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19/07/2013 | FRANCE | N°11NT03173

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 juillet 2013, 11NT03173


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2011, présentée pour Mme D... A..., demeurant..., par Me Madrid, avocat au barreau d'Orléans ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-478 du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2010 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour et de la décision du 29 septembre 2010 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une c

arte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut,...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2011, présentée pour Mme D... A..., demeurant..., par Me Madrid, avocat au barreau d'Orléans ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-478 du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2010 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour et de la décision du 29 septembre 2010 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, une carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Madrid en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de cet avocat à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif d'Orléans a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet du Loiret s'est cru lié par l'avis du médecin inspecteur de santé public et a, ainsi, méconnu l'étendue de sa propre compétence ;

- elle ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié aux Comores ;

- elle justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels lui ouvrant droit au bénéfice d'une carte de séjour temporaire ;

- elle peut bénéficier d'une carte de résident en qualité d'ascendant à charge de ressortissant français ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me Denizot, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- à titre principal, la requête de Mme A... est tardive et, par suite, irrecevable ;

- à titre subsidiaire, la requête n'est pas fondée ; les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues, ni celles des articles L. 313-14 et L. 314-11 du même code ;

- les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2013, présenté pour Mme A... qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que sa requête est recevable ;

Vu la décision du 7 octobre 2011 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2013 :

- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante comorienne née en 1945, est entrée en France le 30 décembre 2002 munie d'un visa de court séjour ; qu'elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, qui lui a été attribuée à compter du 13 février 2004 et a été régulièrement renouvelée jusqu'au 6 mars 2010 ; que Mme A... interjette appel du jugement du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2010 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour et de la décision du 29 septembre 2010 rejetant son recours gracieux ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mme A... le 30 juin 2011 ; que celle-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 27 juillet 2011 qui a interrompu le délai d'appel de deux mois ; que le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur cette demande par une décision du 7 octobre 2011, notifiée par un courrier du 18 octobre 2011 ; que, par suite, le préfet du Loiret n'est pas fondé à soutenir que ladite requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 décembre 2011 par télécopie et confirmée par voie postale le 20 décembre 2011, serait tardive et, par suite, irrecevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet du Loiret se serait cru lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence ; qu'il suit de là, que Mme A... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 314-11 du même code : "Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) " ;

6. Considérant que l'avis du 17 juin 2010 produit au dossier comporte régulièrement les nom, signature et qualité de M. C... F..., médecin de l'agence régionale de santé du Centre ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit être écarté ;

7. Considérant que contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret se serait cru lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique et aurait, ainsi, méconnu l'étendue de sa propre compétence ;

8. Considérant que, pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Loiret s'est fondé sur l'avis du 17 juin 2010 du médecin de l'agence régionale de santé du Centre indiquant que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette dernière peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les pièces produites par la requérante, en particulier les certificats médicaux des 2 mars 2009 et 3 mars 2011 et les documents généraux sur l'état du système de soins dans son pays d'origine, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale, qui a confirmé le 9 mars 2011 la disponibilité aux Comores des médicaments nécessaires au traitement des pathologies dont souffre l'intéressée ; que celle-ci n'établit pas davantage qu'elle ne disposerait pas des ressources suffisantes pour se faire soigner dans son pays ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions ; que Mme A... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Loiret n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

10. Considérant que Mme A... fait valoir qu'en raison de sa cécité et de son handicap elle est entièrement dépendante de ses deux enfants de nationalité française et qu'elle a noué des liens affectifs forts avec ses petits enfants ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France à l'âge de 57 ans, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales aux Comores où résident plusieurs de ses enfants et son époux ; qu'elle n'établit par aucune justification qu'elle serait séparée de son mari depuis 2002 et que ses enfants comoriens ne pourraient la soutenir au motif qu'ils résideraient sur l'île de Zanzibar ; que, dès lors, le préfet n'a pas entaché les décisions attaquées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

11. Considérant que, dans ces conditions, les circonstances invoquées ci-dessus par Mme A... n'établissent pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet du Loiret aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant que Mme A..., qui est entrée en France le 30 décembre 2002 munie d'un visa de court séjour, n'était pas titulaire du visa d'une durée supérieure à trois mois requis par les dispositions précitées du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet du Loiret a pu légalement, pour ce seul motif, refuser de lui délivrer une carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant de nationalité française ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 9 juillet 2010 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour et de la décision du 29 septembre 2010 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de cette dernière tendant à ce que la cour enjoigne au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, une carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme A... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à l'Etat de la somme que le préfet du Loiret demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 11-478 du 28 juin 2011 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. E..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Gauthier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2013.

Le rapporteur,

E. GAUTHIERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11NT03173

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT03173
Date de la décision : 19/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Eric GAUTHIER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : MADRID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-19;11nt03173 ?
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