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18/07/2013 | FRANCE | N°12NT03128

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 juillet 2013, 12NT03128


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., domicilié ...Cedex, par Me Chollet, avocat au barreau d'Orléans; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3893 en date du 15 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon qui a confirmé la décision du 5 août 2011 de la commission de discipline de la maison d'arrêt d'Orléans lui infligeant la sanction disciplina

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Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., domicilié ...Cedex, par Me Chollet, avocat au barreau d'Orléans; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-3893 en date du 15 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon qui a confirmé la décision du 5 août 2011 de la commission de discipline de la maison d'arrêt d'Orléans lui infligeant la sanction disciplinaire de quinze jours d'encellulement disciplinaire intégralement assortie du sursis ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la composition de la commission de discipline du 5 août 2011 était irrégulière ; la commission ne comprenait qu'un seul membre assesseur ; le second membre assesseur choisi parmi les personnes extérieures à l'administration pénitentiaire en application des dispositions de l'article R. 57-7-8 du code de procédure pénale n'était pas présent ; en refusant d'annuler la décision de la commission de discipline, le directeur interrégional des services pénitentiaires a commis une erreur de droit qui entache d'illégalité sa propre décision ;

- la sanction est fondée à tort sur le 3° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale qui vise la participation à une action collective, précédée ou accompagnée de violences envers les personnes ou de nature à compromettre la sécurité de l'établissement, alors qu'il n'y a eu aucune violence à l'égard du personnel de l'établissement ; l'action, qui s'est déroulée dans la cour de promenade, ne présentait pas davantage de danger de nature à compromettre la sécurité de l'établissement ; les faits relevaient d'une autre qualification juridique ;

- la décision méconnaît l'interdiction des punitions collectives ; les comptes rendus d'incident et les rapports d'enquête comportent les mêmes phrases et constituent en réalité un seul rapport d'enquête collectif ; l'absence d'enquête personnalisée lui a été préjudiciable car il n'a pas pu démontrer qu'il a subi une contrainte morale forte ; le passage individuel en commission de discipline et l'assistance de son avocat ne permet pas de pallier l'absence d'enquête ; il y a lieu de demander au ministère de la justice de produire les rapports, comptes rendus d'incident et décisions prises à l'égard des autres détenus sanctionnés ce jour là ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2013, présenté par le garde des Sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que :

- la requête d'appel n'est pas recevable en l'absence de moyens d'appel dirigés contre le jugement attaqué ; le requérant se borne à reprendre les moyens de fait et de droit développés en première instance ;

- le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de discipline n'est pas fondé ; l'absence dans la commission de discipline d'un membre extérieur n'entache pas la décision d'un vice substantiel dès lors que la sanction est prise par le chef d'établissement en vertu d'un de ses pouvoirs propres ; par ailleurs, l'établissement pénitentiaire n'a été prévenu que très tardivement de la désignation des assesseurs extérieurs par le tribunal de grande instance d'Orléans et ne disposait pas matériellement du temps suffisant pour installer ces derniers avant la réunion de la commission de discipline ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, le refus, avec plusieurs autres détenus, de regagner sa cellule en restant dans la cour de promenade constitue un mouvement collectif de nature à compromettre la sécurité de l'établissement en application de l'article R. 57-7-1 alinéa 3 du code de procédure pénale, comme le confirme la nécessité de l'intervention des équipes régionales d'intervention et de sécurité de la direction interrégionale de Paris ;

- il n'y a pas eu de sanction collective ; chacun des détenu impliqué a fait l'objet d'une procédure disciplinaire distincte ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2013, présenté pour M. B... ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 7 décembre 2012, admettant M. A... B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Chollet pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B..., incarcéré à... ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que la requête présentée par M. B... ne constitue pas la seule reproduction littérale de sa demande de première instance mais comporte l'exposé suffisant des moyens d'appel ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée en défense par le ministre doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur régional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des articles R. 57-7-6 et R. 57-7-7 du code de procédure pénale les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline, qui comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs qui ont voix consultative ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision contestée du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon, que la commission de discipline de la maison d'arrêt d'Orléans ne comportait, dans sa séance du 5 août 2011, outre le président, que le premier assesseur choisi parmi les membres du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement, le second assesseur étant absent ; que cette irrégularité de la composition de la commission de discipline, qui a privé l'intéressé d'une garantie de procédure, est de nature à entacher d'illégalité la décision du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires, sans que puisse y faire obstacle la circonstance, invoquée par le garde des Sceaux, ministre de la justice, que l'administration pénitentiaire n'aurait été informée que tardivement de la désignation des assesseurs par le tribunal de grande instance d'Orléans et n'aurait pas été en mesure de procéder à leur installation avant la réunion, le 5 août 2011, de la commission de discipline, l'impossibilité invoquée n'étant pas établie ; que M. B... est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation de la décision du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, tendant au versement à son avocat d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 11-3893 du 15 novembre 2012 du tribunal administratif d'Orléans ainsi que la décision du 6 septembre 2011 du directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2013.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au Garde des Sceaux, ministre de la Justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03128
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : CHOLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-18;12nt03128 ?
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