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19/07/2013 | FRANCE | N°12NT02123

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 juillet 2013, 12NT02123


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2012, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me Roullier, avocat au barreau de Nantes ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3850 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pendant une durée d'un an ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'

Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie pr...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2012, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me Roullier, avocat au barreau de Nantes ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3850 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pendant une durée d'un an ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Roullier en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le secrétaire général de la préfecture, signataire de l'arrêté du 3 octobre 2011, ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle vit en France depuis 2003, qu'elle y a eu une fille avec un autre homme que son mari et que son enfant est scolarisée ;

- l'obligation de quitter le territoire français ayant pour base légale une décision de refus de séjour illégale est, par voie de conséquence, entachée d'illégalité ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa famille au Maroc la punirait du fait de son adultère et qu'elle est menacée de mort par le père de son enfant ;

- la décision portant interdiction de retour pendant une durée d'un an est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2012, présenté par le préfet d'Eure-et-Loir, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le secrétaire général de la préfecture, signataire de l'arrêté du 3 octobre 2011, disposait d'une délégation de signature régulière ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît ni les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2013, présenté pour Mme C..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que le préfet d'Eure-et-Loir lui a délivré le 19 avril 2013 un récépissé de demande de titre de séjour ;

Vu la décision du 11 juillet 2012 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2013 :

- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante marocaine née en 1978, a épousé un ressortissant français le 31 juillet 2002 au Maroc ; qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire le 12 avril 2003 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'en 2004 ; que le 15 janvier 2005, d'une relation avec un compatriote, elle a donné naissance à une fille ; qu'en raison de la fin de la communauté de vie entre l'intéressée et son mari en janvier 2004 et de leur divorce le 15 février 2005, le préfet d'Eure-et-Loir a refusé le 18 août 2005 de renouveler le titre de séjour de Mme C..., dont le recours contre cette décision a été rejeté par un jugement du 28 mars 2006 du tribunal administratif d'Orléans ; que le 31 mai 2006 le préfet a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière, confirmé le 19 juin 2006 par un jugement du magistrat délégué du tribunal administratif d'Orléans et par un arrêt du 2 novembre 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes ; que la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2009 du préfet d'Eure-et-Loir portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a été rejetée par un jugement du 4 août 2009 du tribunal administratif d'Orléans, confirmé par un arrêt du 29 octobre 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes ; que Mme C... interjette appel du jugement du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pendant une durée d'un an ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par M. Blaise Gourtay, secrétaire général

de la préfecture d'Eure-et-Loir, qui bénéficiait d'une délégation du préfet régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que la validité de cette délégation, qui n'est pas générale et dont ne sont pas exclues les décisions relatives au séjour des étrangers, n'était pas subordonnée à l'empêchement du préfet ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 3 octobre 2011 manque en fait ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

4. Considérant que Mme C... soutient qu'elle vit en France depuis 2003, qu'elle y a eu une fille avec un autre homme que son mari et que son enfant est scolarisée ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante est divorcée ; qu'elle ne se prévaut d'aucune attache familiale en France ; que le père de son enfant, ressortissant marocain, réside désormais au Maroc ; qu'il n'est pas établi, par les témoignages produits dépourvus de valeur probante, que l'intéressée serait séparée de sa fille en cas de retour au Maroc ; que, dès lors, en prenant l'arrêté contesté, le préfet d'Eure-et-Loir n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que ledit arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, désignant le pays de destination et portant interdiction de retour pendant une durée d'un an :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet d'Eure-et-Loir a, postérieurement à l'introduction de la présente requête, remis à Mme C... un récépissé de demande de carte de séjour, valable du 19 avril au 18 juillet 2013 ; que le préfet a ainsi implicitement abrogé les décisions susmentionnées du 3 octobre 2011, lesquelles n'ont pas reçu application, de sorte que les conclusions tendant à leur annulation présentées par Mme C... sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme C... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... dirigées contre les décisions contenues dans l'arrêté du 3 octobre 2011 du préfet d'Eure-et-Loir portant obligation de quitter le territoire français, désignant le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office et portant interdiction de retour pendant une durée d'un an.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. D..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Gauthier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2013.

Le rapporteur,

E. GAUTHIERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02123
Date de la décision : 19/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : ROULLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-19;12nt02123 ?
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