le place dans une situation d'extrême précarité, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien fondé ;

10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : " 1. Aucun Etat Partie n'expulsera, ne refoulera ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture (...) " ;

11. Considérant que si M. D..., auquel la reconnaissance du statut de réfugié a été refusée dans les conditions précédemment rappelées, soutient qu'en raison de ses activités politiques passées il encourt des risques en cas de retour en République démocratique du Congo, les pièces qu'il a produites à l'appui de ses allégations ne permettent pas d'établir qu'il serait réellement et personnellement exposé aux risques invoqués ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. D... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2013.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

S. AUBERT Le président-rapporteur,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02330

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02330
Date de la décision : 20/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-20;12nt02330 ?
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